Crise d’identité
L’Oreille tendue est casanière. Il y a peu, elle est néanmoins allée assister à une table ronde dans une librairie montréalaise.
Un des intervenants y a déclaré : «J’essaie de me mettre dans leurs shorts.»
Pour rendre l’expression compréhensible aux non-natifs du Québec, il faut indiquer que short peut y désigner, selon les contextes, une «Culotte courte (pour le sport, les vacances)» (le Petit Robert, édition numérique de 2014) ou des sous-vêtements (un slip ou une petite culotte).
Dans le cas qui nous intéresse, il n’est pas question de sport. Qui s’imagine dans les shorts de quelqu’un essaie de se mettre à sa place.
On pourrait être troublé à moins.
[Complément du 20 novembre 2021]
En revanche, cette déclaration lue sur Twitter relève du registre sportif : «Norlinder s’est fait sortir de ses shorts par Granlund.» «Se faire sortir de ses shorts» ? Quand un joueur de hockey se fait déjouer par un adversaire sans y pouvoir quoi que ce soit par manque de rapidité. Personne ne veut «se mettre» dans ces shorts-là.
P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.
[Complément du 1er août 2022]
Ne pas se sentir / être gros dans ses shorts évoque un sentiment d’inquiétude, voire de peur. Exemple tiré de la Bête creuse de Christophe Bernard (2017) : «Monti, qui s’appelait pas Monti pour rien, mon petit, mon p’tit, mon Ti, Monti, c’est comme ça que les autres orphelins avaient trouvé son surnom, était vraiment pas venu gros dans ses shorts» (p. 18).
Références
Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.
Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.
De l’inégalité des langues
Westmount était une ville sur l’île de Montréal. Brièvement, elle en a été un arrondissement. Elle est aujourd’hui une de ces villes que l’on dit défusionnées.
Des élections s’y tiendront le 3 novembre.
Philip A. Cutler est candidat. Voici une de ses publicités.
On notera la symétrie linguistique : «Votez» / «Vote», «Conseil Municipal» / «City Council».
On notera aussi qu’elle n’est pas complète : la date est présentée à l’anglo-saxonne («Nov. 3 2013») et le nom du groupe Facebook est en anglais (facebook.com/VoteCutler), à moins que le candidat n’ait choisi de s’adresser à ses électeurs à la deuxième personne du singulier.
Le slogan est encore plus intéressant : «Everyone gets a say in OUR city !» Tout le monde a le droit de se prononcer à Westmount. En anglais seulement ?
Le Québec et le ROC
De temps en fois, l’Oreille tendue rassemble des titres d’articles commençant par «Les Québécois». (Voir les entrées du 25 avril 2011, du 31 mars 2012 et le 27 juillet 2012.)
Nouvelle livraison, histoire de distinguer le Québec du Rest of Canada (ROC).
Les Québécois…
…«sont moins inquiets que les Canadiens» (le Devoir, 9 août 2011, p. B1).
…«sont moins généreux que les autres Canadiens parce que leur revenu disponible est moins élevé» (la Presse, 22 décembre 2011, p. A25).
…«ont le taux d’imposition le plus élevé en Amérique du Nord» (la Presse, 4 août 2012, cahier Affaires, p. 6).
…«se sentent plus à l’aise que les Canadiens» (le Devoir, 7 septembre 2012, p. A7).
…«plus ouverts que les Ontariens» (la Presse, 8 septembre 2012, p. A24).
…«restent malgré tout moins nantis que les Canadiens» (le Devoir, 11 octobre 2012, p. A1).
…«ont le régime [d’assurance médicaments] le plus généreux du Canada» (la Presse, 12 février 2013, cahier Affaires, p. 1).
…«moins inquiets que les autres Canadiens» (la Presse, 15 avril 2013, p. A14).
…«moins filous que les Canadiens ? » (la Presse, 4 mai 2013, cahier Voyage, p. 3).
…«seraient aussi à droite que les Canadiens» (le Devoir, 17 octobre 2013, p. A4).
Quand on se compare, on se console, dit-on.
P.-S. — «De temps en fois» ? Idiosyncrasie familiale.
Autopromotion 079
Plus tôt aujourd’hui, la Société de transport de Montréal, l’Association des libraires du Québec et le réseau des bibliothèques de la Ville de Montréal annonçaient le lancement de l’opération Lire vous transporte :
Ce projet pilote d’une durée de trois mois consiste à offrir, à l’intérieur de plusieurs bus et abribus, une bibliothèque numérique gratuite composée d’une quarantaine de livres d’expression française.
[…]
Grâce à ce projet, il sera possible de télécharger sur un téléphone intelligent, une tablette ou une liseuse, par l’entremise d’un code QR ou un URL, le premier chapitre de chacun des livres proposés dans cinq catégories : jeunesse et aventure, enquêtes, romans historiques et découvertes, évasion, cuisine et voyages, romans d’amour et autres histoires. Le lecteur se verra, par la suite, offrir la possibilité d’emprunter le livre en version papier ou numérique dans l’une des 45 bibliothèques de la Ville de Montréal ou de l’acheter, également en version papier ou numérique, sur le site RueDesLibraires.com. Une fonction permettra également de géolocaliser la bibliothèque ou la librairie la plus proche (source : Ville de Montréal).
En images ?
L’Oreille tendue est ravie d’avoir été invitée à participer à ce projet, pour son livre les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle (éd. de poche, 2012).
Cela dure jusqu’au 20 janvier 2014.
Référence
Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.