Accouplements 202

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 2012, pendant les grèves étudiantes, la façade du siège social d’Hydro-Québec, à Montréal, avait arboré un message d’appui à leur cause : «Les étudiants, ici, / on en a rien / à crisser !»

Façade de l’édifice d’Hydro-Québec, 2012

L’Oreille tendue a déjà évoqué cet épisode du Printemps érable par là, tant l’absence de négation que la présence d’un juron, crisser.

Rebelote hier soir. Des opposants à la transformation d’un édifice montréalais en hôtel y ont projeté un message, sacre à l’appui : «Des CPE câlisse.»

Façade du 1, Van Horne, Montréal, 16 février 2023

Il est incontestable qu’il s’agit d’édifices québécois.

 

(Merci à @noradelamontagn pour la photo.)

 

P.-S.—En effet, ce n’est pas la première fois que l’Oreille parle de murs; voyez ceci.

Accouplements 200

Salman Rushdie, The Moor’s Last Sigh, éd. de 1996, couverture

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue est professeure d’université. Dans quelques mois, elle sera à la retraite. Elle a donc commencé le désherbage de ses bibliothèques. L’autre jour, elle est tombée sur un livre que lui avait offert Gilles Marcotte, accompagné d’un mot de sa main : «La littérature est vivante ! Il faut lire Rushdie ! G.M.»

Elle a repensé à ce conseil en écoutant la longue entrevue accordée par Salman Rushdie à David Remnick du magazine The New Yorker (c’est ici). Il y déclare notamment ceci, qui est un chef-d’œuvre d’understatement : «I’ve always thought that my books are more interesting than my life […]. The world appears to disagree» («J’ai toujours pensé que mes livres étaient plus intéressants que ma vie. […] Le monde semble être en désaccord»).

 

Référence

Rushdie, Salman, The Moor’s Last Sigh, Toronto, Vintage Canada, 1996, 437 p. Édition originale : 1995.

Accouplements 199

Podcast / balado Backstage at the Vinyl Cafe, logo, 2023

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le Devoir du jour, Jean-François Nadeau évoque la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux. Comment la mesurer ? En faisant appel, avec prudence, aux relevés des ornithologues amateurs. Pourquoi parler de cela ? Parce que Nadeau a eu la surprise d’observer, près de chez lui, des durbecs des sapins.

Stuart McLean, il y a plusieurs années, a raconté la découverte par Dave, son personnage fétiche, d’un tangara d’été (en plein hiver) et des habitudes des ornithologues amateurs (nombreux) dans «Burd». Cette histoire vient d’être reprise dans le deuxième épisode de Backstage at the Vinyl Cafe.

Pas besoin d’être ornithologue pour apprécier l’un et l’autre.

Accouplements 198

The Harder They Fall, 1956, affiche

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

C’était il y a plus de sept lustres, peut-être même huit.

L’après-midi, l’Oreille tendue avait lu un album de Régis Franc, Nouvelles histoires (1978). Une référence lui échappait : qui était ce Toro Moreno dont il était question dans «Plus dure sera la chute !…» (p. 8-12) ?

Le soir même, par hasard, elle visionnait le film The Harder They Fall (1956), de Mark Robson. Titre français : Plus dure sera la chute. Le récit est librement inspiré de la vie du boxeur Primo Carnera. Mark Lane joue le rôle de ce boxeur, sous le nom de Toro Moreno, et donne la réplique à Humphrey Bogart, dont c’est la dernière prestation cinématographique. Voilà la référence éclaircie.

Régis Franc ne s’en tiendra pas à la bande dessinée. Il coscénarisera le court métrage Toro Moreno (réalisation de Gérard Krawczyk, 1981, 10 minutes).

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Cette semaine, l’Oreille revoyait À bout de souffle (1960), de Jean-Luc Godard. Au cinéma Normandie, Michel Poiccard (Jean-Paul Belmondo) regarde une affiche, celle, bien sûr, de Plus dure sera la chute.

Ce sera tout (pour l’instant).

P.-S.—Ce n’est pas la première fois que l’Oreille parle de son rapport à la boxe. Voir ici.

 

Référence

Franc, Régis, Nouvelles histoires, Paris, Dargaud, coll. «Pilote», 1978, 48 p.

Accouplements 197

Marianne Fritz, le Poids des choses, 2022, couverture

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Il y a plusieurs années, le magazine The New Yorker publiait ce dessin d’humour :

Dessin d’humour, The New Yorker

Phil, parti à la recherche de son âme, était revenu les mains vides.

En 2022, Le Quartanier fait paraître le roman le Poids des choses de Marianne Fritz. Le personnage de Berta y déclare ceci : «Je manque d’intériorité» (p. 52).

L’Oreille tendue se sent très proche de Phil et de Berta.

 

[Complément du 2 décembre 2022]

Question de la taupe québecquoise de l’Oreille : «Vous cherchez votre Oreille interne ?» C’est fort bien vu.

 

[Complément du 22 janvier 2024]

Phil, Berta et Pepper — même combat : «What did Pepper have inside ? Years ago he’d gone with a woman who informed him that he was, in fact, empty. “It’s like there’s nobody home”» (Colson Whitehead, Crook Manifesto, p. 178).

 

[Complément du 3 avril 2024]

Françoise Giroud paraît être de la même famille : «“Vous n’avez pas d’inquiétude métaphysique ?” me demande-t-il. Non. Je suis désolée de le décevoir, mais c’est non» (p. 192).

 

[Complément du 7 août 2024]

Que dit le narrateur de Meutriers sans visage, d’Henning Mankell, au sujet du personnage de Kurt Wallander ?

Il n’avait jamais été très enclin à la philosophie ni particulièrement éprouvé le besoin de rentrer en lui-même, comme on dit. La vie était faite d’une série de questions d’ordre pratique attendant chacune sa solution. Tout ce qui se situait au-delà était inévitable et ce n’était pas le fait d’y chercher un sens qui n’existait pas, de toute façon, qui changerait grand-chose (p. 176-177).

Bienvenue, Kurt !

 

Références

Fritz, Marianne, le Poids des choses. Roman, Montréal, Le Quartanier, «Série QR», 173, 2022, 143 p. Traduction de Stéphanie Lux. Suivi de «Marianne Fritz» par Adrian Nathan West.

Giroud, Françoise, Gais-z-et-contents. Journal d’une Parisienne 3. 1996, Paris, Seuil, 1997, 263 p.

Mankell, Henning, Meurtriers sans visage. Roman, Paris, Christian Bourgois éditeur, coll. «Points», P1122, 2003, 385 p. Édition originale : 1991. Traduction de Philippe Bouquet.

Whitehead, Colson, Crook Manifesto. A Novel, New York, Doubleday, 2023, 319 p.