Chantons la langue avec les Fabulous Trobadors

Fabulous Trobadors, On The Linha Imaginòt, 1998, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Fabulous Trobadors, «L’accent», On The Linha Imaginòt, 1998

 

Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Tu l’écoutes et je vois qu’il est bien
Chacun au début possède le sien
Le français parlé par les Toulousains suit un certain destin
Le mien provient du languedocien
Il vient de loin et c’est un lien contemporain avec l’âge moyen
Ce qu’il devient nous appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

Il se mélange avec le tien
Il y en a combien, il y en a plein
Algérien, marocain, brésilien,
Africain, italien, sicilien
Imagine tout ce qu’il contient
Il est de la campagne, il est urbain
Rien je ne regrette rien
Ce qu’il devient m’appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

L’accent de la télé ne signifie rien
Imposé par les infos il déteint
Tous les pébrons prennent le sien
Oublie le leur
Est-ce que ça te convient ?
Complètement aliéné soudain
Face au micro
Alors il n’y a plus rien
Peur de l’accent qui vient d’où tu viens
Pourtant il t’appartien
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

Dans les médias c’est un déclin
La même pression partout se maintient
J’entends le seul et même refrain
Le modèle du super citoyen
Si tu sais que c’est de quelque part que tu proviens
Au sérieux personne ne te tient
Folklorique pour eux égal crétin
Un cliché auquel rien n’appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

Tu l’écoutes et je vois qu’il est bien
Chacun au début possède le sien
Le français parlé par les Toulousains suit un certain destin
Le mien provient du languedocien
Il vient de loin et c’est un lien contemporain avec l’âge moyen
Ce qu’il devient nous appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

 

Chantons la langue avec Gaële

Gaële, Diamant de papier, 2010, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Gaële, «L’accent d’icitte», Diamant de papier, 2010

 

(Voix de Richard Desjardins)

Faque l’aut fois j’parlais avec le bonhomme
I m’dit «Astheure t’es t’un grand bum
Commence à être temps que tu sacres le camp»

(Voix de Gaële)

Pardon ? Vous dites ?

(Voix de Richard Desjardins)

Parce que vois-tu les règelments c’est fait pour être sui
Pis ceux qui suisent pas
Ben qu’y s’en vont
Décâlisse
Attends pas que la police a moisisse

(Voix de Gaële)

Excusez-moi j’ai pas bien compris
Pourriez-vous répéter s’il vous plaît

(Voix de Richard Desjardins)

Faque quand j’ai vu quj’voyais pu
J’ai ben vu quj’voyais rien
Rien qu’à voir on voit ben
Qu’à noirceur on voit rien

(Voix de Gaële)

J’aurai jamais l’accent d’icitte
Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé
Faut croire que malgré les années
Encore un peu de France m’habite
J’ai un accent moitié moitié
Voguant entre deux continents
De l’un je garde mes vingt ans
Dans l’autre un tout p’tit boutte de destinée

À part la neige et l’été indien
Les grands espaces les traîneaux à chien
Ô Canada j’le connaissais pas bien
Pis le Québec ben encore moins

En descendant d’l’avion plus aucun doute
Même si vos mots j’les pigeais pas pantoute
Gens du pays j’ai su qu’on s’aimerait
Jusqu’au bout de la route

Même si j’aurai jamais l’accent d’icitte
Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé
Faut croire que malgré les années
Encore un peu de France m’habite
J’ai un accent moitié moitié
Voguant entre deux continents
De l’un je garde mes vingt ans
Dans l’autre un tout p’tit boutte de destinée

Trois francs six sous un dollar vingt-cinq cennes
Une pile de Pascal ou la face de la reine
Ma vie est aux deux tiers européenne
Pis un tiers américaine

De la bouche serrée à la mâchoire slaque
Du putain d’merde à l’ostie d’tabarnak
Au fil des années j’ai tissé les trésors
De ma langue bric-à-brac

Pas besoin de carte ou d’encyclopédie
Ça m’a pris dix ans j’ai enfin compris
Mon accent c’est pas une maladie
Mais mon plus beau pays

Même si j’aurai jamais l’accent d’icitte
Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé
Faut croire que malgré les années
Encore un peu de France m’habite
J’ai un accent moitié moitié
Voguant entre deux continents
De l’un je garde mes vingt ans
Dans l’autre un tout p’tit boutte de liberté

(Voix de Richard Desjardins)

Lette comme qu’a l’est
Avec le chapeau lette comme qu’a l’a
Qu’a rise don d’elle avant qu’a rise des autres

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Gaële ici.

P.-P.-S.—Certaines paroles dites par Richard Desjardins sont tirées de la chanson «Le chant du bum». D’autres d’ailleurs…

 

Chantons la langue avec Mireille Mathieu

Mireille Mathieu, «J’ai gardé l’accent», 1968, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mireille Mathieu, «J’ai gardé l’accent», 1968

 

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est l’ail du potager, l’huile de l’olivier, le raisin de la treille
C’est le micocoulier où jouent les écoliers,
Qu’une cigale égaye

Quand la mer de Pagnol en retenant ses vagues
S’endort en rêvassant
Et rêve d’un marin qui lui passe la bague
La mer a notre accent

Quand le vent de mistral décoiffe les marchandes
Jouant au Tout-Puissant
Et qu’il nous fait le ciel plus bleu que la lavande
Le vent a notre accent

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est le mas paternel, aux murs couleur de miel, aux tomates vermeilles
C’est la tuile du toit, comme un peu de patois
Que le soir ensoleille

Quand la nuit de Daudet aux moulins met des voiles
Qui tournent en crissant
Et que ça grouille au ciel de millions d’étoiles
La nuit a notre accent

Quand l’été de Giono revient en transhumance
Et que les estivants imitent en riant
Le parler de Provence
Le monde a notre accent

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est l’accent du clocher, la Noël des bergers dans la nuit des merveilles
C’est l’orgueil provençal, la gloire de Mistral

C’est l’accent de Mireille

 

Les Parisiens auraient un accent

Georges Simenon, la Chambre bleue, éd. de 1964, couverture

Selon certains habitants de Paris, dit-on, les autres — tous les autres — auraient un accent, mais pas eux. Simenon n’est pas d’accord. Extrait du roman la Chambre bleue en 1964 :

Près d’un pont enjambant l’Orneau, toute une famille pêchait à la ligne, y compris une petite fille de six ans qui venait de tirer un poisson de l’eau et qui ne savait comment le décrocher. Sûrement des Parisiens. L’été, on en voyait partout; il y en avait chez son frère aussi et, de la chambre bleue, tout à l’heure, il avait reconnu leur accent à la terrasse (p. 1340).

Qu’ils se le tiennent pour dit.

 

Référence

Simenon, Georges, la Chambre bleue, dans Pedigree et autres romans, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 553, 2009, p. 1329-1438 et 1664-1674. Édition originale : 1964. Édition établie par Jacques Dubois et Benoît Denis.

Sens dessus dessous

Publicité de plomberie, Montréal, 2013

Dans la langue populaire du Québec, (en) dessous a droit à plusieurs prononciations et à plusieurs graphies.

Dessour : «C’était dans la cassette. Ça l’avait glissé en dessour du lit» (les Sentiers de neige, p. 284).

De sour : «Comme tirée par la manette de la télévision, dans un frottis de chaussons suivi d’un cliquètement de griffes excitées, la mère a tourné en virant de sour le coin du corridor, quand même battue dans le sprint final par le chien l’accompagnant» (la Bête creuse, p. 434-435).

D’sour : «l’ostie de singe / y est-tu allé s’cacher en d’sour du lynx» (l’Allégorie du tiroir à ustensiles, p. 83).

Tsour : «Je préfère de loin flotter en superficie avec lui que faire des pets de tsour de bras en apnée» (Une femme extraordinaire, p. 107). N.B. : On aura reconnu l’aisselle dans ce tsour de bras.

Entsoure : «Son immensité m’apaisait. Il devait se passer bien des affaires entsoure, mais la surface, elle, n’avait pas envie de s’obstiner avec qui que ce soit» (Une femme extraordinaire, p. 236).

C’est comme ça, et ce n’est probablement pas tout.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Cloutier, Fabien, l’Allégorie du tiroir à ustensiles. Chroniques et monologues pour se replonger dans les années 2018-2022, Montréal, Lux éditeur, 2022, 224 p. Dessins de Samuel Cantin.

Éthier, Catherine, Une femme extraordinaire, Montréal, Stanké, 2022, 302 p.

Lambert, Kev, les Sentiers de neige. Conte d’hiver, Montréal, Héliotrope, 2024, 412 p.