Voyage de découverte en Notulie

Philippe Didion, Notules dominicales de culture domestique, 2008, couverture

[Le texte qui suit s’inscrit dans un projet de «médiation numérique» intitulé «Autour de Publie.net» et mis sur pied par les bibliothèques de Montréal.]

Notulie. n.f. Pays littéraire. Il s’étend aux quatre coins d’Internet. Cap. Épinal. Langue off. Français. Hab. Notulographe et notuliens, notuliens et notuliennes. Climat. Tempéré. Hist. Indépendante dès son origine, la Notulie est fondée en mars 2001. Pol. Le créateur de la Notulie est Philippe Didion, dit «Le notulographe». Il a des ambassadeurs plénipotentiaires dans quelques pays (au Canada, cet ambassadeur est H.). Fête nat. 7 mars, date de la naissance de Georges Perec. Industr. Outre les Notules dominicales de culture domestique, la production de la Notulie est faite de chantiers (interminables) : Mémoire louvrière (œuvres commentées du musée du Louvre), Itinéraire patriotique départemental (descriptions de monuments aux morts régionaux), Invent’Hair (collection d’enseignes de figaros surtout français), Atlas de la Série noire, Films vus à la télévision et au cinéma, Déplacements de 1998 (pays, départements, villes, rues), Souvenirs quotidiens (avant le 4 mars 1997).

Comment accède-t-on à la Notulie ?

On peut s’abonner à la livraison électronique (quasi) hebdomadaire : sur le coup de midi — heure hexagonale —, le dimanche — «le dimanche, c’est […] le jour des notules» —, dans votre boîte de courriel, tombent les Notules dominicales de culture domestique. On dit alors que «les Notules sont servies». Pour les recevoir — et devenir «notulien de base» —, il faut en faire la demande : «les notuliens sont des victimes consentantes».

On peut consulter le site de leur auteur, Philipppe Didion, et lire les nouvelles livraisons au fur et à mesure qu’elles paraissent, de même que les plus anciennes. (Le titre du site est légèrement différent : s’y ajoute «(et de villégiature exotique)»).

On peut enfin lire le recueil qu’a publié publie.net en 2008 — puis, si on n’est pas déjà un abonné, le devenir ou aller visiter le site.

Peu importe : tous les chemins devraient mener à la Notulie.

La mission du notulographe tient en quelques mots :

Recension critique hebdomadaire des livres lus pendant la semaine, accompagnée d’un aperçu sur certains chantiers en cours et de quelques considérations plus ou moins inintéressantes sur ma trépidante existence.

Voilà qui paraît simple : livres lus, chantiers en cours, considérations autobiographiques. Mais l’est-ce (simple) ? Allons voir le recueil.

Philippe Didion y a sélectionné des textes parus entre 2001 et 2007, qu’il publie en ordre chronologique (chaque entrée est titrée, numérotée, datée). Ils sont de longueurs très variables. Exemple (radical) : «Samedi. (Bâillements). (no 284, 3 décembre 2006).» D’autres entrées font quelques pages.

Listes à l’appui, on y découvre ses goûts littéraires et cinématographiques : le roman policier, l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), les finalistes du prix René-Fallet (il est du jury), les films français de série B; en ces domaines, l’érudition (primesautière) est constante. Sans être un grand défenseur du sport professionnel, le notulographe est pourtant fort attaché à son club de football, le SAS Épinal. Ses marottes reviennent au fil des pages : il ne mange pas — il croûte; il ne prend pas le métro — il métrotte. Il est plus porté sur le train que sur la voiture (ce qui, si l’on se fie à ses récits, est un choix judicieux). En matière de chasse à l’aptonyme, il n’a de leçon à recevoir de personne, pas même d’Antoine Robitaille.

Professeur de collège, il n’est pas toujours d’accord avec les autorités ni les programmes officiels. En société, il a un idéal — la transparence — et un ennemi — le chauffeur de bus. De-ci de-là, on apprend des choses sur sa santé : il a été grand brûlé, il est abstinent par obligation, il ne multiplie pas les exploits musculaires, il fume, il est adepte de la sieste («ma présence est indispensable at home, personne ne peut faire la sieste à ma place»). Plus jeune, il a fait son service militaire et joué dans le groupe musical Garlamb’Hic. Sa famille est fréquemment mise en scène : à l’officine, Caroline; leurs filles, Alice la cadette et Lucie l’aînée (on peut mesurer l’évolution de son diabète sous la rubrique «Vie merdicale»). On suit ce quatuor spinalien, «la Didionnée», en villégiature, où le pater familias aligne les triomphes halieutiques. Quelques passages plus sombres racontent des deuils. Philippe Didion est un homme d’habitudes, mais aussi de fidélités.

En Notulie, plusieurs qualités sont essentielles : le plaisir de dire je, la qualité du regard, une mémoire fertile, le sens de l’humour («Il y a décidément plus de pédophiles chez les instituteurs que chez les gérontologues»), le refus de l’esprit de sérieux («j’ai des convictions, auxquelles je n’hésite d’ailleurs pas à tordre le cou dès que ça m’arrange»), une bonne dose d’autodérision («Nous faisons un tour dans la ville, d’abord austère mais pas dépourvue de charme. Un peu comme moi, quoi»).

Philippe Didion a beau dire de son «aventure» qu’elle est «modeste et artisanale», ses lecteurs reviennent de Notulie la besace pleine. On pourrait dire de lui ce qu’il écrit de Jean-Claude Bourdais :

À cause aussi de l’empathie qui finit par se créer avec l’homme. Non que celui-ci déploie des trésors de séduction mais parce que, c’est le propre de ces ouvrages quand ils sont réussis, on finit par l’accepter comme un compagnon de sa propre vie, on s’attache à lui et parce que la manque d’indulgence dont il fait preuve pour lui-même vous renvoie à votre propre médiocrité.

Bienvenue en Notulie.

P.-S. — On l’aura compris : il existe un vocabulaire de la Notulie. On le trouve dans la livraison du 10 janvier 2010.

 

[Complément du 16 décembre 2012]

Notulographe et notuliens sont tous embarqués à bord du même navire, le Notulus (livraison du 9 décembre 2012).

 

[Complément du 14 octobre 2018]

Les archives de la Notulie sont disponibles en ligne sur deux sites.

Archives 2001-2011 : http://pdidion.free.fr/

Archives 2011-2018 : https://notulesdominicalesblog.wordpress.com/

 

[Complément du 13 mars 2023]

Sur Twitter, Bibliomancienne «vote pour une notulocratie plus représentative des notuliennes». Dont acte : voir la correction ci-dessus. Elle propose aussi de parler de «notulosphère». Dont acte, bis.

 

[Complément du 17 décembre 2023]

En 2023, le Notulographe présentait son travail sur les ondes de Radio Cristal, «La radio au cœur des Vosges». Ça s’écoute ici.

 

Référence

Didion, Philippe, Notules dominicales de culture domestique, Saint-Cyr sur Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2008, 355 p. Édition numérique.

Chroniques du bilinguisme hexagonal 003

De passage à Lutèce en décembre dernier, l’Oreille tendue avait été sensible à une publicité invitant les usagers du métro à apprendre le «Wall Street English».

La publicité est toujours là en mars, mais avec une nouvelle photo : une femme tire la langue; sur celle-ci, on a peint un drapeau. Le Stars and Stripes, Wall Street oblige ? Non : l’Union Jack.

Il y a des leçons de géographie qui se perdent.

 

[Complément du 22 février 2012]

Hier, François Bon, sur tierslivre.net, écrivait ceci : «je viens de remarquer, centre-ville, en suivant un bus, que sur les publicités “Wall Street english”, le drapeau anglais avait été supprimé… l’oreille tendue a donc eu gain de cause !» L’Oreille va finir par se croire puissante (surtout après ceci). Elle compte sur ses lecteurs pour la rappeler à son obligation de modestie.

 

[Complément du 19 juin 2012]

La correction n’a pas touché Genève, du moins en juin 2012. Le pouvoir de l’Oreille paraît localisé.

Publicité pour une école de langue, Genève

Demande de traduction

Vue dans le métro de Montréal il y a quelques semaines une nouvelle publicité, trilingue (français, anglais, espagnol), pour ce qui semble être un nouveau magazine, Vertice (la page «en construction» de son site annonce un lancement en juin… 2010).

Thème de la publicité : l’«intégration piquante».

Les bras de l’Oreille lui en tombent. De quoi peut-il bien s’agir ?

Récit de voyage

Engagez-vous, qu’ils disaient. Vous entendrez du pays, qu’ils disaient. L’Oreille s’est engagée et elle a entendu.

Pizzeria, rue du Maine, Paris. La pizza et le vin rouge de l’Oreille font un repas correct. Son voisin, qui a pris la même chose, parle de «booster calorique».

Sur une camionnette, quai des Grands-Augustins, Paris : «Lutte raisonnée contre les nuisibles.» Vaste programme.

Dans un amphi universitaire, Université Paul-Verlaine, Metz, un adverbe inconnu de l’Oreille, mais plus maintenant, et joli : «moultement». (Il y avait aussi «mono-écranique» et «angler» [un article de journal]. Elle est moins séduite.)

Pendant une conférence, au Centre Pompidou-Metz, l’expression «fond d’écran», pour désigner ce qu’on appelait autrefois «air du temps». Cette expression ne serait plus dans l’air du temps.

Dans le même amphi que tout à l’heure, à un autre moment, découverte de l’existence, il y a plusieurs années, d’une Commission du vocabulaire, à l’Union des journalistes de sport en France. Sa mission ? Chasser le cliché. L’Oreille tendue aurait voulu en être.

Toujours le même amphi, découverte d’un nouveau sport, le «beach rugby» (en français dans le texte). L’Oreille ne voudrait pas en être.

Restaurant messin. La maison nous offre à boire quelque chose en apéro : c’est blanc, inconnu de tous, mauvais. «Improbable», dit un collègue pour caractériser le goût. À retenir : ça peut servir.

Publicité dans le métro parisien : «Speak Wall Street English.» Voilà une variété linguistique que l’Oreille ne connaissait pas.

Rue Vaugirard, à Paris, elle reçoit une leçon de traduction. Soit le panneau suivant :

Annonce de petit déjeuner, Paris, 2010

Si le «petit-déjeuner» n’est pas le «breakfast» — bien que les deux mots soient synonymes —, est-ce parce que l’anglais de ce restaurant viendrait de Wall Street ?

Rue de Rennes, Paris : croisé un homme avec un sac rouge d’une boutique appelée L’œil écoute. Le propriétaire de celle-ci accepterait-il de commanditer — de «sponsoriser» — ce blogue ? (Ça tombe bien : c’est peut-être une librairie.)