Interrogation titrologique du jour

Quand les écrivains québécois jouent le jeu !, ouvrage collectif, 1970, couverture

Soit les titres suivants :

En ces territoires, nos pas divergent

Les années s’écoulent lentes et légères

Dans un monde où il se fait tard

Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme

Je mens, songe et m’en tire

Tu vis à Paris, je pense

Les Cookies de l’apocalypse, ou comment j’ai été annulée par l’innommable

Les pommiers dépassaient partout des palissades

Ma laideur n’influence personne

La grande maison en bardeaux rouges qui grince la nuit

La bouche pour montrer une série de lames

Comme si c’était comme ça

Être un geste, un cri, une action

L’art de ne pas avoir toujours raison

Ce que je sais de toi

La version qui n’intéresse personne

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok

On s’arrête là pour aujourd’hui

Mourir de froid, c’est beau, c’est long, c’est délicieux

J’ai montré toutes mes pattes blanches je n’en ai plus

Qu’est-ce qui les caractérise, ces titres ?

Ils apparaissent en couverture d’œuvres québécoises récentes.

Ils comptent au moins six mots.

Ils comportent un verbe, généralement conjugué.

L’Oreille tendue s’interroge triplement.

Est-ce une tendance ?

La titrologie longue a ses précurseurs au Québec, par exemple Jean-Claude Germain (Un pays dont la devise est je m’oublie, Si les Sansoucis s’en soucient, ces Sansoucis-ci s’en soucieront-ils ? Bien parler, c’est se respecter !) ou Victor-Lévy Beaulieu (N’évoque plus que le désenchantement de ta ténèbre, mon si pauvre Abel). Y a-t-il une relance récente de cette pratique ?

Dans un cas comme dans l’autre, pourquoi ?

Tant de questions, si peu de jours.

P.-S.—Bien sûr, il y a des exemples ailleurs qu’au Québec : La prochaine fois que tu mordras la poussière; Te souviens-tu de ta naissance ?

Générons de nouveau

Moulinette à légumes, 2008

L’Oreille tendue avait presque oublié qu’elle a un jour créé une rubrique «Générateurs de textes». Alimentons-la.

Vous en voulez en français ?

Ambroise Garel offre deux services : du Lovecraft; de la cuisine.

De ce côté (Twitter, Mastodon), vous obtiendrez, grâce à l’Académotron, d’étranges règles grammaticales.

Ici, on répond à une question complexe : «C’est de gauche ou de droite ?»

Vous préférez l’anglais ?

Là, c’est de la littérature canadienne.

La prose universitaire se prêterait bien à l’exercice : premier exemple; deuxième exemple.

À votre service.

Les zeugmes du dimanche matin et de Françoise Giroud

Françoise Giroud, Histoire d’une femme libre, 2013, couverture

«On y cultive, même en vieillissant, mœurs et mentalité d’étudiant, on a l’esprit généreux, la Légion d’honneur à titre militaire, le cœur large et le revenu maigre» (p. 33).

«Elle a beaucoup d’argent de poche et l’intelligence du cœur» (p. 39).

«Ceux qui, un soir, ou un après-midi de vacances, ont eu envie de vous, vous étiez prête, avec vos airs braves, à leur donner votre temps, vos pensées, votre cœur et leur petit-déjeuner au lit pendant dix ans» (p. 116).

«Le conducteur qui avait offert de le reconduire disposait, en effet, d’une voiture sensiblement moins confortable et d’une élocution en robinet d’eau tiède» (p. 188).

«Ce dont je suis sûre, c’était […] d’avoir respecté son intégrité au lieu de m’efforcer à modifier ses opinions, ses amitiés ou ses cravates […]» (p. 206).

«Celui-ci m’a écoutée poliment quand je lui ai dit que j’étais en train de perdre la volonté de vivre en même temps qu’un kilo par semaine […]» (224).

Françoise Giroud, Histoire d’une femme libre. Récit, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 2013, 248 p. Texte de 1960. Édition établie par Alix de Saint-André.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Julia Deck

Julia Deck, le Triangle d’hiver, 2014, couverture

«L’entrée [au musée de la Marine de Paris] coûtait cinq euros. J’ai payé et me suis trouvée face au canot de l’Empereur, avirons dressés à la verticale le long d’exactes parallèles. C’était une embarcation assez ridicule, surchargée de dorures, à bord de laquelle Napoléon aimait parader dans les ports de l’Empire. Je l’ai imaginé sur sa galère, tendant l’oreille aux hourras que la foule lançait depuis la rive, des baïonnettes plantées dans le dos par des fantassins préposés à la stimulation de l’enthousiasme populaire, et j’ai vu ses paupières se plisser imperceptiblement tandis qu’il tenait la pose sur son radeau de carnaval.»

Julia Deck, le Triangle d’hiver. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2014, 174 p., p. 142-143.

Chantons la langue avec Mansfield.TYA

Mansfield.TYA, Corpo Inferno, 2015, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mansfield.TYA, «Le dictionnaire Larousse», Corpo Inferno, 2015

 

Je redessine un château-fort
Pour faire passer ma gueule de bois
Je regarde la mort, page 303

Je pars à l’aventure
Dans mon dictionnaire Larousse
Je m’attarde sur «bordure»
«Amer» et «brousse»

Il y a là de quoi passer une vie
Entre «amour» et «zoophilie»
Je vois, page 267
Des cache-pots, des cache-nez
Des cachets

Des cachalots à mâchoire sans dents
Le nerf facial, corde du tympan
Il y a la photo de Fernand Foureau
Dont personne n’a rien à cirer

Je redessine un château-fort (Pour faire passer…)
Pour faire passer ma gueule de bois
Je regarde la mort, page 303
Je regarde la mort, page 303

J’apprends les signaux à bras
Utilisés par les marins
Puis je lis la définition
De «panda» et de «catin»

Okayama est au Japon
Ockeghem [?] se trouve en Belgique
Les ruines du Parthénon
Côtoient les paralytiques

Pas de photo de Brigitte Bardot
Mon dictionnaire est démodé
J’apprends tout d’même que «ecce homo»
Ne veut pas dire «être pédé»