Accord avec la bière

Coups de feu au Forum et Donnacona, couvertures, collage

Soit les deux phrases suivantes :

«Sur ces nouvelles directives, Brazeau congédia ses deux subalternes. Après une semaine d’escapade, il avait négligé ses affaires courantes. Avec un peu plus de perspicacité, Asselin aurait pu remarquer que la panse du policier marquait un arrondi encore plus prononcé qu’à l’ordinaire. Une semaine entière de pêche avec deux vieux amis, à s’empiffrer de poisson et de bière “tablette”, avait laissé des traces qu’un œil exercé pouvait aisément discerner» (Coups de feu au Forum, p. 163).

«Le soir, c’était un repaire pour les âmes esseulées venues s’oublier dans des grosses Molson ou des Laurentides tablettes» (Donnacona, p. 41).

Servie à la température ambiante, la bière, au Québec, est dite tablette. Dans le premier cas, des guillemets prophylactiques encadrent ce mot venu de la langue populaire. Dans le second, l’accord se fait en nombre; ça se discute.

P.-S.—Souvenez-vous : nous avons déjà croisé ce genre de bière dans un autre contexte.

 

[Complément du 22 avril 2018]

Il n’y a pas que la bière à pouvoir être tablette si l’on en croit les poètes Véronique Bachand et Mathieu Renaud :

Une amitié sans village
cherche épaule à pleurer
son humeur tablette
le dos courbé
en forme de vertu (p. 27).

 

Références

Bachand, Véronique et Mathieu Renaud, Décembre brule et Natashquan attend. Poèmes à quatre mains, Montréal, Del Busso éditeur, 2017, 72 p.

Brisebois, Robert W., Coups de feu au Forum, Montréal, Hurtubise, 2015, 244 p.

Plamondon, Éric, Donnacona. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 116, 2017, 118 p.

Les cinq livres québécois de 2017…

…que ne lira pas l’Oreille tendue.

https://twitter.com/mat_johnson/status/945370237259649024

Le livre de cuisine (et les autres œuvres) de Kim Thúy (Ru, c’est bien assez.)

Le roman de David Goudreault qui a suivi la Bête à sa mère (et l’autre après) (Le premier volume de la trilogie, c’est assez.)

Le Poids de la neige de Christian Guay-Poliquin (À cause de / grâce à Luc Jodoin)

Le Nouveau Régime. Essais sur les enjeux démocratiques actuels de Mathieu Bock-Côté (L’Oreille essaie d’éviter, dans la mesure du possible, l’excès de vitamines.)

Et — cela va sans dire — En as-tu vraiment besoin ? de Pierre-Yves McSween.

Source de l’illustration : Twitter

L’oreille tendue de… Clément Laberge

Olympia Yvan-Cournoyer (Drummondville, Québec), 2008

«Rappeler l’importance des faits ne sera pas suffisant. Il va falloir que nous apprenions à éviter les discours inutilement moralisateurs, à sortir de nos zones de confort, à recommencer à se rendre là où on ne nous attend plus, à écouter ceux à qui on avait peut-être cessé de tendre l’oreille. Il va falloir descendre des tribunes, aller faire un tour dans le trafic, prendre le temps de jouer aux cartes, de tricoter, de prendre une bière ou de manger un roteux à l’entrée des arénas.»

Clément Laberge, «Désamorcer le populisme en quatre étapes faciles (ou pas !)», blogue Jeux de mots et d’images, 24 janvier 2017.

Illustration : Olympia Yvan-Cournoyer (Drummondville, Québec), 2008, photo de CARS975 déposée sur Wikimedia Commons

Divergences transatlantiques 052

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

Il peut se passer toutes sortes de choses sous la table.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2014), se mettre les pieds sous la table signifie se laisser servir.

Pour le site ABC de la langue française, qui passe sous la table est réputé perdre sans marquer un seul point.

Chez Forum ados, on évoque plutôt les caresses buccales.

Aucun de ces sens ne paraît être d’un usage courant au Québec.

En revanche, il y est banal de dire d’une personne, voire d’une personne humaine, qu’elle est passée sous la table pour indiquer qu’elle a loupé un repas, soit parce qu’elle en a été privée, soit parce qu’elle est arrivée trop tard pour y avoir droit.

Exemple, tiré de l’excellent la Dévoration des fées de Catherine Lalonde (2017) : «Arrivent à la course, sinon mangeront froid leur noire avoine et le ragoût de chien d’été. Ou passeront en dessous de la table, c’est ça qui est ça, icitte» (p. 51).

 

Référence

Lalonde, Catherine, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p.