En forêt, vous rasez tout ? Pour les uns, à droite de l’Atlantique, on parlera de coupe rase; à gauche, de coupe à blanc.
À votre service.
P.-S.—On ne confondra évidemment pas cette coupe avec celle de la biscotte.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
En forêt, vous rasez tout ? Pour les uns, à droite de l’Atlantique, on parlera de coupe rase; à gauche, de coupe à blanc.
À votre service.
P.-S.—On ne confondra évidemment pas cette coupe avec celle de la biscotte.
Une fois n’est pas coutume : la divergence du jour est empruntée à une ex-collègue, et néanmoins amie, de l’Oreille tendue, Claire Legendre.
«Les mots ont parfois un sens un peu différent selon l’époque et le pays où l’on se trouve. En France, intense se disait d’une couleur, d’un film aimé, d’une expérience sensationnelle, d’une voix ample et profonde, d’une mélodie montant crescendo dans les aigus ou d’un souffle haletant, d’un livre qui fait pleurer. Je ne me souviens plus de la première fois où j’ai entendu, au Québec, dire de quelqu’un qu’il ou elle était “intense”.
Ici, intense n’est pas un compliment. Sont intenses les fous, les arrogants, les susceptibles, ceux qui disent ce qu’ils pensent. Sont intenses les névrosés, les hystériques. Intense rit trop fort. Intense parle trop. “Intense” est quelquefois sexiste et souvent condescendant. Intense est pénible, high maintenance, colérique, monte dans les tours, parle de sentiments et de choses personnelles qu’il serait préférable de garder pour soi. Intense n’est pas convenable, pas très pudique, un peu gênant.»
Claire Legendre, Ce désir me point, Montréal, Leméac, 2024, 155 p., p. 24.
Le correspondant de l’Oreille tendue dans la Cité des Anges a récemment regardé, sur TV5, la série télévisée québécoise Cerebrum. Cette série en français était sous-titrée en français.
Dans les sous-titres, le verbe aviser («Je vais aviser mon équipe») était remplacé par informer.
La chose étonne un brin : tant le Petit Robert que le Larousse donnent aviser et informer comme synonymes. Pourquoi remplacer le premier par le second ?
Québécois et français seraient-ils séparés par une langue commune ?
P.-S.—En matière de sous-titrage, citons cette perle de Jérôme Garcin dans la livraison du 19 novembre 2023 de l’émission de radio le Masque et la plume : «Simple comme Sylvain est un film en québécois sous-titré en français.» Rappelons pour ceux qui auraient dormi durant la leçon qu’il n’existe aucune langue qui s’appellerait «le québécois».
Parlons, si vous le voulez bien, crachoir.
Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), on le tiendrait, tenir le crachoir signifiant «parler sans arrêt». (Voir ici un exemple chez Jean-Bernard Pouy.)
Au Québec, il arrive qu’on le prenne : «Je ne me souviens d’aucun grand discours, cette journée-là, seulement la prise de parole, à tour de rôle et sans micro, de femmes suffisamment décomplexées pour prendre le crachoir» (Au Québec, c’est comme ça qu’on vit, p. 34). Dans cet exemple, il s’agit moins de parler sans arrêt que de prendre la parole.
C’est comme ça.
Illustration : «Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider», photo déposée sur Wikimedia Commons
[Complément du 29 janvier 2024]
Au sens premier, le crachoir est un «Petit récipient muni d’un couvercle dans lequel on peut cracher» (le Petit Robert, édition numérique de 2018). Au Québec, le couvercle était facultatif. C’était le cas chez le grand-père paternel de l’Oreille tendue, qui en garde un souvenir peu ragoûtant : pas de couvercle. C’est aussi le cas dans cette photo probablement prise à l’Hôtel du Canada de Berthierville (merci à l’Ahuntsicoise qui l’a envoyée à l’Oreille). On notera l’avis hygiénique sans équivoque : «Cracher à terre c’est attenter à la vie d’autrui.» C’est noté.
[Complément du 12 juillet 2024]
Le traducteur Éric Boury, dans le Roi et l’horloger, propose «boîte crachats» (p. 112).
Références
Indridason, Arnaldur, le Roi et l’horloger, Paris, Métailié, coll. «Bibliothèque nordique», 2023, 315 p. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2021.
Pelletier, Francine, Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. La montée du nationalisme identitaire, Montréal, Lux éditeur, 2023, 213 p.
Lu hier, sur Twitter, ceci, pour annoncer une émission de France Culture : «Ne le prenez pas contre vous, mais vous êtes très mal habillé.»
Pour une oreille québécoise, une autre tournure aurait été attendue : «Ne le prenez pas personnel, mais vous êtes très mal habillé.»
Autre exemple, venu du XVIIIe siècle : Quand Jean-Jacques Rousseau a lu, dans le Fils naturel, de Diderot, la phrase «Il n’y a que le méchant qui soit seul», il l’a pris personnel. Chez Wikipédia : «Rousseau prit effectivement pour lui cette critique indirecte».
À votre service.
P.-S.—En effet, ce n’est pas la première fois que nous croisons cette expression.
[Complément du 14 décembre 2022]
Existe aussi une variante : «Ça colle avec sa personnalité. On peut ne pas tomber d’accord avec Roger [Federer], il ne le prend pas personnellement, il ne se démonte pas plus que ça […]» (Federer, p. 542).
L’Office québécois de la langue française ne recommande, dans ce cas, ni personnel ni personnellement.
Référence
Clarey, Christopher, Federer. Le maître du jeu. Biographie, Montréal, Flammarion Québec, 2022, 589 p. Traduction de Suzy Borello. Édition originale : 2021.