Autopromotion 780

Continuum, Université de Montréal, logo, août 2024

Il a déjà été question en ces lieux d’écriture inclusive (voir ici ou ).

Il en sera de nouveau question le 24 septembre, à 17 h, à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Une table ronde y réunira quatre personnes, dont l’Oreille tendue (renseignements de ce côté).

Au plaisir de vous y voir.

 

[Complément du 2 octobre 2024]

Recommandation de lecture sur cette question : Vincent, Nadine, «La langue comme champ de bataille», Nouveau projet, 27, automne 2024, p. 68-77.

 

[Complément du 4 octobre 2024]

On peut lire un compte rendu de la table ronde ici.

L’ouvrage des Sisyphe

Médéric Gasquet-Cyrus, En finir avec les idées fausses sur la langue française, 2023, couverture

«Mais lorsque les gendarmes,
en tenue ou en civil,
menacent de vous mettre une amende à chaque mètre,
c’est qu’il y a un problème.»

Depuis Marina Yaguello dans les années 1980, nous sommes nombreux à avoir voulu lutter, dans de courts ouvrages accessibles, contre les idées reçues en matière de langue. C’est le cas, entre autres auteurs francophones, de Chantal Rittaud-Hutinet (compte rendu), d’Anne-Marie Beaudoin-Bégin (compte rendu), de Michel Francard, d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron (comptes rendus un et deux), de Maria Candea et Laélia Véron (compte rendu), de Mireille Elchacar (compte rendu), des Linguistes atterré(e)s (compte rendu) et de l’Oreille tendue.

Sur le même rayon, il faudra désormais ranger En finir avec les idées fausses sur la langue française, de Médéric Gasquet-Cyrus (2023).

L’ouvrage est organisé en trois parties : «Le français est en danger», «Le français est une langue pure et unique», «Bien parler français, c’est respecter les normes». Certains sujets y sont attendus (et bienvenus) : les menaces supposées contre la langue, le rapport du français aux autres langues, et notamment à l’anglais et à l’arabe, l’écriture inclusive, la langue des «jeunes», qui que soient les «jeunes», les accents, la pureté, la logique, le génie et la beauté de la langue, le dictionnaire, l’Académie française («Si c’est l’Académie qui le dit, c’est que ça doit être faux. Ou très exagéré», p. 37). D’autres sont moins souvent abordés, par exemple le respect (p. 22-25) qu’il faudrait vouer à la langue (André Belleau a des pages décisives là-dessus), la construction de la condition avec si (p. 40-43), la «diversité linguistique de la France» (p. 83), les «glossonymes» (les noms des langues, p. 85-89) ou la langue des signes (p. 91-95).

Qu’est-ce qui distingue En finir avec les idées fausses sur la langue française des ouvrages semblables ?

Son rythme, d’abord. En 150 pages, 39 idées reçues : ça va vite, et droit au but.

Son humour, ensuite. Quiconque suit Médéric Gasquet-Cyrus sur Twitter sait qu’il ne peut résister à un (mauvais) jeu de mots. Dans son plus récent ouvrage et sur ce plan, il est (relativement) sobre. Citons toutefois ceci, digne du marquis de Bièvre : «À défaut d’être décisifs, soyons des Sisyphe» (p. 12). L’humour tend ici surtout à s’exprimer dans les parenthèses, où l’auteur corrige immédiatement des passages où on pourrait lui reprocher de faire des fautes : «non, c’était pour voir si vous suiviez, et si vous étiez sur le point de crier à la grosse faute; pas vrai ?» (p. 10); «pardon pour l’anglicisme» (p. 14); «oui, l’emploi de malgré que est volontaire…» (p. 16); «pour ne pas choquer…» (p. 125); etc.

Son engagement, enfin. Écrire sur des questions de langue, c’est nécessairement écrire sur autre chose que la langue — sur la société, sur la politique, sur le monde. C’est peut-être sur ce plan que Médéric Gasquet-Cyrus se singularise le plus clairement. Il ne cesse de rappeler que les conservatismes linguistiques auxquels il s’en prend renvoient à des conservatismes politiques, autrement plus profonds et autrement plus dangereux, à «une récupération politique, nationaliste discriminatoire, xénophobe, voire raciste, de la langue» (p. 10). C’est l’«instrumentalisation» (p. 66, p. 147) de la langue dont on doit se méfier.

Comme on disait à une autre époque : ce n’est qu’un début, continuons le combat. Nous sommes en bonne compagnie, surtout, comme le dit l’auteur, que «le travail de déminage des idées est un éternel recommencement» (p. 151).

P.-S.—Médéric Gasquet-Cyrus, à quelques reprises, insiste sur «l’amour du français» (par exemple, p. 11). Voilà quelque chose que l’Oreille tendue ne comprend pas bien : pourquoi faudrait-il aimer une langue en particulier et, au premier chef, la langue que l’on parle le plus souvent ? Comment utiliser, sous la même forme qu’eux, un argument qui est aussi celui de ses adversaires ? Il est vrai que, là-dessus, elle se sent bien seule : d’Alain Rey (2007) à Maria Candea et Laélia Véron (2019), cela semble faire consensus. Le problème, c’est peut-être l’Oreille.

P.-P.-S.—Twitter est un excellent observatoire linguistique. Médéric Gasquet-Cyrus ne manque pas d’y avoir recours.

 

Références

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2015, 115 p. Ill. Préface de Samuel Archibald. Postface de Ianik Marcil.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue affranchie. Se raccommoder avec l’évolution linguistique, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2017, 122 p. Ill. Préface de Matthieu Dugal.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue racontée. S’approprier l’histoire du français, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2019, 150 p. Ill. Préface de Laurent Turcot. Postface de Valérie Lessard.

Candea, Maria et Laélia Véron, Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, Paris, La Découverte, 2019, 238 p. Nouvelle édition : Paris, La Découverte, coll. «La Découverte Poche / Essais», 538, 2021, 224 p.

Candea, Maria et Laélia Véron, Parler comme jamais. La langue : ce qu’on croit et ce qu’on en sait, Paris, Le Robert et Binge audio, 2021, 324 p.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Francard, Michel, Vous avez de ces mots… Le français d’aujourd’hui et de demain !, Bruxelles, Racine, 2018, 192 p. Illustrations de Jean Bourguignon.

Gasquet-Cyrus, Médéric, En finir avec les idées fausses sur la langue française, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’atelier, 2023, 158 p.

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, la Convivialité. La faute de l’orthographe, Paris, Éditions Textuel, 2017, 143 p. Préface de Philippe Blanchet. Illustrations de Kevin Matagne.

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, Le français n’existe pas, Paris, Le Robert, 2020, 158 p. Préface d’Alex Vizorek. Illustrations de Xavier Gorce.

Les linguistes atterré(e)s, Le français va très bien, merci, Paris, Gallimard, coll. «Tracts», 49, 2023, 60 p.

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Rey, Alain, l’Amour du français. Contre les puristes et autres censeurs de la langue, Paris, Denoël, 2007, 313 p.

Rittaud-Hutinet, Chantal, Parlez-vous français ? Idées reçues sur la langue française, Paris, Le cavalier bleu éditions, coll. «Idées reçues», 2011, 154 p. Ill.

Yaguello, Marina, Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris, Seuil, coll. «Points», série «Point-virgule», V61, 1988, 157 p. Ill.

Fil de presse 044

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

l’Oreille tendue fait le ménage dans sa sébile à livres ou numéros de revue sur la langue.

Académie française, Dire, ne pas dire. Du bon usage de la langue française. L’intégrale, Paris, Philippe Rey, 2023, 688 p. Nouvelle édition augmentée.

Bahri, Farid, les Marocains et leurs langues. Ce que parler quatre ou cinq langues veut dire, Paris, Bibliomonde éditions, 2023, 196 p.

Boidin, Carole, Flora Champy et Élise Pavy (édit.), Images des langues, langues imaginées. Imaginaires des langues anciennes et orientales en France au siècle des Lumières, Paris, Hermann, «Collections de la République des lettres», 2023, 374 p.

De Europa. European and Global Studies Journal, 2022. Dossier «Multilinguisme et variétés linguistiques en Europe à l’aune de l’intelligence artificielle / Multilinguismo e variazioni linguistiche in Europa nell’era dell’intelligenza artificiale / Multilingualism and Language Varieties in Europe in the Age of Artificial Intelligence».

Detey, Sylvain, Savons-nous vraiment parler ? Du contrat linguistique comme contrat social, Paris, Armand Colin, 2023, 416 p.

Dijoud, Karine, le Français avec style. Mes astuces pour mieux s’exprimer et en finir avec les erreurs les plus courantes, Paris, First éditions, 2023, 216 p.

Duval, Karim, Petit précis de culture bullshit, Paris, Le Robert, 2023.

Fàbregas-Alegret Immaculada et Hervé Le Bihan (édit.), Langue bretonne, langues minorisées : avenir et transmission familiale, T.I.R., 2023, 172 p.

Fontvieille-Cordani, Agnès et Nicolas Laurent (édit.), la Négation à l’œuvre dans les textes, Paris, Classiques Garnier, coll. «Colloques de Cerisy — Littérature», 11, 2023, 542 p.

Gasquet-Cyrus, Médéric, En finir avec les idées fausses sur la langue française, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’atelier, 2023, 158 p.

L’Oreille tendue rend compte de cet ouvrage ici.

Gender and Language, 17, 1, 2023. Dossier «Anti-Genderism in Global Nationalist Movements», sous la direction de Dominika Baran et Catherine Tebaldi.

Gruesz, Kirsten Silva, Cotton Mather’s Spanish Lessons : A Story of Language, Race, and Belonging in the Early Americas, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 2022, 326 p.

Guillemin-Flescher, Jacqueline, Linguistique contrastive : énonciation et activité langagière, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Rivages linguistiques», 2023, 438 p. Textes réunis par Hélène Chuquet, Jean Chuquet, Maryvonne Boisseau et Françoise Doro-Mégy.

Ibarrondo, Ludovic et Jürgen Erfurt (édit.), Hétérogénéité linguistique. Questions de méthodologie, outils d’analyse et contextualisation, Berlin, Peter Lang, coll. «Sprache, Mehrsprachigkeit und sozialer Wandel / Langue, multilinguisme et changement social / Language, Multilingualism and Social Change», 38, 2023, 246 p.

Lacoche, Philippe, Je suis picard mais je me soigne, Héliopoles, coll. «Je suis… mais je me soigne», 2023.

Le Pesant, Denis, l’Expression des émotions et des sentiments en français, Paris, Classiques Garnier, coll. «Domaines linguistiques», 22, série «Grammaires et représentations de la langue», 14, 2023, 420 p.

Lecercle, Jean-Jacques, Système et style. Une linguistique alternative, Paris, Amsterdam, 2023, 208 p.

Lidil, 67, 2023. Dossier «Pratiques translangagières dans l’enseignement-apprentissage des disciplines en contexte bi- ou plurilingue», sous la direction de Sophie Babault et Margaret Bento.

Les linguistes atterré(e)s, Le français va très bien, merci, Paris, Gallimard, coll. «Tracts Gallimard», 49, 2023, 60 p.

Ce qu’en pense l’Oreille tendue ? Du bien, pardi !

Lingvisticæ Investigationes, 45, 2, 2022, v/221 p. Dossier «La phraséologie dans les interactions orales et écrites», sous la direction de Gaétane Dostie et Agnès Tutin.

Rabatel, Alain, la Construction textuelle du point de vue. De la narratologie à la linguistique — Tome II, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Linguistique», 2023, 232 p. Réédition fac-similé précédée d’un avant-propos de l’auteur.

Rabatel, Alain, Argumenter en racontant. De la narratologie à la linguistique — Tome III, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Linguistique», 2023, 187 p. Réédition fac-similé avec un avant et un après-propos de l’auteur.

Rey, Christophe, Léonard de Vinci, génie des langues, Paris, Honoré Champion, coll. «Champions Essais», 58, 2023, 228 p.

Roig, Audrey et Anne-Gaëlle Toutain (édit.), Concert mondial de linguistique française. Mélanges offerts à Franck Neveu, Lyon, ÉNS éditions, coll. «Langages», 2023, 320 p.

Smadja, Stéphanie et Françoise Dubor (édit.), Pratiques monologales, Paris, Hermann, coll. «Monologuer», 2023, 282 p.

Stein-Smith, Kathleen (édit.), The Importance of Learning a Second Language : Essays on Re-envisioning Foreign Language Education, Mellen Press, 2023, 416 p.

Invitation bienvenue à respirer par le nez

Les linguistes atterré(e)s, Le français va très bien, merci, 2023, couverture

(Transparence, totale comme on dit à la Presse+ : l’Oreille tendue est citée dans le livre dont il sera question ci-dessous et ledit livre est cosigné par quelques collègues-et-néanmoins-amis.)

Depuis Marina Yaguello dans les années 1980, nous sommes nombreux à avoir voulu lutter, dans de courts ouvrages accessibles, contre les idées reçues en matière de langue. C’est le cas, entre autres auteurs francophones, de Chantal Rittaud-Hutinet (compte rendu), d’Anne-Marie Beaudoin-Bégin (compte rendu), de Michel Francard, d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron (comptes rendus un et deux), de Maria Candea et Laélia Véron (compte rendu), de Mireille Elchacar (compte rendu), de Médéric Gasquet-Cyrus et de l’Oreille tendue.

C’est en partie dans cette optique qu’un collectif, Les linguistes atterré(e)s, vient de faire paraître, dans la collection «Tracts» des éditions Gallimard, un petit livre intitulé Le français va très bien, merci. On y trouve dix idées reçues à combattre, des jugements à laisser tomber, des «contrevérités ou des pseudo-théories sur la langue» à déconstruire (p. 6). Cela prend la forme de propositions brièvement exposées, appuyées sur des recherches récentes, des considérations sur l’évolution normale des langues et des comparaisons avec d’autres langues. Voici ces propositions.

Le français n’est plus «la langue de Molière».

Le français n’appartient pas à la France.

Le français n’est pas «envahi» par l’anglais.

Le français n’est pas règlementé par l’Académie française.

Le français n’a pas une orthographe parfaite.

L’écriture numérique n’@bime pas le français.

Le français parlé n’est pas déficient.

Le français n’est pas «massacré» par les jeunes, les provinciaux, les pauvres ou les belges.

Le français n’est pas en «péril» face à l’extension du féminin.

Linguiste, c’est un métier.

Quel que soit le sujet abordé, le mot d’ordre est toujours le même : «Dédramatisons les débats et précisons les choses» (p. 49). Chaque section se termine par des suggestions («Et si») et par une courte liste de «Ressources». (Les lecteurs de ce blogue l’auront remarqué : l’Oreille tendue et Les linguistes atterré(e)s tapent souvent sur les mêmes clous.)

Pourquoi ce livre n’est-il qu’«en partie» ce qu’on vient de voir ? Parce que les dix-huit cosignataires souhaitent aussi faire entendre plus fortement dans l’espace public la voix des «scientifiques de la langue» (p. 6, p. 54) à une époque où règnent les «discours catastrophistes» (p. 3) et les «rengaines déclinistes» (quatrième de couverture). Tout le monde a une opinion sur la langue; tout le monde n’a pas un discours informé sur la langue; les linguistes, si (c’est leur travail). Où ce travail doit-il se faire voir ? Dans les médias — «Le débat public sur la langue, souvent sclérosé, mérite de placer au centre de l’attention les travaux scientifiques» (p. 59) —, mais aussi à l’école — «Il est impératif de renforcer la culture linguistique dans l’enseignement secondaire français» (p. 10; pour le Québec, voir ceci). Ce «Tract» a valeur de démonstration et de manifeste.

Comment lire cet ouvrage à partir du Québec ? Certains exemples sont éloignés des locuteurs du français au Québec («la trop fameuse “clause Molière”», p. 9; la publicité Banania, p. 14). Des tournures qui demanderaient explication en France («J’ai pensé vomir» pour «J’ai failli vomir», p. 7) ne posent aucun problème ici. «Pourriel» (pour spam) n’aurait pas été retenu «par l’usage» (p. 20) ? Ça dépend du lieu où l’on mesure cet usage. Rien de plus banal : en fonction du point d’observation, les perspectives varient.

C’est peut-être le titre, Le français va très bien, merci, qui va étonner, voire choquer, le plus au Québec. Comment reconnaître l’«immense vitalité» du français (p. 3), alors que le gouvernement provincial multiplie les déclarations et publicités sur son «déclin», comme si ce «déclin» allait de soi et qu’il touchait tous les aspects de la langue ? Les menaces qui pèsent sur le français au Québec — il en existe — ne sont évidemment pas les mêmes qu’ailleurs dans la francophonie, mais le français a des ressources, bien plus qu’on ne le dit généralement, pour essayer de résister à ce qui est trop souvent présenté comme une déchéance programmée.

«L’usage, “bon” ou pas, ce sont les francophones qui, au quotidien, le fabriquent, le façonnent, le font évoluer» (p. 24) : Les linguistes atterré(e)s le démontrent par l’exemple. Écoutons-les. En matière de langue, nous n’aurons jamais trop de bons exemples de vulgarisation.

P.-S.—On peut rejoindre le collectif ici.

P.-P.-S.—«Respirer par le nez» ? Par .

 

[Complément du 17 juin 2023]

En une image, pour les publics jeunes et pour les autres.

Résumé en une image du tract Le français va très bien, merci (2023)

 

Références

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2015, 115 p. Ill. Préface de Samuel Archibald. Postface de Ianik Marcil.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue affranchie. Se raccommoder avec l’évolution linguistique, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2017, 122 p. Ill. Préface de Matthieu Dugal.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue racontée. S’approprier l’histoire du français, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2019, 150 p. Ill. Préface de Laurent Turcot. Postface de Valérie Lessard.

Candea, Maria et Laélia Véron, Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, Paris, La Découverte, 2019, 238 p. Nouvelle édition : Paris, La Découverte, coll. «La Découverte Poche / Essais», 538, 2021, 224 p.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Francard, Michel, Vous avez de ces mots… Le français d’aujourd’hui et de demain !, Bruxelles, Racine, 2018, 192 p. Illustrations de Jean Bourguignon.

Gasquet-Cyrus, Médéric, En finir avec les idées fausses sur la langue française, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’atelier, 2023, 158 p.

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, la Convivialité. La faute de l’orthographe, Paris, Éditions Textuel, 2017, 143 p. Préface de Philippe Blanchet. Illustrations de Kevin Matagne.

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, Le français n’existe pas, Paris, Le Robert, 2020, 158 p. Préface d’Alex Vizorek. Illustrations de Xavier Gorce.

Les linguistes atterré(e)s, Le français va très bien, merci, Paris, Gallimard, coll. «Tracts», 49, 2023, 60 p.

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Rittaud-Hutinet, Chantal, Parlez-vous français ? Idées reçues sur la langue française, Paris, Le cavalier bleu éditions, coll. «Idées reçues», 2011, 154 p. Ill.

Yaguello, Marina, Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris, Seuil, coll. «Points», série «Point-virgule», V61, 1988, 157 p. Ill.

Arguments spécieux du mercredi

«Échenillons notre langue», publicité linguistique, Québec, avant 1951

(Du mercredi ? Parce qu’ils suivent ceux du mardi, pardi !)

Ça commençait plutôt bien. Dans un article du 20 avril, «Écriture inclusive : les destructeurs de la langue française», Mathieu Bock-Côté, omnicommentateur formé en sociologie, citait — sans attribution, il est vrai, et approximativement — une phrase géniale d’André Belleau : «Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler» (1983, p. 6) devenait «les Québécois n’ont pas besoin de parler français, mais ont besoin du français pour parler».

Les choses se gâtent par la suite, sur au moins trois plans.

Mathieu Bock-Côté n’a jamais rencontré une hyperbole qu’il n’a pas aimée, d’où le ton de son texte : «destructeurs de la langue française», «cancer», «thèse paranoïaque», «tuer le français», «apocalypse», «démission de l’intelligence», etc. En matière de langue, sujet délicat s’il en est un, on pourrait rêver de plus de nuances.

Le chroniqueur ne comprend manifestement pas ce qu’est l’écriture inclusive, qu’il confond avec deux de ses formes, le point médian et la création de nouveaux pronoms personnels. (Les formes de l’écriture inclusive sont nombreuses et encore en évolution : voir ici, par exemple, pour un point de vue posé.) Cela ne l’empêche pas d’affirmer, sans la moindre source, des choses comme celles-ci :

C’est au nom de cela qu’on n’écrira plus, par exemple, les «étudiants» ni même, les «étudiants et les étudiantes», mais qu’on écrira les «étudiant.e.s». Et cela systématiquement.
C’est pour cela que des professeurs n’écriront plus il ou elle, mais iel, et n’écriront plus ceux ou celles, mais celleux.

«Systématiquement» ? Où cela ? Cela se serait imposé «en quelques années à l’université» et «dans l’administration» ? Vraiment ? Cette «manière d’écrire devient progressivement obligatoire» ? Depuis quand, où, pour qui ? On aimerait pouvoir juger sur preuves.

Bock-Côté n’est pas mieux informé au sujet de la réforme proposée d’une règle de l’accord du participe passé, celui avec le verbe avoir. Lui et Patrick Moreau font la paire.

Cela fait beaucoup pour un texte de 480 mots ? Peut-être, mais les habitués du «hibou de Lorraine» (Mark Fortier) ne seront pas dépaysés.

P.-S.—L’Oreille tendue a déjà abordé d’autres positions «linguistiques» de Mathieu Bock-Côté. C’est , notamment.

P.-P.-S.—D’autres chroniqueurs s’excitent le poil des jambes avec l’écriture inclusive. Celui-ci, par exemple.

P.-P.-P.-S.—Vous vous intéressez à l’argumentation chez Mathieu Bock-Côté ? Lisez les Déchirures, le plus récent livre d’Alex Gagnon. (Transparence, totale comme on dit à la Presse+ : l’Oreille tendue a édité ce livre.)

 

Illustration : J.-F., F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951 (deuxième édition), 143 p., p. 86.

 

Références

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

Gagnon, Alex, les Déchirures. Essais sur le Québec contemporain, Montréal, Del Busso éditeur, 2023, 347 p.