Divergences transatlantiques 064

Confiture, vin, bois

Steven Jezo-Vannier a publié récemment Ella Fitzgerald. Il était une voix en Amérique. En bonne fan de la chanteuse, l’Oreille tendue est en train de lire ce livre.

Étonnement, page 161 : «En plus de lui dédier un set au cœur du spectacle, Norman [Granz] l’intègre aux jams survoltées qui concluent chaque programme.» Il est question de la participation de Fitzgerald aux concerts rassemblés sous le nom de Jazz at the Philharmonic.

Le Petit Robert (édition numérique de 2018) confirme : jam (de jam-session) est un mot féminin. Au Québec, l’Oreille ne l’a jamais entendu qu’au masculin.

Une recherche rapide dans la base de données médiatiques Eureka («jams» + 2 ans + corpus canadien en français) semble lui donner raison.

Pourtant, le mot n’a rien à voir avec l’univers de la locomotion

 

[Complément du 1er juillet 2021]

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 1er juillet 2021.

 

Référence

Jezo-Vannier, Steven, Ella Fitzgerald. Il était une voix en Amérique, Marseille, Le mot et le reste, 2021, 367 p. Ill.

Divergences transatlantiques 063

Éric Plamondon, Aller aux fraises, 2021, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de la nouvelle «Cendres» que vient de faire paraître Éric Plamondon :

Quand il avait fini de souper après son shift au moulin à veneer, Finger venait s’en jeter quelques-unes dans le dalot (p. 52).

Qu’est-ce que ce dalot ?

Il ne s’agit pas (tout à fait) de ceux dont parle le Petit Robert (édition numérique de 2018) : «Trou dans la paroi d’un navire, au-dessus de la flottaison, pour l’écoulement des eaux»; «Petit aqueduc en maçonnerie pratiqué dans un remblai pour l’écoulement des eaux.»

Ni de celui, lié à l’univers trépidant du bowling, présent dans Usito : «Creux, dépression qui reçoit une boule ayant quitté la piste de jeu avant d’atteindre les quilles.»

Notre dalot a bel et bien à voir avec le liquide, mais pas seulement les eaux. Dans s’en jeter quelques-unes dans le dalot ou dans se rincer le dalot, il relève du vocabulaire de l’imbibition.

On l’aura compris : ce dalot, comme tout gosier qui se respecte, est proche de la dalle et du gorgoton.

Santé !

 

Référence

Plamondon, Éric, «Cendres», dans Aller aux fraises. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 159, 2021, 106 p., p. 41-73.

Divergences transatlantiques 062

Chaussettes, détail

Qu’ils aient ou non besoin de fibres, les lecteurs québécois de l’Oreille tendue savent qu’ils peuvent manger leurs bas.

Ils savent aussi que, pour se détendre, ils ont le droit de se promener en pieds de bas. Exemple journalistique dans le quotidien le Devoir d’hier : «Les adieux de Terry DiMonte, l’animateur rock en pieds de bas.» Explication : «Chaque matin, en mettant les pieds dans les studios de [la station de radio] CHOM, coin Papineau et René-Lévesque, Terry DiMonte vide ses poches, retire sa montre, puis enlève ses chaussures.»

Exemples littéraires : dans le Sort de fille, on se promène «en pieds de bas» (p. 115); dans Six degrés de liberté, on «fait la file en pieds de bas» (p. 337).

Que dit le Petit Robert de cette pratique ? «Pied de bas : partie du bas qui recouvre le pied. Marcher en pieds de chaussettes, sans chaussures» (édition numérique de 2018).

Usito réconcilie tout le monde : «être en pieds de bas, de chaussettes».

À votre service.

P.-S.—On peut faire plus paradoxal (avec chaussettes, mais comme si pas) : être nu bas.

 

Références

Delisle, Michael, le Sort de Fille. Nouvelles, Montréal, Leméac, 2005, 120 p.

Dickner, Nicolas, Six degrés de liberté, Québec, Alto, 2015, 380 p.

Divergences transatlantiques 060

Image de la série télévisée le Bureau des légendes, 1re saison, 4e épisode

Il y a quelques années, l’Oreille tendue citait cette phrase : «La marde va frapper la fan tantôt, Monsieur le Premier Ministre» (le Devoir, 30 janvier 2014, p. A1).

Elle rappelait alors que La marde va frapper la fan est un calque de l’anglais The shit will hit the fan.

Regardant récemment le quatrième épisode de la première saison de la série le Bureau des légendes, elle a découvert un équivalent hexagonal : «Ça chie dans l’ventilo» (article du Wiktionnaire ici).

En ces temps de pandémie, ne pourrait-on pas aussi dire que la merde est aéroportée ?

 

[Complément du 13 mai 2021]

En images :