Chantons la langue avec Serge Gainsbourg, bis

Portrait de Serge Gainsbourg jeune

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Serge Gainsbourg, «Les mots inutiles» / «De Vienne à Vienne» / «Le dernier souvenir», chanson inédite, interprétée lors de l’émission télévisée Ce soir à Vienne juin 1961

 

Les mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés

Vienne, à Vienne, tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu’il n’était rien besoin de dire

Il vaut mieux laisser au poète
Le soin de faire des pirouettes
C’est très joli, oui, dans les livres
Mais tous ces mots dont tu t’enivres

Ces mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés

Vienne, à Vienne, tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu’il n’était rien besoin de dire

Les mots d’esprit laissent incrédule
Car le cœur est trop animal
Mieux qu’apostrophe et point-virgule
Il a compris le point final

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de cette chanson ici.

P.-P.-S.—Bis ? Parce que.

 

Chantons la langue avec Plume Latraverse

Plume Latraverse, album Plume pou digne, 1974, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Plume Latraverse, «Encore des mots», Plume pou digne, 1974

 

Encore des mots qui veulent pus rien dire
Encore une batch de vieux souvenirs
Encore des mots quand y a tellement d’aut’choses à faire
Que d’garrocher son dictionnaire

Tout l’monde veut blower tout l’monde
Faut toujours charrier plus loin
On parle d’une même longueur d’onde
Jusqu’à c’qu’on comprenne pus rien
Faqu’on remet toutte ça au lendemain

Encore des mots, des ballounes de cire
Qui pètent en l’air, le temps de l’dire
Encore des mots qui ont mis leurs culottes à l’envers
Comme le vieux bon roi Dagobert

Tout l’monde veut blower tout l’monde
Au lieu d’prendre ça comme ça vient
On parle d’une même longueur d’onde
Jusqu’à c’qu’on comprenne pus rien
Faqu’on remet toutte ça au lendemain

Encore des mots, faudrait ben finir
C’te p’tite chanson qui veut rien dire
Encore des mots qui s’pavanent sans vouloir se taire
En compliquant l’vocabulaire
En compliquant l’vocabulaire

 

P.-S.—L’Oreille tendue l’a souvent dit : elle a un faible pour Plume.

 

Chantons la langue avec Jérémie Kisling

Jérémie Kisling, le Ours, 2005, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Jérémie Kisling, «Rendez-vous courtois», le Ours, 2005

 

One, two, three
Allez viens vous asseoir
Il faut pas que vous te barres
Sous mon toit vous serez à ton aise
Donne-moi votre main
Couchez-moi contre ton sein
Je t’avoue que je vous aime bien
Permettez que je me jette à tes genoux
Ma gorge nouée à vous se dévoue
Et pour toujours j’veux que tu me gardes à vous
Mais toujours, c’est beaucoup
Mon amour est têtu
Pas un jour ne s’est tu
Si pour vous je me tue
J’veux pas qu’vous t’habitues
Allez viens vous asseoir
Il faut pas que vous te barres
Sous mon toit vous serez à ton aise
Donne-moi votre main
Couchez-moi contre ton sein
Je t’avoue que je vous aime bien
De rendez-vous volés dans vos pas de danses
De voitures que j’avance
Au rendez-vous vous où tu recules en silence
Situez la nuance
Mon amour est têtu
Pas un jour ne s’est tu
Si pour vous je mets tu
J’ai peur qu’vous t’habitues
Allez viens vous asseoir
Il faut pas que vous te barres
Sous mon toit vous serez à ton aise
Donne-moi votre main
Couchez-moi contre ton sein
Je t’avoue que je vous aime bien
Yeah Oh yeah

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Jérémie Kisling ici.

 

Chantons la langue avec Brigitte

Brigitte, Et vous, tu m’aimes, 2011

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Brigitte, «Monsieur je t’aime», Et vous, tu m’aimes, 2011

 

Monsieur je t’aime
Monsieur je t’aime
Rendez-vous au cinéma
Impatiente, infidèle
Je ne vous résiste pas
Mes verres fumés, mon vieil imper
Je suis cachée, coupable, fière
Échappée pour quelques heures
D’une vie rangée qui nous perd
Monsieur je t’aime
Monsieur je t’aime
Je ne pense plus qu’à vous
Mon secret, ma parenthèse
Mon interdit, ma folie douce
Vous n’êtes pas le plus beau
Le plus tendre des Zorros
Mais il se cache dans vos baisers
Un je n’sais quoi qui me rend cinglée
Monsieur je t’aime
Monsieur je t’aime
Ce regard posé sur moi
À la maison ne se pose plus
Ou je ne le vois pas
Mais je préfère garder de vous
Ces instants volés, ces tabous
Ma tête est sens dessus dessous
Ou je vous laisse ou je quitte tout

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Brigitte ici.

 

Les rustines des Hells

Kevin Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué, éd. de 2021, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du premier roman de Kevin Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué : «Toutes les bâtisses de Chicoutimi sont construites sur une faille patchée par du béton et de l’asphalte» (p. 191).

Cela peut être appliqué à la pompe sanguine : «mon cœur / Y est patché plein de trous», chantait Gerry Boulet, du groupe Offenbach, dans «Faut que j’me pousse» (1969).

Patché(e) ? Rapiécé(e), dans le français populaire du Québec. Le mot y est féminin : une patch.

Ce n’est pas tout. Le patch, en informatique, c’est la rustine. En médecine, un médicament. Le mot est alors masculin, du moins en français de référence. Pas au Québec, où on a surtout recours au féminin. (Oui, c’est une divergence transatlantique.)

Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Qui, dans la hiérarchie des motards criminels, qu’on dit parfois parfois et bizarrement criminalisés, grimpe les échelons gagne ses patchs. Le mot est dangereux.

À votre service.

 

Référence

Lambert, Kevin, Tu aimeras ce que tu as tué. Roman, Montréal, Héliotrope, «série P», 2021, 209 p. Édition originale : 2017.