Habiter Wikipédia

Portrait de Christian Vandendorpe

Au moment où son ami Christian Vandendorpe (CV) venait de prendre sa retraite, l’Oreille tendue a été invitée à participer à un volume d’hommages que des collègues de l’Université d’Ottawa préparaient en son honneur. Elle leur a proposé le «Journal d’un (modeste) Wikipédien». Rédigé du 28 février au 4 juin 2008, contenant un post-scriptum du 29 septembre 2009, ce texte mêlait une réflexion sur Wikipédia, née, entre autres sources, de la lecture de textes de CV, et le journal de la rédaction d’un article de Wikipédia, celui, évidemment, sur CV. (On peut lire ce texte paru en 2009 ici.)

Hier, sur Twitter, CV a annoncé qu’il occuperait dorénavant un nouveau poste au sein de la Fédération (canadienne) des sciences humaines : «résident honoraire wikipédien» («honorary resident Wikipedian», dans la langue de Jimbo Wales) pour 2014-2015. De quoi s’agit-il ? Citons le communiqué de la Fédération :

Dans l’exercice de ses fonctions, le professeur Vandendorpe se penche sur le rôle de Wikipedia dans l’érudition contemporaine et le domaine de la connaissance au sens large, ainsi que sur l’importance fondamentale du libre accès. Il estime que «Wikipedia est devenu une composante vitale de l’écosystème actuel du savoir, un lieu où l’information est réunie, archivée, synthétisée et débattue et qui conserve également l’historique des différentes façons, souvent conflictuelles, dont les événements sont compris». Vandendorpe a déployé des efforts incroyables pour le partage de son expertise étendue sur Wikipedia en améliorant, entre autres, les pages consacrées à l’histoire du livre, à l’encyclopédie et à l’édition électronique. La collaboration avec Wikipedia du professeur Vandendorpe en tant qu’expert professionnel reflète le travail de pointe réalisé au Canada dans le domaine de la création d’un savoir social et du développement des ressources électroniques qui jette un pont entre les sphères universitaires et publique.

Dans ses nouvelles fonctions, CV sera rattaché à l’Université de Victoria, plus précisément au Electronic Textual Cultures Lab et à l’équipe Implementing New Knowledge Environments.

L’Oreille suivra l’affaire d’une oreille attentive.

P.-S. — Oui, bien sûr : l’Oreille a mis à jour la page Wikipédia de CV.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Journal d’un (modeste) Wikipédien», dans Rainier Grutman et Christian Milat (édit.), Lecture, rêve, hypertexte. Liber amicorum Christian Vandendorpe, Ottawa, Éditions David, coll. «Voix savantes», 32, 2009, p. 225-239. https://doi.org/1866/11380

Quatre choses inutiles sur Saku Koivu

Saku Koivu a récemment pris sa retraite. L’ancien joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — sera honoré ce soir au Centre Bell.

Qu’en est-il de sa représentation dans la culture populaire québécoise ?

Dans la série les Boys (cinéma, télévision), le fils de Mario, le personnage joué par Patrick Labbé, se prénomme Saku. (Si la mémoire de l’Oreille tendue n’est pas trop défaillante, la mère de Saku l’oblige à suivre des cours de… danse.)

On entend le nom du joueur du centre dans deux chansons d’Annakin Slayd datant de 2009 (il s’agit en fait de la même chanson, en français et en anglais), «La 25ième» et «25 (Feels Like ‘93)». Dans les deux cas, on a inséré un extrait d’une description de match par Pierre Houde :

Koivu, Koivu qui est arrêté par Rozsival… la rondelle revient à Andrei Kostitsyn… et le BUUUUT ! Kovalev ! Qui d’autre ? Montréal qui compte.

Venu de Finlande, Koivu a rapidement maîtrisés les éléments récurrents de la mystique hockeyistique montréalaise. Dave Stubbs, dans un article du quotidien The Gazette paru en 2011, se souvient par exemple d’une discussion qu’il a eue avec lui cinq ans plus tôt :

During a long talk in an empty dressing room early in the fall of 2006, Koivu pointed to the coal-black pupils staring down from the facing wall. No matter where he sat, he said, the eyes of the Rocket found him.

Koivu savait mesurer le pouvoir des yeux de Maurice Richard, même en photo au mur du vestiaire, même six ans après la mort de l’ancien capitaine de son équipe.

Le nom de Koivu, enfin, apparaît dans le roman pour la jeunesse les Canadiens de l’enfer de Yanik Comeau (2012).

Vous connaissez autre chose ?

 

Références

Comeau, Yanik, les Canadiens de l’enfer, Ville-Marie, Z’ailées, coll. «Zone frousse», 19, 2012, 111 p.

Stubbs, Dave, «Emotional Return for Captain K», The Gazette, 22 janvier 2011.

Abécédaire IV

On peut faire, à plusieurs, un abécédaire sur les mots en perte de sens. On peut en proposer un, tout seul, à partir de «sculptures-personnages» angrignonesques. On peut les rassembler pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.

On peut aussi y ranger ses souvenirs. C’est ce que fait Chrystine Brouillet, en 1993, dans un numéro de la revue Liberté consacré à «Écrire à Paris».

On la suit dans ses expériences d’écriture alimentaire pendant un séjour parisien : on apprend notamment qu’elle a écrit, pour la veuve du coureur cycliste Jacques Anquetil, «un texte pathétique-et-déchirant», «heureusement» signé par l’éplorée (p. 54).

On y découvre aussi que Brouillet a croisé Jean-François Vilar au Festival du roman policier de Reims en 1983 (p. 56). On l’envie.

 

Référence

Brouillet, Chrystine, «L’abécédaire», Liberté, 210 (35, 6), décembre 1993, p. 54-57. https://id.erudit.org/iderudit/31598ac

Abécédaire II

François Hébert, l’Abécédaire des demoiselles d’Angrignon, 2014, couverture

 

«Nous nous essayons à la poésie.
Est-ce que ça marche ?
Un jour, ça ira.»

L’Oreille tendue a un faible pour les textes, notamment poétiques, de François Hébert. (Voir, entre autres exemples, ici et .)

Elle en a aussi un pour les objets que crée Hébert, «collages» ou «assemblages», à partir «de bidules ramassés dans la rue» : déchirures de papier et de carton, pierres, morceaux de verre, de plastique ou de bois, tissus, composants électroniques, ressorts, fils comme ficelles, vis aussi bien que boulons, plumes, pièces de casse-tête devenues pièces d’un nouveau casse-tête. (Il y a un de ces «assemblages» en couverture de son Écrire au pape et au Père Noël.) Un autre écrivain québécois a une pratique semblable, Réjean Ducharme qui, sous le pseudonyme de Roch Plante, propose des «trophoux».

Elle aime encore les abécédaires. Elle en a publié un sur la langue de puck, et son Bangkok en a presque été un. (Ces jours-ci, elle publie quelques notes sur des abécédaires lus récemment. Hier, il était question de celui conçu et coordonné par Olivier Choinière.)

Elle s’intéresse au sport.

Elle devait donc lire l’Abécédaire des demoiselles d’Angrignon que vient de faire paraître l’assembleur.

Cela s’ouvre par une question : «La question est la suivante : pourquoi le ballon de football a-t-il une forme allongée ?» (Ce n’est pas d’hier que pareille interrogation occupe Hébert; voir de ce côté.) «Pablo, le peintre» — en l’occurrence, son fantôme — aurait été fasciné par cette forme. Au terme de la lecture, à la lettre Z, on trouvera une sorte de réponse : «Finalement, c’est pourquoi le ballon a une forme allongée. Il fait son petit effort pour raccourcir la distance entre les adversaires.»

Pour chaque lettre, deux choses : un court texte et la reproduction photographique d’une des «sculptures-personnages» créée par l’auteur. Les textes sont à la fois des portraits et les éléments d’une série de variations sur Picasso, les villes (Barcelone, Avignon, Montréal), les mots (Angrignon, Anglignon, Anguiliguilignon) — et un ballon.

Selon les données de «Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada», l’Abécédaire des demoiselles d’Angrignon serait «Pour les jeunes». Précisons : pas seulement pour eux.

 

Référence

Hébert, François, l’Abécédaire des demoiselles d’Angrignon, Saint-Lambert, Les heures bleues, 2014, s.p. Ill.