Langue de campagne (25)

Deux des principaux partis politiques provinciaux québécois, par le choix de leur slogan de campagne, viennent d’en faire la démonstration : le sens de la langue leur échappe totalement.

Le Parti libéral du Québec affirme vouloir s’occuper des «vraies affaires», quoi que soient les «vraies affaires». La Coalition avenir Québec fait pire : «On se donne Legault». (Le chef de la CAQ est François Legault.)

Puisque leurs équipes politiques ne sont pas douées, pourquoi ces partis politiques n’utiliseraient-ils des machines pour les aider ? Ça ne pourrait pas être pire que leur propre prose.

La RAO (rédaction assistée par ordinateur) offre en effet de nombreuses ressources en ligne. Deux exemples :

Générateur de phrases creuses

Leo Ipsum

Aux partis d’en profiter.

Langue de campagne (24)

Deux référendums

L’Oreille tendue tente d’être bonne citoyenne. En 2004, avec la collaboration de Pierre Popovic, elle proposait, dans le Dictionnaire québécois instantané, des «Modèles pour une éventuelle question référendaire» (p. 48-49).

Comme le Québec est en campagne électorale et qu’il est de nouveau question d’un référendum sur la souveraineté / l’indépendance / le non-fédéralisme (rayez la ou les mentions inutiles), elle reprend ces modèles, histoire de nourrir le débat, à sa modeste mesure. Ne la remerciez pas.

Question claire

Oui ou non ?

Question claire perdante

Voulez-vous que le Québec quitte ?

Question claire gagnante

Ne voulez-vous pas que le Québec quitte ?

Question claire et jeune

Yo, tu veux-tu que le Québec quitte, genre ?

Question gradualiste dure

Le cas advenant que vous deviez répondre oui ou non, accepteriez-vous de donner un mandat au gouvernement de la province de Québec pour qu’il organise un carrefour dont les résultats seront promus dans un forum qui précédera la mise sur pied d’une Commission spéciale sur l’avenir de la nation, laquelle réunira les de souche, les pures laines, les partenaires et intervenant(e)s sociau(e)x, les ethnies, les communautés culturelles et les communautés non culturelles, les allophones et les premières nations, afin d’accoucher d’un consensus affirmatif qui sera entériné à l’unanimité par l’Assemblée nationale et, dès lors, enchâssé dans une incontournable Constitution du Québec souverain assortie d’une solennelle Déclaration d’indépendance qui, à l’occasion des premiers États généraux de la Nouvelle confédération, sera soumise au ROC pour ratification obligatoire ?

Question gradualiste molle

Le cas advenant que vous deviez répondre peut-être ou non, accepteriez-vous, éventuellement, de donner un mandat au gouvernement de la province de Québec pour qu’il prépare un carrefour dont les idées seront discutées dans un forum qui servira de base préliminaire à la mise sur pied d’une Commission spéciale sur l’avenir de la Belle Province canadienne-française, laquelle réunira les de souche, les pures laines, les partenaires et intervenant(e)s sociau(e)x, les ethnies, les communautés culturelles et les communautés non culturelles, les allophones et les premières nations, afin de susciter un consensus transitoire qui sera voté à la majorité moins une voix par l’Assemblée nationale et, dès lors, enchâssé dans une provisoire Constitution du Québec associé assortie d’une brève mais solennelle Déclaration d’affirmation nationale qui, à l’occasion des premiers États généraux de la possible Nouvelle confédération, sera mise sur la table avec tout le reste ?

Question à la manière de Pierre Falardeau

Bande de colonisés, allez-vous dire yessssss, stie ?

Question étapiste

Acceptez-vous que le Québec s’assise à la table avec le ROC ?

Question très étapiste

Acceptez-vous que le Québec s’assise à la table pour négocier le suivi d’un accord d’association-partenariat avec le ROC ?

Question très très étapiste

Acceptez-vous que le Québec s’assise à la table pour négocier le suivi d’un accord de concertation-partenariat avec le ROC dans le contexte de son cheminement vers l’association-souveraineté ?

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Langue de campagne (23)

Le Québec entre en campagne électorale. Comme c’était le cas la fois précédente, l’Oreille, à l’occasion, sera tendue vers le vocabulaire politique de ses contemporains.

Pour commencer, ci-dessous, une liste de termes, jadis plus ou moins populaires, dont il faudra suivre l’évolution (ou noter la disparition).

Aile radicale

Autopeluredebananisation

Campagne d’idées

Caribous

Centre

Clarté

Classe moyenne

Conditions gagnantes

Constitution

Contribuables

Forces vives

Indépendance

Modèle québécois

Partition

Petite politique

Plan b (Note : personne ne parle jamais de plan a.)

Productivité

Purs et durs

Référendum

Révolution tranquille

Séparatiste

Souveraineté

Taille de l’État

Virage à droite

En ces temps de charte sur la laïcité, plusieurs mots seront sûrement ressassés jusqu’à plus soif. Exclusion sera du nombre.

Certaines expressions ne s’utilisent qu’avant et qu’après la campagne. C’est le cas d’avenir politique.

Enfin, il y aura sûrement des nouveautés. L’Oreille en a déjà repéré deux : jalon vers la souveraineté et cycle péquiste (il ne s’agit pas de vélo).

Une chose est sûre : le Parti libéral du Québec veut parler des vraies affaires (c’est son slogan).

Des heures de plaisir en perspective.

P.-S. — Le 11 septembre 2012, Nicolas Guay offrait, sur son blogue, «La campagne électorale, un bilan». Lui et l’Oreille ont des affinités.