Croisements sélectifs

L’«alternance codique» (le code-switching), une fois encore, dans un album de bande dessinée portant, en partie, sur le hockey (p. 40).

Duchateau et Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, p. 40, case

De l’inopportunité de la rencontre entre, d’une part, «tabarnak» et «étriver» (agacer, embêter) et, d’autre part, «mettre une de ces culottes» (pas employé au Québec) et «nabot» (là où on attendrait «nain»).

 

Référence

Duchateau, André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, Bruxelles et Paris, Éditions du Lombard, coll. «Les casseurs», 15, 1988, 48 p. Repris dans Denayer & Dûchateau, les Casseurs. L’intégrale, Bruxelles, Le Lombard, 2010, vol. 5.

Paroles mêlées

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de parler du code-switching, cette présence, chez la même personne, dans la même phrase, de plusieurs langues.

Cela peut être volontaire; c’est le cas chez François Blais dans Vie d’Anne-Sophie Bonenfant ou dans la publicité du réseau des écoles publiques anglophones du Québec.

Dans le texte ci-dessous, tiré de l’album de bande dessinée les Canayens de Monroyal. Saison 2. Hockey corral, c’est moins sûr.

Achdé, les Canayens de Monroyal. Saison 2. Hockey corral, page 32, case

 

Il est difficile d’imaginer quelqu’un mêlant, d’un côté, «sacrer son camp» (partir) et «moé» (moi) avec, de l’autre, «tambouille pour marin». On ne voit pas bien, par ailleurs, d’où sortiraient cet «pittbulls d’opérette» (notons que lesdits chiens ont un t en trop).

Pour l’effet de réel — la scène se déroule dans une indistincte campagne québécoise —, on repassera.

 

[Complément du 15 décembre 2010]

Précision : dans ce cas, il s’agit de variations régionales d’une même langue.

 

Références

Achdé, les Canayens de Monroyal. Saison 2. Hockey corral, Boomerang éditeur jeunesse, 2010, 46 p. Couleur : Mel.

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Sexisme ordinaire ?

«Ta race est d’une stupidité rare
et d’un sexisme affligeant,
Nikopol.»
Enki Bilal, la Foire aux immortels

Hélène Desmarais a récemment été nommée à l’Académie des grands Montréalais. Comment le Devoir la présente-t-elle ? «“Une grande dame de Montréal.” Hélène Desmarais fréquente les conseils» (17 novembre 2010, p. C3).

Faut-il comprendre que l’«épouse de Paul Desmarais» fréquente «les conseils» — entendre : «les conseils d’administration» — comme d’autres «fréquentent» les salons de thé ou les ventes de garage ? Non : elle préside, par exemple, les conseils d’administration de HEC Montréal, de la Société de développement économique Ville-Marie, de la Société d’investissement Jeunesse et de l’Institut économique de Montréal. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Causons bruxellois

«Hergé reporter», 2010, couverture

La revue Études françaises vient de faire paraître un dossier intitulé «Hergé reporter. Tintin en contexte.» Rainier Grutman (R.G.) s’y penche sur le contact des langues chez Georges Remi (G.R., Hergé), plus particulièrement dans le Sceptre d’Ottokar, la huitième des «Aventures de Tintin» (1939, en noir et blanc; 1947, en couleurs). R.G. s’est donné pour objectif de repérer et d’interpréter le «substrat linguistique bruxellois» (p. 84) dans cet album, où Hergé met en scène un pays imaginaire, la Syldavie.

Qu’est-ce que le bruxellois ? Un dialecte, «flamand au sens large, brabançon au sens restreint», «contaminé par le français» (p. 94). De «nature germanique» (p. 96), il est essentiellement parlé.

À quoi sert-il dans le Sceptre ? La «langue mystérieuse attribuée aux Syldaves par Hergé» est «le dialecte germanique employé jusqu’il n’y a guère dans la capitale belge» (p. 85). R.G. montre cependant comment, loin d’être rendu de façon strictement réaliste, le «bruxellois travesti» (p. 97) fait partie des «idiomes pseudo-imaginaires» d’Hergé (p. 95).

La démonstration est faite, et bien faite : Hergé était beaucoup plus subtil linguistiquement que ses «adaptateurs» québécois.

 

Référence

Grutman, Rainier, «“Eih bennek, eih blavek” : l’inscription du bruxellois dans le Sceptre d’Ottokar», Études françaises, vol. 46, no 2, 2010, p. 84-99. https://doi.org/10.7202/044536ar