Accouplements 216

Anonyme, Pot à moutarde et bock, Japon, circa 1690-circa 1730

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

«L’inquiétude et la mélancolie sont des condiments à l’écriture» (Jean-Philippe Toussaint, France Inter, 26 octobre 2023).

«La morale est la sauce de l’ame» (Jean-Jacques Rutlidge, le Bureau d’esprit, Londres, 1777, seconde édition, revue, corrigée, et augmentée, 144 p., p. 13).

 

P.-S.—Oui, ce Rutlidge-là.

 

Illustration : Anonyme, Pot à moutarde et bock, Japon, circa 1690-circa 1730, Rijksmuseum, Amsterdam

Accouplements 206

Le restaurant Madame Bovary, à Boucherville, présenté dans la Presse+ en 2017

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans la Presse+ du jour, Dominic Tardif rend compte du premier roman d’Étienne Tremblay, le Plein d’ordinaire (Montréal, Les Herbes rouges, 2023, 320 p.), et interviewe son auteur.

À un moment, ils causent Flaubert :

Inspiré par l’aversion pour la métaphore d’un Paul Léautaud — «J’apprécie les belles images, mais je n’ai pas beaucoup de patience pour la fumisterie des artifices inutiles» —, Étienne Tremblay dit aussi avoir été marqué par l’absence de jugement avec laquelle Flaubert considère ses personnages. Votre journaliste lui souligne que son flemmard de narrateur a beaucoup en commun avec une certaine Emma Bovary, qui ne parvenait à pleinement exister que par l’entremise de sa riche imagination.

«C’est vrai qu’il y a un certain bovarysme bouchervillois chez Mathieu», acquiesce le jeune auteur en riant, fort probablement la première fois de l’histoire de l’humanité que ces deux mots furent prononcés dans la même phrase.

L’association des mots bovarysme et bouchervillois n’irait donc pas de soi. Ça se discute.

En effet, dans la même Presse+, le 24 juin 2017, une chronique gastronomique s’intitule «Flaubert à Boucherville». Elle porte sur le restaurant Madame Bovary.

Méditons sur ces liens plus fréquents qu’on ne le pense.

P.-S.—Tardif offre une belle diaphore à ses lecteurs : «Mathieu vend de l’essence et s’éloigne peu à peu de la sienne.»

In memoriam : Bernard Beugnot (1932-2023)

Photo de Bernard Beugnot jeune

Il a été un grand dix-septiémiste, qui a influencé nombre de parcours; en témoignent les deux volumes d’hommages qui lui ont été offerts, le premier en 1999, le deuxième en 2013. On lui doit notamment des travaux fondateurs sur la retraite à l’âge classique.

Spécialiste d’histoire de la littérature, de génétique littéraire et d’édition critique, il a édité aussi bien Guez de Balzac que Hubert Aquin, Francis Ponge et Jean Anouilh.

L’automne dernier, à 90 ans, il publiait un court essai, «À l’écoute du singulier : paysages littéraires, paysages intérieurs», dédié «À [ses] anciens étudiants», dans lequel il livrait sa conception de la littérature.

Faire l’apologie de la littérature, sans ignorer qu’elle a aussi servi de mauvais maîtres, c’est revendiquer la liberté de penser, d’écrire, de parler, la possibilité de parcourir et de découvrir le monde dans l’espace d’une chambre, de refuser la pensée unique, la mode, la brièveté à la place de la méditation, la dévoration du temps à la place de sa dégustation. C’est aussi affirmer que le legs du futur s’accumule sur le legs du passé (p. 176).

Il a été le premier à engager l’Oreille tendue à ce qui s’appelait encore le Département d’études françaises de l’Université de Montréal.

Il a présidé son jury de thèse, en 1991, sur la correspondance de Diderot, car il a beaucoup écrit sur la pratique de la lettre.

Bernard Beugnot est mort au début de cette semaine.

Après Gilles Marcotte, Laurent Mailhot, Réal Ouellet et Jacques Brault, c’est un autre défenseur essentiel des études littéraires québécoises qui n’est plus.

 

P.-S.—Sur le site Fabula, Patrick Dandrey publie un «Hommage à Bernard Beugnot».

P.-P.-S.—Au cours des années 1980, Bernard Beugnot a remporté — si la mémoire de l’Oreille est bonne — le troisième prix du magazine culinaire Sel & poivre pour son coulis de framboises. Ses étudiants de l’époque avaient été un brin étonnés.

 

[Complément du 13 mars 2023]

La Société des lecteurs de Francis Ponge a rendu hommage à Bernard Beugnot .

 

[Complément du 27 juin 2023]

Pour l’Association des professeures et professeurs retraités de l’Université de Montréal, l’Oreille tendue a aussi rédigé ceci (PDF).

 

[Complément du 11 juillet 2023]

Des amis à lui ont mis à jour le site de Bernard Beugnot. On y trouvera plusieurs autres hommages.

 

Références

Beugnot, Bernard, «À l’écoute du singulier : paysages littéraires, paysages intérieurs», dans Pascal Bastien (édit.), Notre première modernité. Éloge des humanités en onze parcours, Montréal, Leméac, coll. «Domaine histoire», 2022, p. 171-185.

Martel, Jacinthe et Robert Melançon (édit.), Inventaire, lecture, invention. Mélanges de critique et d’histoire littéraires offerts à Bernard Beugnot, Montréal, Université de Montréal, Département d’études françaises, coll. «Paragraphes», 18, 1999, 447 p. Ill.

Van der Schueren, Éric et Matthieu Fortin (édit.), De la permanence. Études offertes à Bernard Beugnot pour son quatre-vingtième anniversaire, Paris, Hermann, «Collections de la République des lettres», 2013, 260 p.

Fil de presse 041

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Des publications sur la langue ? À votre service.

Abbiateci, Jean et Loris Grillet, le Dico des mots extraordinaires, Publier, Bulletin, 2022, 132 p.

Abbou, Julie, Tenir sa langue. Le langage, lieu de lutte féministe, Paris, Éditions Les Pérégrines, coll. «Genre !», 2022, 280 p.

Berthomieu, Gérard, Florence Leca-Mercier et Françoise Rullier-Theuret (édit.), Jean Échenoz : la fiction, la langue, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 69, 2022, 370 p.

Biasoni, Sami (édit.), Malaise dans la langue française, Paris, Cerf, 2022, 264 p. Préface d’Annie Genevard.

Blanchet, Philippe, A la descuberto dóu prouvençau, lengo óuriginalo, lengo amenaçado. À la découverte du provençal, langue originale, langue menacée, Cheval-blanc, Éditions de l’Observatoire de la langue et de la culture provençales, 2022, 95 p.

Canut, Cécile, Langue, Paris, Anamosa, coll. «Le mot est faible», 2021, 96 p.

Cassin, Barbara, Ce que peuvent les mots, Paris, Bouquins, «La collection», 2022, 1056 p.

Collège de ’Pataphysique, les 101 Mots de la Pataphysique, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 4039, 2022, 128 p.

Costa, Albert, le Cerveau bilingue. Et ce qu’il nous dit de la science du langage, Paris, Odile Jacob, 2022, 216 p.

Crépon, Marc, l’Héritage des langues. Séminaire 2020-2021, Paris, Fayard, coll. «Ouvertures», 2022, 320 p.

Crevoisier, Michaël et Aurélien Galateau (édit.), Langage et Idéologie. Penser le devenir de la langue avec Klemperer, Nice, Éditions Unes, 2022, 184 p.

Denisot, Michel, Médéric Gasquet-Cyrus et Arnaud Richard, En plein dans la lucarne ! 200 expressions, mots et anecdotes de légende sur le foot, Paris, Le Robert, 2022.

Dorey, Alicia, Louise Pierga et Marcelle Ratafia, Parlons VIN parlons BIEN !, Paris, Le Robert, 2022.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Le compte rendu de l’Oreille tendue se trouve ici.

Les Expressions françaises expliquées aux enfants, Niort, Les éditions Bonhomme de chemin, 2022, 96 p.

Feltin-Palas, Michel, Sauvons les langues régionales !, Paris, Éditions Héliopoles, 2022, 192 p.

Gaudin, François (édit.), Charles de Foucauld. Lexicographe et missionnaire, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2022, 178 p.

Itinéraires. Littérature textes cultures, 3, 2021. Dossier «Race et discours 2 : Représentations et formes langagières», sous la direction de Marie-Anne Paveau.

Jaillard, Pierre (édit.), les Noms de lieux, un patrimoine en mouvement, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica — Mots et dictionnaires», 40, 2022, 234 p.

Lacroix, Jacques, les Irréductibles Mots gaulois, Chamalières, Lemme edit, 2022 (deuxième édition revue et corrigée), 180 p. Préface de Michael Edwards.

Lefebvre, Julie, la Note de bas de page dans les imprimés contemporains, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Recherches linguistiques et textuelles», 2022, 280 p.

Linguistique de l’écrit, 2, 2021. Dossier «Écrits préparants, paroles préparées», sous la direction de Rudolf Mahrer. ISSN : 2515-3102.

Loriga, Sabina et Jacques Revel, Une histoire inquiète. Les historiens et le tournant linguistique, Paris, ÉHÉSS, Gallimard et Seuil, coll. «Hautes études», 2022, 392 p.

Montpetit, Caroline, Bonjour ! Kwe ! À la rencontre des langues autochtones du Québec, Montréal, Boréal, 2022, 112 p.

Morgentaler, Simone, Nos gros mots, Ùnseri Schìmpfwerter, Bernardswiller, I.D. l’Édition, 2022, 208 p. Illustration de Lucille Uhlrich.

Neveux, Julie, le Langage de l’amour. De la rencontre à la rupture, comment les mots révèlent nos sentiments, Paris, Grasset, 2022, 416 p.

Nocus, Isabelle, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Psychologie(s)», 2022, 238 p. Préface d’Agnès Florin.

Pruvost, Jean, Marcel Proust, «psychologue original» dans les dictionnaires (1920-1960), Paris, Honoré Champion, coll. «Champion essais», 59, 2022, 200 p. Préface de Thierry Laget.

Rey, Alain (édit.), Dictionnaire historique de la langue française. L’édition ultime, Paris, Dictionnaires le Robert, 2022, 2 vol. Édition originale : 1992.

Soutet, Olivier, le Sens sous tension. Psychomécanique et sémantique grammaticale, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 70, 2022, 326 p.

Swamy, Vinay et Louisa Mackenzie (édit.), Devenir non-binaire en français contemporain, Paris, Éditions Le Manuscrit, coll. «Genre(s) et création», 2022, 288 p.

Vandevelde-Rougale, Agnès, Mots & illusions : quand la langue du management nous gouverne, Paris, 10-18, coll. «Amorce», 2022, 112 p.

Walter, Henriette, Deux mille mots pour dire le monde, Paris, Bouquins, coll. «Essai», 2022, 384 p. Préface de Hector Obalk.

Glanes péritouristiques

«Ah, les régions.»
Christophe Bernard, la Bête creuse

 

L’Oreille tendue revient. Pendant son absence, elle a pris des notes.

C’est la saison des festivals ? Désolé, l’Oreille ne croit ni à la communion individuelle ni à la communion collective.

Vacances au Québec en PPP : Pas de Problème de Passeport.

Marcel semble avoir pris le relais de Mario.

Marcel à marde, camion, Saint-Côme, juillet 2022

Signalétique régionale 1 (forme du verbe) : s’agissant du verbe fitter, l’Oreille aurait écrit «fitte» plutôt que «fit».

Affichage, Canadian Tire, Joliette, juillet 2022

Signalétique régionale 2 (accord de l’adjectif) : «privé» du féminin ?

Signalétique, Saint-Côme, juillet 2022

Bien que dans Lanaudière, l’Oreille s’est sentie, à un moment, comme dans le Dégelis de l’excellent film Arsenault & fils de Rafaël Ouellet.

Animal en liberté, Saint-Côme, juillet 2022

La guichetière (vingtenaire ? trentenaire ?) aux randonneurs sexagénaires : «Pour aller aux chutes, ça me prend sept-huit minutes. Ça vous en prendra une quinzaine.» Ils en mirent sept, pas une de plus.

Entendu en randonnée pédestre (un autre jour) : «J’ai beaucoup étudié la littérature belge. C’est ça qui m’a endurci.» Durant la même randonnée : Elle : «Fais-toi désirer.» Lui : «Personne ne me désire, moi.»

Signalétique régionale 3 (accord du verbe avec le sujet) : «ont» ?

Signalétique, Parc Régional des Chutes-Monte-à-Peine-et-des-Dalles, juillet 2022

Patate au carré, voire métapatate.

La Patate à patate, Saint-Côme, juillet 2022

Signalétique régionale 4 : quelque chose s’en vient — mais quoi ?

Signalétique, panneau vide, Saint-Côme, juillet 2022

L’Oreille a passé beaucoup (trop) de temps sur la route récemment. Elle a (donc) pensé beaucoup (trop) aux Cracker Jacks.

Un cycliste québécois remporte une étape du Tour de France. Sa PQ ? «Le petit gars de Saint-Perpétue.»

Nous ne l’avons pas vu. Si nous l’avions vu, comment l’aurions-nous appelé ?

Signalétique, parc du Mont-Tremblant, juillet 2022

On dit qu’un pape est venu au Québec en juillet. C’est aussi rare que…

Signalétique régionale 5 : les «guillemets» sont, «parfois», une «source» d’«étonnement».

Signalétique, Saint-Côme, juillet 2022

Signalétique régionale 6 : quelqu’un l’a mal été.

Annonce de poste, Sainte-Julienne, août 2022

Tout ce temps, sans le savoir, dans une capitale !

Signalétique, Saint-Côme, «Capitale québécoise de la chanson traditionnelle», juillet 2022

 

 

Référence

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.