De Liège à Ajaccio

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de citer ce souvenir de Christian Vandendorpe :

L’orateur s’éclaircit la gorge et commença : «Les Québécois et les Québécoises, les Français et les Françaises, les Suisses et les Suissesses ainsi que les Belges ont en commun une langue…». Ma voisine gloussa : «Qu’est-ce que c’est que ce peuple qui n’est même pas fichu d’avoir les deux genres ?» (1995, p. 143)

Découvrant les exquises Notules dominicales de culture domestique de Philippe Didion, elle tombe sur ceci, où l’auteur parle d’une soirée électorale hexagonale à la radio et à la télévision :

j’aime les camemberts et les fourchettes, les estimations, les projections et les simulations, j’aime l’application politiquement correcte, c’est le cas de le dire, avec laquelle les candidats adressent leurs remerciements aux électrices et aux électeurs, aux Françaises et aux Français, aux Lorraines et aux Lorrains, aux Rhône-alpines et aux Rhône-alpins, aux Corses et aux Corses (2008, p. 106).

Belges et Belges, Corses et Corses, unissez-vous !

 

[Complément du 16 mai 2015]

C’est maintenant au tour des élèves et des élèves, chez Patrick Nicol, dans son Album qui vient de paraître, la Nageuse au milieu du lac :

L’objet de la réunion m’est enfin révélé : les personnes réunies ici, qui forment des techniciens et des techniciennes en inhalothérapie, tiennent à appuyer leurs étudiantes et leurs étudiants dans l’apprentissage ardu des matières de la formation générale dont elles reconnaissent par ailleurs la valeur et la nécessité, mais qui les laissent parfois, avouons-le, démunies devant leurs élèves et élèves […] (2015, p. 102).

 

Références

Didion, Philippe, Notules dominicales de culture domestique, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2008, 355 p. Édition numérique.

Nicol, Patrick, la Nageuse au milieu du lac. Album, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 85, 2015, 154 p.

Vandendorpe, Christian, «Du fondamentalisme linguistique ou de la tentation de rectifier la pensée par le langage», Discours social / Social Discourse, vol. 7, no 1-2, hiver-printemps 1995, p. 135-152.

Patrick Nicol, la Nageuse au milieu du lac. Album, 2015, couverture

Six détestations du lundi matin

1. Quitter employé sans complément. «Je dois quitter.»

2. S’attarder sur un sujet. «Je voudrais bien m’attarder sur ce sujet, mais je dois quitter.» (Non : s’attarder, c’est «Se mettre en retard» ou «Ne pas avancer, ne pas progresser normalement».)

3. La féminisation automatique. «Je voudrais bien m’attarder sur le sujet des Québécois et des Québécoises, mais je dois quitter.»

4. Faire en sorte. «Je voudrais bien m’attarder sur le sujet des Québécois et des Québécoises, mais je dois quitter, pour faire en sorte d’arriver à temps au salon funéraire.»

5. Décéder. «Je voudrais bien m’attarder sur le sujet des Québécois et des Québécoises, mais je dois quitter, pour faire en sorte d’arriver à temps au salon funéraire, parce que mon beau-frère est décédé.» (Non : les gens meurent.)

6. Problématique. «Je voudrais bien m’attarder sur le sujet des Québécois et des Québécoises, mais je dois quitter, pour faire en sorte d’arriver à temps au salon funéraire, parce que mon beau-frère est décédé. C’est ma problématique aujourd’hui.»

Citation ultra-outaouaise du jour

«L’orateur s’éclaircit la gorge et commença : “Les Québécois et les Québécoises, les Français et les Françaises, les Suisses et les Suissesses ainsi que les Belges ont en commun une langue…”. Ma voisine gloussa : “Qu’est-ce que c’est que ce peuple qui n’est même pas fichu d’avoir les deux genres ?”.»

Christian Vandendorpe, «Du fondamentalisme linguistique ou de la tentation de rectifier la pensée par le langage», Discours social / Social Discourse, vol. 7, no 1-2, hiver-printemps 1995, p. 135-152, p. 143.

À il et à elle 002

Vous évaluez une thèse dans une université montréalaise ? Ça ne sera pas simple, surtout si vous suivez les consignes :

La doyenne, le doyen transmet à chaque membre du jury un exemplaire du texte de la thèse ainsi que le formulaire d’évaluation et lui précise l’échéance pour la transmission du rapport. Elle, il informe l’auteur, l’auteure de la thèse de la composition du jury. […] Sur recommandation du Sous-comité, la doyenne, le doyen désigne, parmi les membres du jury, une présidente, un président du jury qui doit normalement être rattaché à l’Université.

Ne faudrait-il pas écrire «rattaché, rattachée» ? Ou bien «rattaché(e)» ? Oubedon «rattaché / e» ? Elle, il s’interroge.