Avant et après

Soit la phrase suivante, s’agissant de l’inégal début de saison des Canadiens de Montréal — c’est du hockey : «Pierre Gauthier avait donc raison : le soleil s’est finalement levé pour sortir son équipe de la grande noirceur dans laquelle elle patinait à tâtons depuis le début de la saison» (la Presse, 31 octobre 2011, cahier Sports, p. 2). À quoi ce «grande noirceur» peut-il bien faire allusion ? À l’histoire du Québec, dans laquelle il y a un avant et un après.

On a d’abord inventé l’après : cela s’est appelé la Révolution tranquille. Cette expression désigne ce qui aurait changé radicalement dans la Belle Province au début des années 1960.

À partir du moment où il y avait une expression pour désigner l’après, il en fallait une pour l’avant : ce sera la Grande noirceur ou, mieux encore, la Grande Noirceur, avec double majuscule. Jusqu’à 1960, le Québec aurait vécu une période particulièrement sombre. (La noirceur, c’est l’obscurité.)

L’expression allait-elle rester cantonnée à l’histoire québécoise ? Non. Elle existe désormais extra-muros : «La grande noirceur des Irakiennes» (la Presse, 30 mars 2003); «la grande noirceur haïtienne» (le ministre Lawrence Cannon, radio de Radio-Canada, 19 janvier 2011). Et les journalistes sportifs l’emploient. Son avenir paraît assuré.

 

[Complément du 4 décembre 2015]

«La grande noirceur scientifique», titre la Presse+ du jour.

 

[Complément du 22 décembre 2016]

Sur la place de la Grande Noirceur dans l’historiographie québécoise, l’Oreille tendue recommande la lecture de Marie-Andrée Bergeron et Vincent Lambert, «Au-delà des faits : la Grande Noirceur et la Révolution tranquille en tant que mythistoires. Entretien avec Alexandre Turgeon», article électronique, HistoireEngagée, 21 septembre 2016. http://histoireengagee.ca/?p=5807

L’Oreille se fait entendre

Soit le tweet suivant, de @simoncarreau, du 26 octobre dernier : «Underrated : les rides de vélos les soirs d’automne…» Qu’est-ce qui est sous-estimé («underrated») ?

S’agit-il vraiment de cette ride qui est un «Petit sillon cutané (le plus souvent au front, à la face, au cou) dû au froncement, à l’âge ou à l’amaigrissement» (le Petit Robert, édition numérique de 2010) ? D’une «Légère ondulation, [de] cercles à la surface de l’eau» (bis) ? Il faudrait alors prononcer ainsi :

Sound Icon / Icône du son

Non. Il s’agit plutôt d’une promenade à vélo, le mot ride, au Québec, étant prononcé (presque) à l’anglaise :

Sound Icon / Icône du son

Les oreilles du cru ne s’y trompent pas. Les autres, plus, à l’avenir, du moins on l’espère.

P.-S. — On parle parfois de «ride à l’os». Ce n’est pas indispensable, surtout «les soirs d’automne».

 

[Complément du 1er février 2022]

C’est ce verbe que l’on entend dans le poème suivant du recueil les Secrets de l’origami (2018) de Gabrielle Boulianne-Tremblay :

j’ai assez pleuré mes ecchymoses
je rejoins le monstre
je le dompte
je le baise
je le ride (p. 40)

 

Référence

Boulianne-Tremblay, Gabrielle, les Secrets de l’origami. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2018, 68 p.

Le zeugme du dimanche matin et de Jean Rolin

Jean Rolin, le Ravissement de Britney Spears, 2011, couverture

«La veille, après notre arrivée tardive à Twentynine Palms et notre installation au Ranch des Douleurs, nous avions marché longuement sur le bas-côté de la route 62, dans le sable pulvérulent, et dans une obscurité d’autant plus éprouvante que nous étions régulièrement éblouis par les phares des voitures venant en sens inverse […].»

Jean Rolin, le Ravissement de Britney Spears. Roman, Paris, P.O.L, 2011, 284 p., p. 277.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 24 octobre 2011.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Divergences transatlantiques 018

Le compte Twitter de Larousse proposait, il y a peu, le mot du jour suivant : «tiper ou tipper. En Suisse, taper sur le clavier d’une caisse enregistreuse.» (Prononciation ici.)

Au Québec, venu de l’anglais, le verbe s’entend, mais il signifie laisser un pourboire.

On ne confondra pas.