Il est revenu !

L’Oreille tendue ne se lasse pas de le dire : l’Agence universitaire de la francophonie publie un bulletin qui est un régal. À chaque nouvelle livraison, sa perle, voire ses perles.

Les sceptiques sont invités à lire, sur ce blogue, les entrées du 4 novembre 2009, du 13 juillet et du 24 octobre 2010, et du 18 janvier 2011. Ils apprécieront.

La plus récente livraison apporte sa pierre à l’édifice : «Il est stimulant d’entendre dire que les choses ne vont jamais de soi lorsque s’installe dans un savoir partagé une idée aux allures de concept qui, en se répandant dans les discours sociaux, affecte par capillarité les discours spécialisés.»

Que dire de plus ? C’est beau, et sobre.

Le Français à l’université, 16, 1, premier trimestre 2011, p. 9.

De la difficulté de dire l’autre

Se dire, et dire l’autre auprès de soi, sont parfois des choses difficiles.

L’Oreille tendue a déjà noté que la catégorie Blanc a une étrange extension au Québec, puisqu’elle désigne n’importe quel non-autochtone.

Au fil des ans, les francophones qui vivent dans la Belle Province ont changé d’étiquette identitaire, ce qui a eu pour conséquence de modifier aussi celle des anglophones.

Les communautés qui ne sont pas de souche posent aussi des problèmes d’identification. Deux exemples. Sur Twitter, le 13 avril, on débat du débat. Cela donne, entre autres choses : «Pas encore vu une seule question de jeunes. Et pas beaucoup d’ethnies» (@PascalHenrard). Un marchand de voitures, cité dans la Presse du 9 avril, raconte la visite (promotionnelle) d’un joueur des Canadiens de Montréal dans son commerce : «La foule de P.K. [Subban] était un peu plus jeune et comprenait une plus grande portion d’ethnies» (cahier Sports, p. 6).

Entendons «proportion» plutôt que «portion» — ce qui évitera de se demander ce qu’est une «portion d’ethnies» — et concentrons-nous une seconde sur «ethnies» utilisé comme substantif pour désigner, non pas un «Ensemble d’individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture» (le Petit Robert, édition numérique de 2010), mais des personnes jugées différentes de soi.

Dans la rubrique «ethnie, ethnique» de notre Dictionnaire québécois instantané, nous proposions en 2004 la définition et les exemples suivants :

Façon polie de désigner les autres (de peau ou de culture). Toi, Théo, t’es-tu une ethnie ? «Le balconnet broderie ethnique» est en vente chez Simons (publicité). «Pour en finir avec le vote ethnique» (le Devoir, 20-21 janvier 2001). «L’industrie s’éloigne du conservatisme pour courtiser ethnies et [baby-]boomers» (la Presse, 7 août 2002). «Marketing ethnique» (la Presse, 11 juin 2003). «Les ethnies secouées» (le Soleil, 14 novembre 2003).

Nous évoquions quelques (quasi-)synonymes : allophones, communautés culturelles, minorités visibles. Nous précisions que l’antonyme d’ethnies est gens d’ici ou pure laine.

Les choses ne paraissent pas avoir bougé des masses depuis 2004. Elles ne sont pourtant pas plus simples.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Mea culpa

Il y a dix jours, l’Oreille tendue s’est mise à parler, histoire de signaler un trait de la prononciation de certaines chroniqueuses culturelles de la radio de Radio-Canada, soit un double accent d’intensité : sur quelques adverves, plus précisément sur la première syllabe de ces adverbes. Exemple : «Ce spectacle est TELLEMENT poche

Malheureusement, elle se trompait, et doublement.

D’une part, il n’y a pas que les chroniqueuses culturelles à être affectées. C’est également le cas, au moins, des chroniqueuses économiques.

D’autre part, l’accent peut porter aussi bien sur un nom ou sur un adjectif que sur un adverbe. Exemples, tirés de deux chroniques économiques radiophoniques récentes : «On parle de CINQUANTE millions de dollars»; «Google est assis sur des MONTAGNES de liquidités.»

Le mal est profond.

P.-S. — On peut (ré)entendre la voix de l’Oreille ici.

De la problématique

Lisant «Les exterminateurs», de Marie-Pascale Huglo, dans la revue les Écrits, l’Oreille tendue tombe sur cette phrase : «“La problématique des punaises de lit” est très préoccupante; les matelas sont infestés, bons à jeter» (p. 49). Les guillemets font tendre l’oreille à l’Oreille : d’où vient «La problématique des punaises de lit» ? Les sources sont multiples (merci Google), des médias aux gouvernements.

Profitons de l’occasion pour inaugurer, en bas, à droite, une catégorie «Problématique». Elle est vouée à une longue existence. Ne vivons-nous pas entourés de problématiques ? (Qu’en faire ? Les solutionner, bien sûr.)

 

Référence

Huglo, Marie-Pascale, «Les exterminateurs», les Écrits, 131, mars 2011, p. 47-50.