Sus aux nuisibles

En voyage en France il y a cinq ans, l’Oreille tendue a découvert l’existence de la «Lutte raisonnée contre les nuisibles».

C’est à cette lutte qu’elle a pensé en prenant connaissance, sur le site de l’hebdomadaire Marianne, de l’article «“Bon courage !” et autres tics de langage dans l’air du temps» (30 décembre 2015). Daniel Bernard, Élodie Émery et Anne Rosencher y partent à la chasse — entreprise inutile mais roborative — aux «formules et expressions en vogue».

Bilan.

Il faudrait user avec parcimonie de la formule de salutation «Bon courage», de «Je reviens vers vous», de la litote «C’est pas faux», de «Entre mille guillemets» (parfois confondu avec «Entre parenthèses»), de l’adverbe «Carrément», de «Vite fait», de «Belle journée» (voir «Bon courage») et «du pronom possessif dans les conversations («Je le connais, mon Paul»). Dans la liste de Marianne se trouvent quelques rengaines repérées par l’Oreille et ses lecteurs il y a jadis naguère : «En mode», «(J’)Avoue» (fréquent chez «les jeunes»), «Être sur» (ici et ), «Pas de souci».

L’an prochain, on recommencera.

P.-S. — Merci à @revi_redac pour le lien.

Finalement

Un collègue de l’Oreille tendue, croulant sous les corrections, lui écrit ceci :

Pourquoi les gens ont-ils décidé que l’adverbe «finalement» n’existait plus ? Pourquoi «en définitive» est-elle devenue une expression obsolète ? […] «Au final» est devenu au Québec ce qu’est «pas de souci» en France : une ponctuation. Bon je me calme.

«Au final», donc.

Ce collègue n’est pas seul à avoir remarqué sa prolifération, au Québec comme en France. Antoine Perraud a consacré sa chronique du 25 octobre 2015 sur France Culture à ce «tic de langage». Le Monde publiait, le 7 février 2014, un article de Didier Pourquery intitulé «Pour en finir avec l’expression “au final”».

La récrimination est généralisée : pas de doute là-dessus.

Signalons cependant le flair de James Grieve, qui a publié un article savant sur le sujet. Son incipit : «A new connective structure has recently evolved in French : au final.» Quand a-t-il annoncé cette évolution «récente» ? En 1995.

 

[Complément du jour]

Oups ! L’Oreille allait oublier ce texte de François Bon.

 

Référence

Grieve, James, «Au final : A Connector in the Making», Cahiers AFLS, 1, 1, printemps 1995, p. 18-23. http://afls.net/cahiers/1.1/grieve.pdf

Accouplements 39

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Hier soir, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — jouaient à Tampa Bay, contre le Lightning. (Ils ont — enfin — gagné.) Le responsable de la musique à l’Amalie Arena, en deuxième période, a fait tourner un extrait de «Radar Love» — oui, oui, la chanson de 1973 de Golden Earring.

Ce matin, l’Oreille lisait le plus récent recueil de textes de Roger Angell, This Old Man (2015) — oui, oui, le Roger Angell dont il était question ici l’autre jour. Dans un article de 1994, «Storyville», il raconte ce qu’est le travail d’éditeur de fiction à l’hebdomadaire The New Yorker. Il évoque alors le talent de Bobbie Ann Mason pour trouver le «down-home detail». Un exemple ? «[Her] people […] know that “Radar Love” is a great driving song» (p. 162).

Voilà une partie de l’adolescence de l’Oreille en quelques mots.

 

Référence

Angell, Roger, This Old Man. All in Pieces, New York, Doubleday, 2015, xii/298 p. Ill.