Du sapin passé

Sapin de Noël, 24 décembre 2021

Soit la phrase suivante, de l’ex-défenseur Guy Lapointe, dans une entrevue donnée à la Presse+ : «[Benoît] Pouliot avait été extraordinaire en séries à Sudbury. [Carey] Price aussi m’avait impressionné. Un soir où on était allés le voir, il avait donné un sapin de la ligne rouge en première période, mais il ne s’était pas laissé abattre» (20 mars 2016).

Qu’est ce que ce «sapin» qui n’a pas abattu le futur gardien des Canadiens de Montréal — c’est du hockey ?

Qui se fait passer un sapin, un Québec, se fait avoir, se fait «rouler» (dixit le Petit Robert, édition numérique de 2014).

Carey Price a donné un but qu’il n’aurait pas dû donner, du centre de la patinoire («la ligne rouge»). Ce soir-là, il a été eu, puis il s’est repris.

P.-S. — On peut aussi se faire passer un Québec : «Il reste une certitude, c’est que Québec ne pardonnera pas de s’être fait “passer un Québec”, comme on dit dans le langage courant» (l’Événement, 1959, cité dans le Colisée contre le Forum, p. 272). Ce n’est pas plus agréable.

 

[Complément du 31 mars 2016]

Visite de l’Oreille tendue chez l’orthodontiste ce matin, pour son fils cadet. Celui-ci devra incorporer une nouvelle pratique à son hygiène dentaire quotidienne : se passer le sapin (une petite brosse) tous les soirs.

 

[Complément du 22 novembre 2024]

Étymologie proposée dans la Presse+ du jour : «Personne ne l’avouera, mais des individus ont déjà intégré en douce des planches de sapin baumier dans une livraison de bois d’œuvre. Ces planches de qualité inférieure se craquellent. De là vient l’expression “se faire passer un sapin”.»

 

Référence

Cantin, Philippe, le Colisée contre le Forum. Mon histoire du hockey. Tome 1, Montréal, La Presse, 2012, 538 p. Ill.

L’art de l’assassinat critique

Berthelot Brunet, Histoire de la littérature canadienne-française, 1946, couverture

 

Soit la phrase suivante, tirée de l’Histoire de la littérature canadienne-française de Berthelot Brunet (1946) :

[Mgr Camille Roy] eût vécu en France qu’il aurait été quelque chanoine Lecigne, quelque abbé Calvet, et il aurait reçu des lettres de remerciements et des envois d’auteur de Paul Bourget, Henry Bordeaux, René Bazin, Arsène Vermenouze et, une seule fois, de Maurice Barrès (p. 115).

Le «une seule fois» réjouit l’Oreille tendue. Certes, Camille Roy, vivant en France plutôt qu’au Québec, aurait eu des échanges avec quelques auteurs célèbres, mais Maurice Barrès, lui, ne s’y serait pas fait prendre deux fois. Trois mots, tant de cruauté.

P.-S.—Autre exemple, en six mots : «Blanche Lamontagne ou la Pythie gaspésienne» (p. 95).

 

Référence

Brunet, Berthelot, Histoire de la littérature canadienne-française, Montréal, L’Arbre, 1946, 186 p.

Scène de la vie conjugale numérique

L’Oreille tendue monte dans un taxi, l’oreille pas spécialement tendue. Une sonnerie de téléphone se fait entendre. Une voix féminine sort du système audio de la voiture : «Bonjour, chéri, ça va ?» Lui (le chauffeur, pas l’Oreille tendue) : «J’ai quelqu’un dans la voiture.» Elle : «Ça va ?» Lui : «J’ai quelqu’un dans la voiture. Je vais te rappeler.»

Double explication du chauffeur. C’est parce que son téléphone est en connexion automatique, par Bluetooth, avec son système audio. C’était sa femme. (Qu’il a dit.)

Langue de puck et de Québec

Cet après-midi, l’Oreille tendue sera à Québec, au Musée de la civilisation, pour parler de la langue du hockey (renseignements ici).

Elle utilisera nombre d’exemples, notamment ceux qui suivent.

«Y a des finales jusqu’au mois d’mai» (Dominique Michel, «Hiver maudit : j’haïs l’hiver», chanson 1979).

«Béliveau purgeait une mineure sur le banc des punitions» (phrase citée par Jacques Bobet, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», p. 175).

«le gros 61 loge un boulet sous le biscuit du gardien» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 187).

«La députée libérale Lucienne Robillard a annoncé hier qu’elle accrochait ses patins politiques» (le Devoir, 5 avril 2007).

Dans House of Cards, le personnage de Leann Harvey (Neve Campbell) «joue dur dans les coins de patinoire» (la Presse+, 10 mars 2016).

«Si la nature est ton amie, tu pognes un deux meunutes» (Erika Soucy, les Murailles, p. 30).

«C’était le tombeur de la poly, celui qui niaisait pas avec la puck pis qui t’amenait à son chalet c’était pas trop long» (Erika Soucy, les Murailles, p. 86-87).

«À une époque où les pucks étaient faites de crottin» (Loco Locass, «Le but», chanson, 2009).

«Vite, vite, qu’on en finisse avec ce centenaire qui a duré 100 ans. Leurs bras meurtris ne tendent plus le flambeau, ils nous assomment avec» (Yves Boisvert, la Presse, 4 décembre 2009).

«les fantômes ont failli» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 16).

Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012.

«Jeu-questionnaire. Connaissez-vous votre flanelle ?» (la Presse+, 26 décembre 2015)

 

Références

Bobet, Jacques, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», Liberté, 57 (10, 3), mai-juin 1968, p. 175-187. https://id.erudit.org/iderudit/60373ac

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Soucy, Erika, les Murailles, Montréal, VLB éditeur, 2016, 150 p.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture