L’oreille tendue de… Simenon

Simenon, les Sœurs Lacroix, édition néerlandaise, couverture

«Quant à tante Poldine, il n’était pas difficile de savoir à quoi elle s’occupait : elle faisait des comptes ! Elle était assise devant des piles de calepins noirs, à couverture de toile cirée et aux pages couvertes de chiffres au crayon. Au milieu du bureau, elle avait posé sa montre et, à sept heures exactement, elle se lèverait, entrouvrirait la porte, tendrait l’oreille, attendant le coup de sonnette qui devait annoncer le dîner et qui avait parfois quelques secondes de retard.»

Georges Simenon, les Sœurs Lacroix, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 175-271, p. 181. Édition originale : 1938.

Découverte lexicale du jour

Caroline Mineau, Habiter une cage ouverte, 2023, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de l’essai Habiter une cage ouverte, de Caroline L. Mineau (2023) :

Aiguillonnés par «l’espoir d’acquérir et la crainte de perdre» [Tocqueville] en raison du spectacle constamment renouvelé de ceux et celles qui montent ou qui, au contraire, dégringolent brutalement l’échelle sociale, ils s’agitent continuellement sur place, essayant par tous les moyens d’ajouter une acre à leur champ ou d’impressionner le voisinage en ornant leur demeure de belles colonnes de faux marbre, voisinage qui se verra dans l’obligation de faire de même pour ne pas être en reste, et ainsi de suite, phénomène qu’on observe encore aujourd’hui et qu’on désigne par l’expression «voisins gonflables» (p. 53).

L’Oreille tendue doit l’avouer : elle ne connaissait pas ces voisins gonflables. Ils ne datent pourtant pas d’hier.

Le Wiktionnaire en donne les définitions suivantes : «Cette expression exprime l’idée qu’une personne du voisinage souhaite démontrer qu’elle peut faire mieux que les autres personnes demeurant à proximité, probablement à l’image de la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf»; «Personne nourrissant une escalade de ses désirs en fonction des possessions de son voisinage.» L’exemple retenu est de 2017.

L’Oreille se couchera moins niaiseuse.

 

Référence

Mineau, Caroline L., Habiter une cage ouverte. Regards sur la liberté et ses paradoxes, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 24, 2023, 99 p. Ill.

Noces de plomb

Composition chimique du plomb

L’Oreille tendue est née il y a pile-poil quatorze ans. Avec ses bénéficiaires, elle célèbre donc aujourd’hui ses noces de plomb.

En chiffres, cela donne :

5 173 billets, dont 1012 contiennent au moins un «Complément» (certains en contiennent plusieurs, notamment celui sur la ruée vers les bars);

un peu plus de 3 150 000 vues;

5 652 commentaires;

3 274 photos;

166 vidéos;

16 325 URL uniques pour 30 744 liens (internes ou externes);

beaucoup de collaborateurs (merci à tous);

plus de 293 000 «tentatives de connexion malveillantes bloquées»;

98 956 «commentaires indésirables bloqués».

L’entrée la plus populaire ? Encore et toujours swag, avec plus de 581 000 visionnements. «Depuis le 1er jour», dixit WordPress, sa meilleure journée reste le 29 avril 2012, avec 6 094 vues, essentiellement pour ce texte.

Les quinze articles les plus populaires ?

Du postcool [swag]

Unicité vitale [yolo]

Sic

Divergences transatlantiques 012 [thermos]

Histoires (d’abord) de chalet [sauf une fois]

Au carré [malaisant]

Le dilemme de l’autobus

De la germaine

Divergences transatlantiques 015 [gosses]

Non, point du tout [pantoute]

Défense et illustration de la garnotte

Rime en -ag [vagg]

Du mot(t)on

Crissement riche

bs

Qu’est-ce que ce blogue ? L’Oreille tendue a donné un long entretien à ce sujet à Emmanuelle Lescouët en 2021; ça se trouve sur le Carnet de la Fabrique du numérique sous le titre «Penser publiquement la recherche». Elle a aussi publié un article sur le sujet dans les Cahiers internationaux de sociolinguistique en 2022. Il lui est aussi arrivé de répondre à ses propres questions, par exemple ici et .

L’Oreille tendue, c’est un blogue. C’est aussi des livres tirés, complètement ou partiellement, d’icelui.

Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 125 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

L’Oreille tendue, Montréal, Del Busso éditeur, 2016, 411 p.

Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

La vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, 56 p.

On continue ? On continue.

Chromatisme véhiculaire

Autobus scolaire québécois

Soit la phrase suivante, tirée de l’essai Habiter une cage ouverte, de Caroline L. Mineau (2023) :

C’était donc très pratique pour [mes parents] que leur grande fille parte seule pour l’école le matin. C’était très normal, aussi, à cette époque : à peu près tous les enfants le faisaient, sauf ceux qui, habitant trop loin, prenaient l’autobus jaune.

Pour n’importe quel locuteur du Québec, ce moyen de locomotion, l’autobus jaune, va de soi : c’est un autobus scolaire. Tout le monde sait ça.

P.-S.—En effet : ce n’est pas la première fois que nous croisons la route de l’autobus; voir ici.

 

[Complément du 17 juin 2023]

Exemple romanesque, lui aussi récent (2023), dans la Maison de mon père, d’Akos Verboczy :

Après mon arrivée à Montréal, je repensais souvent à ces vingt minutes perdues quotidiennement durant toutes ces années. J’ai eu le temps de les compter et de les recompter, sur le chemin du retour de l’école, dans le brouhaha des langues incompréhensibles, assis sur la banquette de l’autobus jaune qui me déposait chaque après-midi — à seize heures vingt-cinq pile — devant notre joli duplex de l’avenue Victoria (p. 53-54).

 

Références

Mineau, Caroline L., Habiter une cage ouverte. Regards sur la liberté et ses paradoxes, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 24, 2023, 99 p. Ill.

Verboczy, Akos, la Maison de mon père. Roman, Montréal, Boréal, 2023, 327 p.