La clinique des phrases (119)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, en incipit d’un article publié dans la presse québécoise :

Il faudra abandonner le cliché d’une frilosité des Québécois à l’égard de la polémique.

Comme le savent ses fidèles bénéficiaires, l’Oreille tendue est souvent prosaïque. Devant pareil emploi du futur, elle se demande immédiatement «Quand ? À quel moment faudra-t-il abandonner ce cliché ?»

Le recours à ce temps verbal est évidemment rhétorique. La personne qui signe ce texte pense que le temps est venu, mais, par prudence (universitaire), elle feint d’hésiter, elle tergiverse, elle zigonne, au lieu d’affirmer.

Donc :

Il faut abandonner le cliché d’une frilosité des Québécois à l’égard de la polémique.

À votre service.

P.-S.—Quiconque fréquente les plumes universitaires le sait : ce faux futur leur procure une jouissance indicible.

P.-P.-S.—Oui, bien sûr, ce n’est pas la première plume timide que nous croisons en ces lieux. Il y en avait une pas plus tard que la semaine dernière.

La clinique des phrases (118)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Du temps où elle enseignait, l’Oreille tendue ne cessait de rappeler à ses ouailles qu’il fallait apprendre à s’affirmer, surtout aux cycles supérieurs. Foin des certains, des sembler, des paraître ! (Il en est question ici.)

Elle s’est fait la même remarque devant un récent titre de presse :

Victimes des faibles salaires qu’ils peuvent offrir à leurs employés, des CPE ne peuvent pas fonctionner au maximum de leur capacité.

Si on lui avait demandé son avis, elle aurait économisé les pouvoir :

Victimes des faibles salaires qu’ils offrent à leurs employés, des CPE ne fonctionnent pas au maximum de leur capacité.

On ne le lui a pas demandé.

La clinique des phrases (117)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Pour se désennuyer, [François-Xavier Garneau] publie des articles à saveur historique dans le journal Le Canadien.

Débarrassons-nous de la calamité à saveur :

Pour se désennuyer, [François-Xavier Garneau] publie des articles historiques dans le journal Le Canadien.

À votre service.

La clinique des phrases (116)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Le docteur Amano et ses collègues ont pu quantifier l’ampleur du problème en interrogeant tout près d’un millier de chercheurs provenant de huit pays différents (Bangladesh, Bolivie, Royaume-Uni, Japon, Népal, Nigéria, Espagne et Ukraine) et ayant des profils linguistiques et économiques différents.

S’il y a huit pays, ils sont nécessairement différents, non ?

Simplifions :

Le docteur Amano et ses collègues ont pu quantifier l’ampleur du problème en interrogeant tout près d’un millier de chercheurs provenant de huit pays (Bangladesh, Bolivie, Royaume-Uni, Japon, Népal, Nigéria, Espagne et Ukraine) et ayant des profils linguistiques et économiques différents.

À votre service.

P.-S.—En effet : c’est un des dadas de l’Oreille, et depuis longtemps.

P.-P.-S.—Le mal sévit aussi en anglais, ainsi que le note Jack Todd. Dans la phrase «When two different of Trump’s own lawyers have pled guilty to crimes, it becomes very, very hard for Trump to maintain this prosecution is political», on peut enlever sans mal «different» et «own».

La clinique des phrases (115)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit cette phrase, tirée d’un roman policier québécois :

Il lui arrivait d’aller prendre un verre avec des collègues, de participer à un tournoi de baseball ou à une partie de pêche, mais il ne se sentait proche d’aucun des fêtards qui remplissaient son verre ou lui criaient de se grouiller le cul afin d’atteindre le deuxième but avant le champ arrière de l’équipe adverse.

Les amateurs de sport le savent : il n’existe pas de champ arrière au baseball; c’est un terme de football. En revanche, en langue de balle, on connaît le champ extérieur.

On pourrait donc imaginer la phrase suivante :

Il lui arrivait d’aller prendre un verre avec des collègues, de participer à un tournoi de baseball ou à une partie de pêche, mais il ne se sentait proche d’aucun des fêtards qui remplissaient son verre ou lui criaient de se grouiller le cul afin d’atteindre le deuxième but avant le champ extérieur de l’équipe adverse.

Elle resterait bizarre. Il faudrait la modifier plus profondément :

Il lui arrivait d’aller prendre un verre avec des collègues, de participer à un tournoi de baseball ou à une partie de pêche, mais il ne se sentait proche d’aucun des fêtards qui remplissaient son verre ou lui criaient de se grouiller le cul afin de ne pas être retiré au deuxième but par le champ extérieur de l’équipe adverse.

À votre service.