Rire, puis plus

Samuel Cantin, Whitehorse, 2015, couverture

Henri Castagnette, le personnage principal de Whitehorse (2015), libraire à temps partiel, écrivain sans œuvre, velléitaire et fabulateur, vit avec une comédienne débutante, Laura. Quand elle obtient le premier rôle dans un film de Sylvain Pastrami, également intitulé Whitehorse, la jalousie d’Henri explose. Cela se terminera mal (pour l’instant : une deuxième partie est à paraître).

Avant cette fin violente, on aura eu l’occasion de rire dans une série de vignettes absurdes ou parodiques : métaphores routières (p. 30, p. 68), dialogue au Kafka (p. 34) ou au kale (p. 104), conversations embarrassées (p. 60-63), scène de couple avec poireau (p. 84-87), mondanités droguées (p. 133-134), propos sur l’art («Les biennales d’art, ça, c’est un bon concept ! Ça devrait s’appliquer à tout. Faites de l’art juste aux deux ans, gang […]», p. 170).

On aura aussi eu droit, en matière de sexualité et d’homosexualité, à nombre de représentations et de discours. Les mots ne sont pas moins crus que les images. Les langages du corps importent fort au narrateur.

La langue de ce roman graphique accueille généreusement la langue populaire, les mots en anglais et les jurons. En cette matière, il y en a pour tous les goûts, ce qui ne saurait déplaire à l’Oreille tendue : simonaque, fuck, crisse / crime, mon Dieu / My God, cheez whiz, câlisse / câline, maudine / maudit / mautadine, cibole, ostie / esti / sti, tabarnouche / tabarne / tabarnak (c’est le dernier mot du livre), etc.

Attendons la suite. On rira, ou pas ?

 

Référence

Cantin, Samuel, Whitehorse. Première partie, Montréal, Éditions Pow Pow, 2015, 211 p.

Ne dites pas. Disez

Ceci n’est pas un menu, la Presse+, 25 juin 2016

 

Pour l’Acéricultrice

Un menu ? Non : une proposition (la Presse+, 25 juin 2016).

Une pièce de théâtre ? Non : une proposition (le Devoir, 21-22 mai 2016, p. C7; le Devoir, 28 juillet 2016, p. B7).

Un spectacle de jazz ? Non : une proposition (le Devoir, 2-3 juillet 2016).

Une chorégraphie ? Non : une proposition (la Presse+, 26 juillet 2016).

Un film de fiction ? Non : une proposition (le Devoir, 2 septembre 2015; le Devoir, 23-24 juillet 2016, p. E4).

Un film documentaire ? Non : une proposition (le Devoir, 24 juillet 2016, p. E5).

Une œuvre d’art ? Non : une proposition (@Lesmatinsfcult; le Devoir, 17 juillet 2012).

Un spectacle de musique baroque ? Non : une proposition (le Devoir, 27 juin 2016).

Une entrée de blogue ? Non : une proposition.

Traduire le baseball

Qu’est-ce que tu penses de Ted Williams maintenant ?, 2015, couverture

Réglons trois choses.

Selon les experts, Ted Williams a été un des plus grands frappeurs de l’histoire du baseball. Tous les témoignages concordent : Williams faisait une obsession de l’art de frapper et il imposait cette obsession à tous ceux qui l’entouraient. «Car Ted ne relâchait jamais ses efforts, pas même sur un match, sur une présence au bâton, sur un seul lancer» (p. 66).

Selon lui-même, il était un grand pêcheur, sinon le plus grand : «Y a personne qui s’y connaît mieux en pêche que moi, ni sur terre ni au ciel» (p. 8).

Ted Williams était par ailleurs une personne particulièrement désagréable : narcissique, colérique, grossier, sonore. Il l’était du temps où il était joueur et il l’est resté jusqu’à sa mort en 2002.

Cette troisième dimension de Williams est particulièrement visible dans le reportage de Richard Ben Cramer, Qu’est-ce que tu penses de Ted Williams maintenant ? Paru en anglais en 1986 dans le magazine Esquire, il a été traduit par Ina Kang aux Éditions du sous-sol en 2015. Cramer y pose, non sans mal, des questions à Williams, en plus de présenter sa carrière.

Les amateurs de baseball du Québec auront évidemment des choses à dire de cette traduction. Ina Kang mêle des expressions parfaitement justes à d’autres qui le sont moins. Cela ne troublera probablement pas un lecteur (hexagonal) néophyte; mais un amateur (francophone) éclairé, si.

Certains choix lexicaux peuvent se discuter, mais ils sont cohérents. Ina Kang parle de batte, au féminin, là où un Québécois dirait bâton, voire, familièrement, bat, au masculin. (Logiquement, il y a donc batteur à côté de frappeur.) De même, il est question de base plutôt que de but (il y a cependant but sur balles et pas base sur balles) et de ligue majeure (au singulier). Au bâton, on risque de se faire retirer sur prises, là où on attendrait sur des prises. Avant le début de la saison, qu’y a-t-il ? Soit l’entraînement de printemps (p. 59), soit le camp d’entraînement. Là, des mauvaises balles; ici, des balles fausses.

Plusieurs termes ou expressions ont cours au Québec : zone de prises (mais on verrait plus souvent zone des prises), but sur balles, manche, retrait, gant, programme double, coup sûr, champ (intérieur, extérieur, droit, gauche, centre), présence au bâton, boîte du frappeur, moyenne au bâton, point produit, frapper x en y, erreur, triple bon pour z points, chandelle et flèche, balle courbe ou rapide, marbre et monticule, roulant, grand chelem, amorti, cage (des frappeurs), frappeur suppléant, appeler une prise, enclos des lanceurs, encaisser une prise, etc.

Ce qui cloche ? On ne parle habituellement pas — c’est comme ça — de «défenseur» (p. 9) pour désigner les joueurs en défensive. À quoi «attrapés de volée spectaculaires» (p. 29) peut-il correspondre ? Un double jeu est nécessairement défensif (p. 57).

On notera pour finir que home run (circuit) est donné en anglais, de même que Hall of Fame (Temple de la renommée), Rookie of the Year (recrue de l’année), World Series (Séries mondiales) et clubhouse (abri, vestiaire). Une formule comme «inside-the-park home run» (p. 63), qui mêle l’italique et le romain pour des mots venus de la même langue, (d)étonne.

Ce mélange complique inutilement la vie de l’amateur de sport.

P.-S. — La langue du baseball évolue sans cesse.

 

Référence

Cramer, Richard Ben, Qu’est-ce que tu penses de Ted Williams maintenant ?, Paris, Éditions du sous-sol, coll. «Desports», 2015, 92 p. Ill. Traduction d’Ina Kang. Édition originale : 1986.

Réunion festive soft

Dans un épisode antérieur, le 29 juin 2012, il a été question du verbe chiller et de l’épithète chill.

Il y a quelques jours, l’Oreille tendue a découvert le substantif masculin chilling. Exemple : Je vais à un chilling chez Makayla. Le chilling, selon l’échantillon sondé (n = 1), est une forme de rencontre, de réunion, de rassemblement. Ce n’est pas tout à fait un party.

En revanche, on ne se livrerait pas au chilling, comme on se livre à la danse ou au macramé. Ce n’est pas une pratique. On n’est donc pas un adepte du chilling.

Yapadkoi.