Onomastique de puck

Contrairement à la plupart des professeurs d’université, les sportifs ont très souvent droit à un surnom. Au hockey, Maurice Richard était Le Rocket; Jean Béliveau, Le Gros Bill; Georges Vézina, Le Concombre de Chicoutimi.

Une publicité lancée il y a deux jours évoque deux de ces surnoms.

https://www.youtube.com/watch?v=RAFMwULqBsQ

 

Patrick Roy parle d’un petit contenant de frites ? Bien sûr : Casseau est son surnom. Mario Tremblay se délecte par avance d’une tarte aux bleuets ? Qu’attendre de plus du Bleuet bionique ?

P.-S.—Pourquoi rassembler ces deux joueurs ? Parce que.

 

[Complément du 25 décembre 2021]

Version romanesque, chez Maxime Raymond Bock : «Morel a perdu son intérêt pour le hockey l’an dernier quand Peanut a échangé Casseau contre une caisse de pucks, lequel Casseau s’est empressé d’aller gagner la coupe dans les Rocheuses, avec feu les Nordiques par-dessus le marché. Un beau duo de perdants, Peanut et son Bleuet de coach» (2021, p. 281). Peanut est, bien sûr, Réjean Houle.

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Que faire de ses gants au hockey ?

Nick Downes, «Chistmas At The Ice Rink», The New Yorker, 16 décembre 2019, détail

Pour des raisons que l’Oreille tendue ne comprenait pas en 2014 et qu’elle ne comprend toujours pas, il est permis, voire encouragé, de de se battre au hockey. Cela touche les hercules de foire, mais pas seulement.

Comment cela se passe-t-il ?

Souvent, avant de passer à l’acte, les belligérants s’invitent à valser. Ils se débarrassent alors de leurs gants.

On entend alors les expressions laisser tomber les gants, jeter les gants ou encore, dans la langue de Dave «The Hammer» Schultz, dropper les gants, d’où, plus virilement, les dropper.

Exemple : «Jeudi soir dernier, Nick Foligno, en les droppant devant Corey Perry, a fait un fou de lui.»

P.-S.—On peut aussi dropper la rondelle. C’est autre chose.

P.-P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

Illustration : Nick Downes, «Chistmas At The Ice Rink», The New Yorker, 16 décembre 2019, détail

 

Références

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Melançon, Benoît, «Seize mesures pour réformer le hockey et sa culture», Nouveau projet, 05, printemps-été 2014, p. 133-137. https://doi.org/1866/28747

 

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Détails sur le détail

Logo du journal le Trifluvien, 1904

Interrogations hier soir sur Twitter autour du mot détail.

Rappelons d’abord qu’il désigne, au Québec, les séries éliminatoires.

Le mot est ancien. Il est utilisé en 1904 dans le Trifluvien : «Ceux ci auront ainsi l’occasion de se faire la main pour la grande joûte de détail où se disputera le titre de champion de la Ligue Intermédiaire» (l’accent circonflexe à «joûte» est certifié d’origine).

Le mot est beaucoup utilisé pour le hockey, mais pas seulement. On le trouve associé au football américain (le Messager, Lewiston, 12 septembre 1940) ou au baseball (le Devoir : 18 octobre 1997, 10 février 2001, 7 octobre 2003).

Certains journalistes sportifs ont beaucoup œuvré à son maintien dans la langue de puck, notamment Jean Dion (30 occurrences dans le Devoir entre 1994 et 2015) et, surtout, Ronald King (52 occurrences dans la Presse entre 1995 et 2015).

Reste la question épineuse de son origine.

Le 15 avril 2014, Ronald King se posait la question : «À propos, est-ce que quelqu’un d’entre vous connaît l’origine de ce terme ? Mon père ne disait que le “détail” lorsqu’il parlait des séries éliminatoires. Les vieux commentateurs sportifs de la télé aussi. On les entend, dans les films d’archives, parler du fameux “détail”.»

Trois jours plus tard, il citait la réponse d’un lecteur, Yves Jean, de L’Épiphanie, à son interrogation : « J’ai trouvé dans le Glossaire de la langue française au Canada français de 1930 : “détailler”. / Jeter de nouveau les dés quand on est but à but, quand on a amené le même nombre de points. Jouer de nouveau quand on est but à but, manche à manche. / Étymologie : en anglais, faire un tie, c’est être manche à manche, but à but. Il faut alors briser le tie, dé-tie-er.»

Vous avez d’autres propositions étymologiques ? L’Oreille reste tendue.

 

[Complément du 28 juin 2022]

Dans une chronique de langue du 15 mai 1958, René de Chantal va dans le même sens que le Glossaire :

Les expressions «une partie de détail» et «détailler» posent un problème d’étymologie, le sens traditionnel du nom et du verbe n’offrant aucun rapprochement avec le vocabulaire sportif. Pour «détailler», j’ai déjà entendu une explication si savoureuse qu’elle méritait d’être juste ! On sait qu’en anglais, un «tie», c’est un match qui se termine à égalité de points. Les Canadiens français, gens bilingues, ont formé depuis longtemps le verbe «tie-er», qui se prononce comme «tailler». Or, dans une éliminatoire, il s’agit de briser une égalité entre les équipes qui se sont qualifiées, d’où «dé-tie-er» (détailler). Du verbe, on aurait formé le nom «partie de détail».

 

Références

Chantal, René de, «Défense et illustration de la langue française. Termes de hockey. En France, on shoote», le Droit, 15 mai 1958, p. 2.

King, Ronald, «Place au détail…», la Presse, 15 avril 2014.

King, Ronald, «La fête a bien commencé», la Presse, 18 avril 2014.

Les deux côtés de la rondelle

La rondelle des Rolling Stones (Montréal, 2013)

La rondelle — l’Oreille tendue n’apprendra rien à personne — est essentielle au hockey. (Il en était longuement question ici.)

La rondelle — bis — est ronde.

On pourra dès lors s’étonner de lire ceci, sur le site de Radio-Canada : Nick Suzuki «a été fiable des deux côtés de la rondelle, affirme Carey Price». Ronde, la rondelle n’a habituellement pas de côté(s). Que peut bien vouloir dire le gardien des Canadiens de Montréal ? (La rondelle a bien deux faces, mais cela ne nous avance guère dans l’interprétation de la nouvelle radio-canadienne.)

Laissons un coéquipier de Suzuki, Phillip Danault, traduire : le jeune joueur de centre des Canadiens est solide «dans les deux sens de la patinoire», à l’offensive comme à la défensive.

Voilà un joueur complet.

P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Parlons cochon

Soit le tweet suivant, de Les Perreaux :

 

Les deux derniers mots de la dernière phrase paraîtront sibyllins à certains : qu’est-ce que ce «gros jambon» ?

Dans le domaine sportif, le jambon alimente souvent la discussion.

Le mot désigne le boxeur strictement appelé à faire de la figuration devant un adversaire bien plus fort : il arrive donc que des boxeurs aient «une belle fiche contre des jambons» (la Presse, 7 août 2012, cahier Sports, p. 7). Ce n’est pas parce qu’ils ont essayé de les manger.

Au hockey, ce n’est guère plus glorieux. Dans Panache. 1. Léthargie (2009), de Sylvain Hotte, le héros se réjouit à l’idée d’affronter une équipe du Saguenay composée de «quelques jambons à la défensive» (p. 99 et p. 105). On ne confondra pas le jigon et le jambon.

Dans son tweet, Perreaux critique la décision de l’entraîneur Gerard Gallant, des Golden Knights de Las Vegas, d’avoir envoyé un de ses joueurs se battre contre un adversaire des Jets de Winnipeg. C’est, en effet, digne d’un jambon, voire d’un gros jambon.

Le mot n’est pas utilisé que dans le domaine sportif.

Selon Pierre DesRuisseaux, on peut être assis sur son jambon : «Ne rien faire, ne pas réagir» (2015, p. 182). Ce jambon-là est, donc, un steak.

Léandre Bergeron reste dans le registre anatomique : les jambons pourraient être les «Grosses cuisses (d’une femme)» (1980, p. 280) — pourquoi seulement d’une femme ?

Bref, le jambon, dans le français populaire du Québec n’a pas bonne presse. Il vaut mieux ne pas être un gros jambon. Que Gerard Gallant se le tienne pour dit.

P.-S.—Exception qui confirme la règle : les plus vieux se souviendront que «Gros jambon» est une chanson interprétée par Réal Giguère dans laquelle le terme n’est pas connoté négativement.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Hotte, Sylvain, Panache. 1. Léthargie, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 1, 2009, 230 p.