De l’inégalité des langues

Westmount était une ville sur l’île de Montréal. Brièvement, elle en a été un arrondissement. Elle est aujourd’hui une de ces villes que l’on dit défusionnées.

Des élections s’y tiendront le 3 novembre.

Philip A. Cutler est candidat. Voici une de ses publicités.

Philip A. Cutler, Westmount

On notera la symétrie linguistique : «Votez» / «Vote», «Conseil Municipal» / «City Council».

On notera aussi qu’elle n’est pas complète : la date est présentée à l’anglo-saxonne («Nov. 3 2013») et le nom du groupe Facebook est en anglais (facebook.com/VoteCutler), à moins que le candidat n’ait choisi de s’adresser à ses électeurs à la deuxième personne du singulier.

Le slogan est encore plus intéressant : «Everyone gets a say in OUR city !» Tout le monde a le droit de se prononcer à Westmount. En anglais seulement ?

Le Québec et le ROC

De temps en fois, l’Oreille tendue rassemble des titres d’articles commençant par «Les Québécois». (Voir les entrées du 25 avril 2011, du 31 mars 2012 et le 27 juillet 2012.)

Nouvelle livraison, histoire de distinguer le Québec du Rest of Canada (ROC).

Les Québécois…

…«sont moins inquiets que les Canadiens» (le Devoir, 9 août 2011, p. B1).

…«sont moins généreux que les autres Canadiens parce que leur revenu disponible est moins élevé» (la Presse, 22 décembre 2011, p. A25).

…«ont le taux d’imposition le plus élevé en Amérique du Nord» (la Presse, 4 août 2012, cahier Affaires, p. 6).

…«se sentent plus à l’aise que les Canadiens» (le Devoir, 7 septembre 2012, p. A7).

…«plus ouverts que les Ontariens» (la Presse, 8 septembre 2012, p. A24).

…«restent malgré tout moins nantis que les Canadiens» (le Devoir, 11 octobre 2012, p. A1).

…«ont le régime [d’assurance médicaments] le plus généreux du Canada» (la Presse, 12 février 2013, cahier Affaires, p. 1).

…«moins inquiets que les autres Canadiens» (la Presse, 15 avril 2013, p. A14).

…«moins filous que les Canadiens ? » (la Presse, 4 mai 2013, cahier Voyage, p. 3).

…«seraient aussi à droite que les Canadiens» (le Devoir, 17 octobre 2013, p. A4).

Quand on se compare, on se console, dit-on.

P.-S. — «De temps en fois» ? Idiosyncrasie familiale.

Autopromotion 079

Lire vous transporte

Plus tôt aujourd’hui, la Société de transport de Montréal, l’Association des libraires du Québec et le réseau des bibliothèques de la Ville de Montréal annonçaient le lancement de l’opération Lire vous transporte :

Ce projet pilote d’une durée de trois mois consiste à offrir, à l’intérieur de plusieurs bus et abribus, une bibliothèque numérique gratuite composée d’une quarantaine de livres d’expression française.

[…]

Grâce à ce projet, il sera possible de télécharger sur un téléphone intelligent, une tablette ou une liseuse, par l’entremise d’un code QR ou un URL, le premier chapitre de chacun des livres proposés dans cinq catégories : jeunesse et aventure, enquêtes, romans historiques et découvertes, évasion, cuisine et voyages, romans d’amour et autres histoires. Le lecteur se verra, par la suite, offrir la possibilité d’emprunter le livre en version papier ou numérique dans l’une des 45 bibliothèques de la Ville de Montréal ou de l’acheter, également en version papier ou numérique, sur le site RueDesLibraires.com. Une fonction permettra également de géolocaliser la bibliothèque ou la librairie la plus proche (source : Ville de Montréal).

En images ?

 

 

L’Oreille tendue est ravie d’avoir été invitée à participer à ce projet, pour son livre les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle (éd. de poche, 2012).

Cela dure jusqu’au 20 janvier 2014.

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Tout le monde l’est-il ?

Ouvrant son Devoir des 19-20 octobre, un fidèle lecteur de l’Oreille tendue, @profenhistoire, a eu l’œil attiré par un mot.

«Plateau Mont-Royal. Un quartier mythique au musée» (p. D4).

«Dès lors, on mesure mieux la dimension archétypale, mythique, de cette histoire d’une adolescente ostracisée relevant peut-être après tout non pas du conte, mais de la tragédie» (p. E3).

«La danse de la réalité d’Alejandro Jodorowsky. Le cinéaste mythique clôture ce samedi le 42e Festival du nouveau cinéma» (p. E9).

«Trevanian, ça vous dit quelque chose ? Un auteur mythique, semble-t-il, qui a publié à compter du début des années 1970 une bonne douzaine de romans — dont cinq vendus à plus d’un million d’exemplaires — sous trois ou quatre pseudonymes avant de s’éteindre en 2005 dans le Pays basque» (p. F2).

«Un nouveau western, dans les territoires mythiques de l’Ouest» (p. F5).

Pareille déferlante inspire deux réflexions à l’Oreille.

Tant de mythes, ça doit faire beaucoup de boulons, non ?

Pour le dire comme Diderot, «si tout ici-bas était mythique, il n’y aurait rien de mythique».

Le mépris de Bell

I.

Bell est un des géants des télécommunications au Canada. On ne s’étonnera pas que l’entreprise multiplie les campagnes publicitaires : la compétition est féroce dans ce secteur de l’économie.

Dans un de ses plus récents messages télévisés, une femme interroge une de ses amies au sujet d’un groupe d’hommes enfermés dans le garage de celle-ci : «Ça leur dérange pas […] ?»

La faute est grossière : déranger est un verbe transitif direct (Ça les dérange pas […] ?).

On pourrait penser qu’il s’agit d’une faute involontaire.

Quand on compare cette publicité à d’autres de Bell, certaines commentées par l’Oreille tendue, une autre par le chroniqueur Pierre Foglia dans la Presse, on est plutôt porté à penser qu’il s’agit d’un choix délibéré des concepteurs de ses publicités : mal parler pour vendre.

II.

Sur un plan différent, on notera que ce message télévisé peint, une fois de plus, les hommes québécois comme de joviales andouilles.

Ils s’enferment dans un garage pour regarder un match de hockey et tonitruer quand leur équipe marque un but. Leur décor ? Fauteuils, tête d’animal empaillée au mur, vélos, moto. La maîtresse de maison explique à son interlocutrice, celle qui dit «leur dérange», que ce lieu serait, selon ses occupants, le «temple de la testostérone».

Il y avait les hommes des cavernes. Il y a maintenant les Québécois des garages.

III.

La femme qui pose la question est Noire. Elle parle mal. Elle est donc parfaitement intégrée à la société québécoise.

IV.

Cela s’appelle du mépris.

 

[Complément du 26 octobre 2013]

Le commentateur Pierre Foglia, dans la Presse du jour, partage la position de l’Oreille tendue sur cette nouvelle publicité.

 

[Complément du 19 mai 2014]

On recommence à rediffuser cette publicité. Si les oreilles de l’Oreille ne la trompent pas, la faute a été corrigée. Merci.