Bernard Maris (1946-2015)

«Je suis Charlie», Nasdaq, New York, janvier 2015

4 janvier 2015

Un collègue de l’Oreille tendue, Frédéric Bouchard, donne une entrevue à l’émission radiophonique les Années lumière de Radio-Canada (on peut l’entendre ici, à partir de la 59e minute). Il dit à Yannick Villedieu s’intéresser au statut des experts dans les sciences.

6 janvier 2015

Écoutant l’entrevue, l’Oreille signale à son collègue un texte qu’elle a publié en 2002 où elle aborde brièvement cette question. Elle y cite la Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles de Bernard Maris (1999). Pour celui-ci, les experts sont des «marchands de salades».

8 janvier 2015

Lisant la Vie habitable de Véronique Côté (2014), l’Oreille tombe sur cette citation de Capitalisme et pulsion de mort de Gilles Dostaler et Bernard Maris (2010) : «La technique appelle l’utilité, et l’utilité la laideur. […] La beauté ne fait pas partie du plan capitaliste. À l’inutile et à la beauté, il n’est pas nécessaire de donner d’explication, c’est pourquoi la technique et la loi rationnelle les ignorent» (cité p. 20).

7 janvier 2015

Bernard Maris fait partie des collaborateurs de Charlie hebdo assassinés en réunion de rédaction. Il reste la lecture de ses textes.

 

Références

Côté, Véronique, la Vie habitable. Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 06, 2014, 94 p. Ill.

Dostaler, Gilles et Bernard Maris, Capitalisme et pulsion de mort, Paris, Fayard, coll. «Pluriel», 2010 (édition révisée), 168 p.

Maris, Bernard, Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Paris, Albin Michel, coll. «Lettre ouverte», 1999, 190 p.

Melançon, Benoît, «Notice sur la précarité romanesque ou ANPE, ASSEDIC, CDD, CV, DDASS, HLM, IPSO, RATP, RMI, SDF, SMIC et autres TUC», dans Pascal Brissette, Paul Choinière, Guillaume Pinson et Maxime Prévost (édit.), Écritures hors-foyer. Actes du Ve Colloque des jeunes chercheurs en sociocritique et en analyse du discours et du colloque «Écritures hors-foyer : comment penser la littérature actuelle ?». 25 et 26 octobre 2001, Université de Montréal, Montréal, Université McGill, Chaire James McGill de langue et littérature françaises, coll. «Discours social / Social Discourse», nouvelle série / New Series, 7, 2002, p. 135-158. https://doi.org/1866/13815

Abécédaire I

26 lettres, Montréal, 2014, couverture

(L’Oreille tendue aime les abécédaires. Elle en a publié un sur la langue de puck, et son Bangkok en a presque été un. Dans les jours qui viennent, quelques notes sur des abécédaires lus récemment.)

«Le Québec de 2014 est vendu au plus offrant
et cette vente aux enchères comprend la langue.»
Olivier Choinière

26 lettres est un abécédaire collectif conçu et mené à terme par Olivier Choinière. C’est aussi le texte d’un spectacle théâtral monté à Montréal les 10 et 11 décembre 2014.

Au départ, des contraintes. Olivier Choinière choisit un mot et le confie à un auteur. Cet auteur doit rédiger un texte court (au maximum, trois minutes de lecture) et l’adresser à quelqu’un. Le texte est inclus dans l’ouvrage et lu sur scène. Le lendemain de la lecture publique, la lettre est expédiée à son destinataire. Quels mots ?

[…] je veux donc t’inviter à te pencher sur un mot qui a été vidé de son sens ou qui est en voie de l’être.

Soyons précis : un mot en perte de sens est sans doute un mot galvaudé, c’est-à-dire un mot altéré, gâché, pourri par un mauvais usage. Le sens se perd également quand un mot devient fourre-tout et que chacun y met ce qui lui plait. Cette année, je me suis attardé aux mots dont l’usage par le monde politique, médiatique, publicitaire, entrepreneurial et artistique participe à un véritable détournement du langage, rendant notre tâche à nous, auteurs, plutôt difficile. Comment écrire avec des mots qui ne veulent plus rien dire ? (p. 10)

Parmi les destinataires, il y a plusieurs personnalités publiques : des politiques (Gaétan Barrette, Yves Bolduc, deux fois, Philippe Couillard, David Heurtel, Denis Lebel, Colette Roy-Laroche, Stéphanie Vallée), des culturels (Simon Brault, Jean-Claude Germain, Lorraine Pintal, Michel Tremblay), un/e people (Mado Lamotte), un religieux (le dalaï-lama), un fonctionnaire (Michael Ferguson). Souvent, surtout dans les premiers textes, on écrit à sa famille : fille, mère, père, filleule, parents. Olivier Choinière aura du mal à rejoindre au moins trois des destinataires : Sarah Berthiaume écrit «à la première forme de vie extraterrestre disponible» (p. 94); David Paquet, «à une des clientes du spa Bota Bota» (p. 98); Jean-Frédéric Mercier, «à un pure laine» croisé dans le métro (p. 105-106), à qui il propose une belle réflexion sur l’identité. Jean-Claude Germain écrit une lettre sur le mot «Oui» et il en reçoit une («Zombie») de Sébastien David (qui pensait que son destinataire était mort !). On aimerait bien savoir si le dalaï-lama va répondre à Larry Tremblay («Québécois»).

Certains textes, difficiles à distinguer d’une lettre ouverte ou d’un éditorial, ont laissé l’Oreille tendue indifférente : sur Pierre Karl Péladeau («Intellectuel»), sur le transport du pétrole («Lucide», «Progrès»), contre la directrice du Théâtre du Nouveau-Monde («Radical»), sur la «Transparence».

D’autres, en revanche, sortent de la simple grogne. Des blessures intimes sont évoquées par Carole Fréchette («Beau», pour sa mère), Anne-Marie Olivier («Changement», pour son père), Justin Laramée («Débat», pour son père absent) et Rébecca Déraspe («Excellence», pour une psychiatre). Michel Marc Bouchard («Sens (gros bon)») est dur envers lui-même quand il évoque une rencontre avec le ministre conservateur Denis Lebel. C’est par l’humour que certains abordent le mot qu’on leur a imposé : Catherine Léger et «Féminisme», Fabien Cloutier et «Monde (le vrai)», Marie-Hélène Larose-Truchon et «Yoga (extrême)» («Je reste concentrée sur mon plein déni intérieur», p. 111). Il ne suffit pas de s’opposer au nouveau sens d’un mot; encore faut-il dramatiser sa transformation.

Dans 26 lettres, il est question de vie numérique («J’aime», Annick Lefebvre) et de vie culturelle («Humour», Jean-Michel Girouard; «What ?», Guillaume Corbeil, sur le théâtre). On parle très souvent de politique provinciale : on se souvient des grèves étudiantes de 2012 («Gauche (la)», Lise Vaillancourt) et, douloureusement, de l’élection du Parti libéral du Québec en 2014. On aborde cependant peu l’économie. Cela s’explique peut-être par l’actualité : écrivant en août et septembre 2014, les auteurs n’ont pas eu l’occasion de connaître à ce moment-là les débats sémantiques actuels sur la distinction entre rigueur et austérité. C’est au jour le jour que la langue évolue.

L’entreprise d’Olivier Choinière est à saluer. Parler de «viol de la langue» (p. 118) est peut-être un peu fort, mais il est vrai que les mots sont des choses précieuses dont il faut suivre l’évolution.

P.-S. — «Puis, un jour, tu m’as partagé une idée qui était chère à ton cœur […]», dit Stéphane Crête («Nouveau», p. 67). Me partager ? Non.

«le Québec demeure plus que jamais
une terre où il fait bon hésiter»
(Larry Tremblay)

 

Référence

Choinière, Olivier (édit.), 26 lettres. Abécédaire des mots en perte de sens, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 02, 2014, 125 p.

Citation épistolaire du jour

26 lettres, Montréal, 2014, couverture

«Peut-être trouveras-tu étrange de recevoir une lettre de ton père. Surtout que, lorsque tu seras en âge de la lire, il se sera écoulé quelques années.

Or, le décalage entre l’envoi et la réception de cette lettre me remplit de joie. Les mots, dans le temps, auront pris une autre densité. Le moment de la lecture viendra réanimer le moment de l’écriture, et fera exister un fil tendu entre deux temps hors du temps, par lequel celui que je suis aujourd’hui et celle que tu seras demain seront liés.»

Olivier Choinière, «Affaires (les vraies)», dans Olivier Choinière (édit.), 26 lettres. Abécédaire des mots en perte de sens, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 02, 2014, p. 14-17, p. 15.

La semaine dernière en lettres

L’Oreille tendue, il y a quelques années, a publié un petit texte sur la correspondance des sportifs. Elle a donc été sensible à une photo de Jean Béliveau (1931-2014) qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux le lendemain de sa mort. La photo date du début des années 1950 : on y voit le joueur de hockey répondre à son courrier, installé à sa table de cuisine.

Jean Béliveau, au début des années 1950, répondant à son courrier

 

Avant de s’intéresser au courrier des athlètes, l’Oreille a consacré un livre à l’écriture épistolaire au XVIIIe siècle. Son objet était la correspondance de Diderot, mais il lui arrivait aussi d’aborder celle de Voltaire. Elle ignorait pourtant ce que lui apprend le Devoir du 6-7 décembre (p. F3) : que l’auteur de la Pucelle avait écrit des lettres à la Môme Piaf. A-t-on conservé les réponses de celle-ci ?

Une correspondance Voltaire-Piaf ?

 

Jean Béliveau (1931-2014)

Jean Béliveau, au début des années 1950, répondant à son courrier

«Fier de sa taille élégante,
Ce brillant patineur nous enchante :
Il attire,
On l’admire,
On le suit :
Tout le monde applaudit»
(Joseph-Alexandre de Ségur, 1757-1805, «Le patineur»)

L’ancien joueur de hockey des Canadiens de Montréal Jean Béliveau vient de mourir.

L’Oreille tendue a souvent écrit sur lui, parfois longuement (en août 2011, «Le Gros Bill a 80 ans») parfois plus brièvement :

le 17 janvier 2012 sur ses lectures,

le 16 avril 2012 sur son coéquipier Émile «Butch» Bouchard,

le 1er avril 2013 sur un livre de Simon Grondin où il est question de lui,

le 13 mai 2013 sur les «feintes savantes du Gros Bill»,

le 28 octobre 2013 sur sa place dans les publicités des Canadiens de Montréal,

le 9 janvier 2014, sur Alex et les fantômes (2009), le court métrage d’animation d’Éric Warin, où l’on voit Béliveau,

le 3 mai 2014 sur une autre publicité, celle de Ford,

le 16 mai 2014 sur l’«élégance» de Jean Béliveau selon le poète Bernard Pozier,

le 3 juin 2014 sur Bill Ballantine, Bob Morane et le numéro 4,

le 13 juin 2014 sur Béliveau vu par Mordecai Richler.

 

[Complément du 4 décembre 2014]

Depuis hier, l’Oreille tendue a beaucoup parlé, dans les médias, de la représentation culturelle de Jean Béliveau.

À Marie-France Bazzo, à l’émission C’est pas trop tôt ! (radio de Radio-Canada)

À Jacques Beauchamp, à l’émission Pas de midi sans info (radio de Radio-Canada)

À Catherine Lachaussée, à l’émission Radio-Canada cet après-midi (radio de Radio-Canada)

À Michel Viens et Marie-José Turcotte, à une émission spéciale de la chaîne RDI (télévision)

À François Cormier, à l’émission Téléjournal Grand Montréal (télévision de Radio-Canada)

À Anne-Marie Dussault, à l’émission 24 heures en 60 minutes de la chaîne RDI (télévision)

À Gabriel Béland, du journal la Presse

Elle signe aussi un texte dans la Presse+ du jour.

La première image qu’elle évoque est visible ici.

 

[Complément du 5 décembre 2014]

À Maya Johnson, à l’émission CTV News (télévision)

À Stephen Brunt, du réseau Sportsnet (télévision)

 

[Complément du 7 décembre 2014]

À Martin Labrosse, à l’émission RDI Martin week-end de la chaîne RDI (télévision)

 

[Complément du 11 décembre 2014]

À Marc André Masson, à l’émission RDI Matin de la chaîne RDI (télévision)

À Michel C. Auger, à l’émission le 15-18 (radio de Radio-Canada)

 

[Complément du 15 décembre 2014]

Au cours des derniers jours, l’Oreille tendue a publié plusieurs nouveaux billets sur Jean Béliveau.

Sur Jean Béliveau et les fantômes du Forum

Sur l’importance des lieux communs dans le sport

Sur Jean Béliveau épistolier

Sur les chapelles ardentes de Maurice Richard et de Jean Béliveau

Sur les funérailles de Jean Béliveau et la poésie

 

[Complément du 31 août 2023]

Depuis…

Sur Jean Béliveau et Lionel Groulx

Sur Jean Béliveau et Guy Lafleur

Sur Jean Béliveau et ses patrons