Autopromotion 296

Dossier «André Belleau II : le texte multiple», 2017, couvertureEn septembre 2015, l’Université du Québec à Montréal accueillait le colloque «André Belleau et le multiple». Ses Actes ont été rassemblés dans deux livraisons de la revue Voix et images. La première a paru à l’automne 2016 : «André Belleau I : relire l’essayiste» (Voix et images, numéro 124, automne 2016, p. 9-93; ISBN : 0318-9201). La seconde vient de sortir des presses : «André Belleau II : le texte multiple» (Voix et images, numéro 125, hiver 2017, p. 9-134; ISBN : 0318-9201). L’Oreille tendue, qui est une fan, y reprend sa «Bibliographie d’André Belleau».

Table des matières du dossier

Bélanger, David, Jean-François Chassay et Michel Lacroix, «André Belleau : le texte multiple», p. 7-12. https://doi.org/10.7202/1039911ar

Lefort-Favreau, Julien, «Portrait de l’intellectuel “intermédiaire”. Engagement de la parole et du geste chez André Belleau», p. 13-23. https://doi.org/10.7202/1039912ar

Parent, Marie, «Trahir Belleau, ou y a-t-il une intellectuelle dans la salle ?», p. 25-34. https://doi.org/10.7202/1039913ar

Dumont, François, «La poésie à distance», p. 35-45. https://doi.org/10.7202/1039914ar

Chassay, Jean-François, «André Belleau, lecteur de Norbert Wiener», p. 47-58. https://doi.org/10.7202/1039915ar

Cambron, Micheline, «André Belleau à la radio ou la théorie littéraire dialoguée», p. 59-70. https://doi.org/10.7202/1039916ar

Dion, Robert, «André Belleau à l’épreuve de l’étranger. L’exemple de l’Allemagne», p. 71-84. https://doi.org/10.7202/1039917ar

Livernois, Jonathan, «“Un coup délivré de Trudeau…” À propos de la correspondance entre André Belleau et Pierre Vadeboncoeur (1978-1985)», p. 85-94. https://doi.org/10.7202/1039918ar

Nepveu, Pierre, «Rabelais au pluriel. André Belleau et l’unité perdue», p. 95-102. https://doi.org/10.7202/1039919ar

Lacroix, Michel, «Douze textes brefs sur Belleau», p. 103-116. https://doi.org/10.7202/1039920ar

Melançon, Benoît, «Bibliographie d’André Belleau», p. 117-134. https://doi.org/10.7202/1039921ar

La culture épistolaire d’Emmanuel Macron

Dans son discours du 17 avril à Bercy, Emmanuel Macron, le candidat à l’élection présidentielle française, a cité — ô surprise ! — une lettre de Denis Diderot à Sophie Volland.

C’était à la 48e minute.

Sous les quolibets et les sifflets grivois de la foule — «Mais ne sifflez pas Diderot !» —, Macron évoque, «de mémoire», sourire aux lèvres, sous-entendus à la bouche, la «formidable» lettre du 10 juin 1759 :

Adieu, ma Sophie, bonsoir. Votre cœur ne vous dit-il pas que je suis ici [Diderot est chez Sophie Volland, qui n’y est pas] ? Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres. Cette situation devrait m’inspirer des choses bien tendres. Je n’en éprouve qu’une, c’est que je ne saurais sortir d’ici. L’espoir de vous voir un moment m’y retient, et je continue de vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime (éd. de 1997, p. 107).

Par souvenir épistolaire interposé, Emmanuel Macron dit à ses électeurs, même les absents («toutes celles et ceux qui ce soir ne sont pas là»), qu’il les aime.

Qui a dit que la culture de la lettre était morte ?

P.-S.—Merci à @PhDidi1713 pour le lien.

P.-P.-S.—Jeune homme, l’Oreille tendue avait cité cette lettre, mais pas dans un meeting politique (1996, p. 212).

 

[Complément du 7 mai 2017]

Dans un de ses deux discours de victoire, celui du Louvre, Emmanuel Macron a dit vouloir défendre «l’esprit des Lumières». Par lettre ?

 

[Complément du 10 juin 2020]

L’Oreille a repris ce texte, sous le titre «Emmanuel Macron, Diderot et Sophie Volland», dans le livre qu’elle a fait paraître au début de 2020, Nos Lumières.

 

[Complément du 27 juillet 2024]

Ceci, dans le quotidien le Monde du jour, sous le titre «Macron tente de renouer le fil avec ses députés» (p. 9) :

Faisant acte d’«humilité», aux dires de l’Élysée, Emmanuel Macron écoute aujourd’hui ses députés et s’excuse presque d’avoir été trop pris par sa fonction pour les recevoir plus souvent. Pour justifier ses absences, et parfois ses silences, «le chef de l’Etat évoque souvent la lettre de Diderot à Sophie Volland», dit-on à l’Élysée, celle où, lorsque la bougie s’éteint et que le philosophe écrit dans le noir, Diderot assure à sa bien-aimée : «Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime.»

Ça devient une habitude.

 

Références

Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.

Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382

Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

Autopromotion 294

Les Neveux de Voltaire, à André Magnan, 2017, couverture

Des amis du professeur André Magnan se sont regroupés pour lui rendre hommage. L’Oreille tendue est heureuse d’en être.

Gavoty, Stéphanie Géhanne et Alain Sandrier (édit.), les Neveux de Voltaire, à André Magnan, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, coll. «Publications de la Société Voltaire», 4, 2017, xxvi/296 p. ISBN : 978-2-84559-124-0; ISSN : 2104-6425.

Table des matières

«Avant-propos», p. vii-viii.

«“Je suis fidèle à toutes mes passions”. Biobibliographie d’André Magnan», p. xi-xxii.

Tabula gratulatoria, p. xxiii-xxvi.

Lire avec André Magnan

Dumesnil, Pierre, «Magnan», p. 3-4.

Saint Girons, Baldine, «La tendresse de Monsieur de V***», p. 5-8.

Duranton, Henri (et André Magnan), «Une bien étrange lettre de Frédéric II à Voltaire», p. 9-14.

Abramovici, Jean-Christophe, «À propos de quelques Magnan», p. 15-18.

Génétique des œuvres et des éditions voltairiennes

Brown, Andrew et Ulla Kölving, «Émilie Du Châtelet imprimeur ?», p. 21-33.

Smith, David, «La publication des Œuvres de Voltaire par Walther, 1752-1770», p. 35-44.

Van Strien, Kees, «Jean Neaulme et l’Abrégé de l’histoire universelle», p. 45-53.

Stenger, Gerhardt, «Voltaire annoté par lui-même : marginalia inédits sur la Collection complète envoyée à George Keate», p. 55-69.

Langille, Édouard, «Le “grand copiste”, ou deux sources de Zadig», p. 71-78.

Ferrier, Béatrice, «Un nouveau manuscrit de Pandore : genèse d’un opéra philosophique infléchi en ballet de cour, 1739-1745», p. 79-89.

Jacob, François, «Le sixième acte de l’Orphelin de la Chine», p. 91-95.

Penser comme Voltaire

Goldzink, Jean, «L’Orient à l’assaut de l’Infâme», p. 99-104.

Menant, Sylvain, «Voltaire écrivain : un dialogue à une voix», p. 105-108.

Sager, Alain, «Voltaire ou la dialectique du “ceci” et du “cela”», p. 109-116.

Masseau, Didier, «Voltaire et le bon ton», p. 117-120.

Herman, Jan, «Dimensions romanesques d’une définition voltairienne de l’Histoire. Autour de Charles XII», p. 121-130.

Droit d’inventaire : résonances et relectures

Décotte, Alain, «C’est qui, Voltaire ?», p. 133-135.

Melançon, Benoît, «Voltaire, Paris, 2015», p. 137-146. (Ce texte développe l’entrée de blogue qui se trouve ici.) https://doi.org/1866/28761

Pascal, Jean-Noël, «Un pasteur-poète anglican face à Voltaire et aux philosophistes modernes, Jean-Guillaume de La Fléchère, 1729-1785», p. 147-154.

Leufflen, Pierre, «De Voltaire à Victor Hugo, l’abbé Claude-Edmond Cordier de Saint-Firmin, 1743-1826, trait d’union entre le XVIIIe et le XIXe siècle», p. 155-162.

Carassou, Jérôme, «“Les philosophes ont dit aux rois, aux nobles, et aux prêtres…”», p. 163-166.

Métayer, Guillaume, «Voltaire, “l’Euripide de la France” ? Tragédie classique et philosophie selon Nietzsche et Benjamin Constant», p. 167-175.

Zaborov, Piotr, «Les vicissitudes de Candide en Russie», p. 177-181. Traduction de Jacques Prébet.

Commerces épistolaires

Bessire, François, «Le “phénomène” Voltaire vu par des contemporains 1769-1778», p. 185-191.

Siess, Jürgen, «Un jeu de rôles sur la scène épistolaire : Voltaire dans ses lettres à Maupertuis», p. 193-199.

Buffat, Marc, «Tancrède au jugement de Diderot», p. 201-211.

Richard-Pauchet, Odile, «Lettre ou ne pas l’être (à Sophie Volland) : le chef d’œuvre posthume de Diderot ?», p. 213-224.

Leca-Tsiomis, Marie, «L’affaire Calas de Diderot», p. 225-229.

Gil, Linda, «Lettres inédites de Voltaire et de Mallet de La Brossière, médecin de Montpellier, sur l’affaire Calas», p. 231-237.

Rieucau, Nicolas, «“Ne disons donc pas de mal des athées”. Une lettre originale de Condorcet à Voltaire», p. 239-243.

Par-delà Voltaire

Candaux, Jean-Daniel, «Mais non, les Dialogues chrétiens ne sont pas de Voltaire !», p. 247-254.

Hersant, Marc, «Les Infortunes de la vertu : le pathos foudroyé», p. 255-264.

Delon, Michel, «Le dérèglement des Cent vingt journées de Sodome», p. 265-270.

Leroy, Claude, «Congestion de lumière. Cendrars au chevet de Baudelaire», p. 271-278.

Auteurs, p. 279-280.

Index, p. 281-294.

Étrange, vous avez dit étrange ?

William S. Messier, le Basketball et ses fondamentaux, 2017, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du livre récent de William S. Messier, le Basketball et ses fondamentaux :

Le vendredi de la première semaine, un petit groupe des comptes recevables et quelques étranges des services informatiques et de la comptabilité nous ont invités à prendre un verre au Pub McIntosh, à Granby (p. 65).

Étranges peut donc être, au Québec, un substantif désignant une personne. Il renvoie à quelqu’un de différent de soi : les gens «des services informatiques et de la comptabilité» ne sont pas comme ceux «des comptes recevables».

L’étrange peut être (relativement) proche, comme chez Messier, ou il peut venir de loin (c’est un immigrant). C’est le cas chez Michael Delisle, dans Tiroir no 24 (2010) :

De toute façon mon idée est faite. Je passerai pas l’été ici-d’dans. Ça va assez mal de même sans qu’on commence à se faire souffler la clientèle. Par des étranges par-dessus le marché ! (p. 56)

Cet étrange-là est belge.

Pareille utilisation d’étrange est-elle propre au français du Québec ? En français moderne, probablement. En français ancien, non. On la trouve par exemple dans la littérature poissarde, en l’occurrence dans les Lettres de la Grenouillère, le roman épistolaire de Vadé (1749) :

Jarny ! que j’étois aise d’être content en mangeant ste salade aveuc vous, Maneselle, de chicorée sauvage, il me semblit que je grugeois du sellery, tant vos yeux me donnont des échauffaisons; j’ai dansé nous deux vote mère; mais alle n’danse pas si ben qu’vous. Alle vouloit pourtant dire que si, moi j’nay pas voulu ly dire qu’non, parce qu’alle n’est pas une étrange, mais vous qu’avez une téribe grâce quand vous dansez l’allemande (éd. de 1983, p. 377).

Vadé, Delisle, Messier : même combat.

 

Références

Delisle, Michael, Tiroir no 24, Montréal, Boréal, 2010, 126 p.

Messier, William S., le Basketball et ses fondamentaux. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 12, 2017, 239 p.

Vadé, Lettres de la Grenouillère entre M. Jérôme Dubois pêcheux du Gros-Caillou et Mlle Nanette Dubut blanchisseuse de linge fin, dans Lettres portugaises, Lettres d’une Péruvienne et autres romans d’amour par lettres, Paris, GF-Flammarion, coll. «GF», 379, 1983, 403 p., p. 365-396. Textes établis, présentés et annotés par Bernard Bray et Isabelle Landy-Houillon.

So long for now

The Vinyl Cafe, tuque, 2017

«It’s my story

On entend parfois des Québécois francophones se demander s’il existe bel et bien une culture canadienne-anglaise, distincte de la culture états-unienne. La réponse, évidemment, est simple : oui, en littérature, en cinéma, en musique (populaire et classique), en peinture — et en radio.

Prenez Stuart McLean. Pendant plus de vingt ans, il a animé une émission à la radio anglaise de Radio-Canada, la CBC, longtemps intitulée The Vinyl Cafe, puis tout récemment Vinyl Cafe Stories. Certains épisodes étaient enregistrés en studio, d’autres devant public, avec accompagnement musical. (McLean avait aussi collaboré à nombre d’autres émissions avant d’avoir la sienne.)

Stuart McLean est mort hier, à 68 ans.

Chaque auditeur avait — et continuera d’avoir — ses rubriques préférées («The Vinyl Cafe Story Exchange», «The Arthur Awards») et ses contes favoris (McLean était un fabuleux conteur). Le plus connu de ces contes est sans contredit «Dave Cooks the Turkey» (Dave est son personnage fétiche, autour duquel était construit l’univers de l’émission), mais l’Oreille tendue a un faible pour plusieurs des autres : «The Fly» (sur l’hypochondrie de Dave), «The Waterslide» (sur son voisin Eugene), «No Tax on Trufles» (sur les découvertes culinaires de son fils, Sam), «Wally the Janitor» (sur le concierge de l’école de Sam et de son ami Murphy), «The Canoe Trip» (sur un voyage avec sa femme Morley), «Tree Planting» (sur un travail d’été de leur fille Stephanie), «Dave Makes Snow» (sur les conséquences d’une idée originale de Dave sur sa voisine, la trop parfaite mary Turlington), «Polly Anderson’s Chrismas Party» (sur une autre de ses voisines, elle aussi adepte de la perfection).

L’Oreille tendue a eu l’occasion de voir McLean en spectacle à quelques reprises. Elle se souvient. Des moulinets qu’il faisait avec ses longs bras et ses longues jambes. De sa façon de s’asseoir pendant qu’il laissait la place à ses invités musicaux et à ses musiciens réguliers. Des consignes qu’il donnait au public : s’il fallait arrêter un conte, puis le recommencer pour corriger une erreur dans le texte ou un problème technique, le public devait absolument faire comme s’il ne connaissait pas déjà l’histoire; il ne pouvait pas rire avant la chute, qu’il venait pourtant d’entendre; il fallait jouer à ne pas savoir, avec lui, pour lui. De son insistance à faire chanter le public, notamment durant ses concerts de Noël, surtout le tout dernier de sa tournée annuelle, qu’il donnait souvent à Montréal, la ville où il était né. De sa volonté de parler français, voire de chanter dans cette langue (du Gilles Vigneault, au moins une fois), alors qu’il ne la parlait pas très bien. De ses formules finales : «So long for now», «Go back to your family».

Qu’y avait-il de particulièrement canadien dans l’œuvre de McLean ? Au moins deux choses. D’une part, un ancrage thématique : ce que McLean racontait, c’était le Canada, l’anglophone comme le francophone (voir le conte «The Wrong Cottage»). Lui qui passait une partie de sa vie en tournée aimait commencer ses spectacles par raconter une histoire que lui inspirait le lieu où il se trouvait, d’un océan à l’autre. D’autre part, son empathie : Stuart McLean aimait les gens et leurs histoires. C’était évident en spectacle; ce l’était encore plus quand il téléphonait, de son studio torontois, à ses auditeurs. Il est un jour tombé sur un adolescent solitaire; ce n’est pas le genre de chose que l’on oublie.

Il restera de lui des recueils de ses textes, des cédéroms, des archives radiophoniques — et des souvenirs vivaces.

Stuart McLean vient de mourir. L’Oreille tendue est triste.

P.-S.—À lire : d’un de ses amis; de son équipe.

P.-P.-S.—Dans un de ses livres, Écrire au pape et au Père Noël, l’Oreille évoque très brièvement un des contes épistolaires de McLean. Elle en aurait eu bien d’autres à citer.

 

[Complément du 20 février 2017]

L’Oreille tendue est honorée que des extraits de son hommage à Stuart McLean aient été repris et traduits dans le texte «A final story exchange : Fans honour Stuart McLean. Canadians at home and abroad share their tributes to the late broadcaster and storyteller» de Scott Utting et Jessica Wong sur le site CBCNews. C’est ici.

 

[Complément du 16 janvier 2023]

Bonne nouvelle du jour : Backstage at the Vinyl Cafe, en balado, promet de faire revivre l’émission de l’intérieur. Ça commence le 20 janvier.