Accouplements 271

Drapeau du Portugal

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dan Brown, dans son plus récent roman, The Secret of Secrets (2025), emberlificote une intrigue autour de la nature de la conscience : s’agit-il, comme le disent les matérialistes, d’un phénomène physicochimique ou plutôt, comme le croient les noéticiens, d’un milieu dans lequel baigneraient les êtres humains ? Un des nombreux contentieux entre les deux groupes concerne les cas où quelqu’un développerait, sans raison apparente, des savoirs inattendus : «In other words, you get conked on the head, and you wake up a virtuoso violonist, or fluent in Portugese, or a genius at math — where you previously possessed none of these skills» (p. 122; «Autrement dit, vous recevez un coup sur la tête et vous vous réveillez virtuose du violon, parlant couramment le portugais ou étant un génie des mathématiques — alors que vous ne possédiez aucune de ces compétences auparavant.»).

La série télévisée Seinfeld offre une situation semblable. Dans le 143e épisode (huitième saison, neuvième épisode), «The Abstinence», George Costanza, au moment où il est forcé à l’abstinence sexuelle, développe des facultés d’apprentissage inexplicables. Par exemple, il se met à parler portugais sans jamais avoir appris cette langue. (Cette maîtrise disparaîtra bientôt.)

 

 

Cela laisse grande ouverte une question : pourquoi le portugais ?

 

Référence

Brown, Dan, The Secret of Secrets. A Novel, New York, Doubleday, 2025, 675 p. Ill.

Truculence de l’Oreille tendue

«Quelle est l’expression québécoise la plus truculente ?», la Presse+, 23 novembre 2025, manchette

«Quelle est l’expression québécoise la plus truculente ?» se demande la Presse+ du 23 novembre.

L’Oreille tendue tient à rassurer ses bénéficiaires : elle a déjà dit un mot des quatre expressions retenues.

Rien qu’à voir, on voit bien («Yinqu’à woèr, on woé ben !», en graphie folklorique)

Accrocher ses patins

Patente à gosse

Être habillé comme la chienne à Jacques

À votre service.

P.-S.—La semaine suivante, dans le même quotidien, des lecteurs offrent la leur. L’Oreille, sans être parfaite, continue à bien s’en tirer : rare comme de la marde de pape, le crayon le plus aiguisé de la boîte, avoir le cordon du cœur qui traîne dans la marde, les bottines doivent suivre les babines, assez fou pour mettre le feu, mais pas assez fin pour l’éteindre.

Curiosité voltairienne (et périphrastique)

Cannette de bière Voltaire

«What has happened to my beloved France, the country where I spent my childhood summers, studied and worked in my 20s ? Once the embodiment of European confidence and cultural supremacy, the land of Voltaire, Bastiat and de Tocqueville is now trapped in an accelerating spiral of decline.»

(«Qu’est-il arrivé à ma chère France, le pays où j’ai passé les étés de mon enfance, étudié et travaillé pendant ma vingtaine ? Autrefois symbole de la confiance et de la suprématie culturelle européennes, le pays de Voltaire, Bastiat et Tocqueville est aujourd’hui pris dans une spirale de déclin accélérée.»)

Annabel Denham, «Letters. The France I love is dying. Britain could be next», The Daily Telegraph, 27 août 2025.

 

La périphrase «le pays de Voltaire» est banale. On peut sans trop de mal imaginer «le pays de Tocqueville». «Le pays de Bastiat», voilà, en revanche, qui a de quoi étonner.

 

Voltaire est toujours bien vivant.

 

P.-S.—D’autres périphrases voltairiennes ? À votre service.

La clinique des phrases (127)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Si l’on fait abstraction des morts accidentelles, «la très grande majorité des personnes décèdent de mort naturelle» au Québec, indique la Commission des soins de fin de vie dans son rapport 2018-2023.

L’Oreilleon le sait — préfère mourir à décéder. Passons, pour nous intéresser plutôt aux causes de décès évoquées dans cette phrase.

On peut, semble-t-il, «décéder de mort» («décèdent de mort naturelle»); cela fait un brin pléonastique.

Précisons : on peut mourir de «morts accidentelles» ou de «mort naturelle». Cela couvre en effet la très grande majorité des cas, sauf exceptions (suicides, catastrophes naturelles). On ne saurait le contester, mais cela ne semble pas être une découverte révolutionnaire.

Enfin, sauf erreur, la situation évoquée n’est pas propre au Québec.

Y a-t-il moyen de rescaper ce passage ? Essayons ceci :

Au Québec comme ailleurs, la très grande majorité des personnes meurent de causes naturelles.

À votre service — et merci au lecteur qui a mis l’Oreille sur la piste de cette perle.