Le travail, y a que ça de vrai

Le sujet peut être animé : qui fait la job (toujours au féminin, toujours à prononcer djobbe) fait son travail.

«J’ai fait la djobbe» (une collègue de l’Oreille tendue le jour de la Saint-Valentin).

«RT @cgenin : @fbon j’espère que tu signales à tes étudiants qu’il y a un beau site sur Claude Simon http://associationclaudesimon.org/ | on fait la job !» (@fbon)

Peut-être sous l’influence de l’anglais («that will do the job»), l’expression s’emploie également avec un sujet inanimé.

Une poutine, ça fait la djobbe.

Dans un cas comme dans l’autre, la satisfaction est palpable. Voilà qui est fait ! Reste à espérer que ce soit bien fait.

 

[Complément du 2 mars 2014]

Le romancier François Blais donne une entrevue au Devoir : «Mark Twain, c’est un cas : tous ses romans et récits se résument à une superposition d’épisodes; il ignore même le concept d’arc dramatique, ça fait la job pareil» (1er-2 mars 2014, p. F3).

Cause d’écœurement

L’Oreille tendue a eu l’occasion de le dire : écœurant, au Québec, peut être connoté aussi bien positivement que négativement.

Il n’en va pas de même de l’écœurantite : personne ne lui trouve de qualité.

C’est aussi vrai de ce qui est malaucœurant.

«odeur de soupe à l’oignon alléchante dans la ruelle #généreux vs odeur malaucœurante de frites trop grasses sur #saintDenis #dérive» (@victoriawelby).

Ce qui est malaucœurant n’est jamais écœurant; c’est toujours écœurant.

 

[Complément du 5 mars 2024]

Dans un registre semblable, Michel Lacroix écrit «malocœureux» (Cécile et Marx, p. 133).

 

Référence

Lacroix, Michel, Cécile et Marx. Héritages de liens et de luttes, Montréal, Varia, coll. «Proses de combat», 2024, 239 p.

Quelques clichés pour bien commencer la semaine

La famille des clichés est large et accueillante. Elle apprécie particulièrement les associations obligatoires de mots. Des exemples ?

Vous tombez ? C’est toujours lourdement.

Le citoyen est toujours simple. (Merci à @david_turgeon.)

Au hockey, le bombardement est toujours en règle.

Pourquoi l’indifférence est-elle toujours la plus grande ? (Merci à @machinaecrire.)

Le cynisme est toujours aussi ambiant que la vérité est criante. (Merci à @revi_redac pour ceci et pour cela.)

Le cliché donne toujours une vue imprenable sur l’humanité (toujours profonde).

 

[Complément du 10 janvier 2014]

Aux jeux Olympiques, la médaille — quelle qu’en soit la matière (or, argent, bronze) — doit toujours être raflée. (Merci à @iericksen.)

La solidarité vient toujours par vague ou par élan. Y compris aux Olympiques.

 

[Complément du 21 février 2014]

Le rire est toujours rabelaisien.

 

[Complément du 18 juin 2018]

Sur Twitter, grosse récolte du jour, à la suite du premier tweet ci-dessous.

Chez @LeMonde_correct : «Avez-vous remarqué que, dans la presse, les rapports sont toujours “accablants”, les pluies, “diluviennes” et le déficit, “abyssal” ?»

Chez @lheureuxdaniel : la «découverte» est «macabre». Et encore : «Que dire du crime “morbide”, du froid “sibérien”, de la chaleur “torride” et du thé “brûlant” ?»

Chez @kick1972 : la faune est «bigarrée» et le rapport «dévastateur». Ensuite : «Et des arrêts spectaculaires !»

Chez @alexandrepratt : «budget électoraliste» et «dernier tabou».

Chez @hugodumas : «Le “concept” d’une émission est “déjanté”.» Puis : «ambiance “festive”».

Chez @emilieperreault : «Les flammes d’une “rare intensité”.»

Chez @geff25 : «victoires convaincantes» et «défaites amères».

Chez @R0576 : «Ou le classique : une “violente agression”. Car, c’est bien connu, certaines agressions se font avec une douceur remarquable.»

Ce sera tout pour aujourd’hui.

P.-S.—Souvenons-nous aussi, attendris, du «frêle esquif».

Recette (approximative) pour le temps des Fêtes

William Messier, Dixie, 2013, couverture

«Au bout de quelques heures à arpenter le Dutch sans succès, Hervé Monette et Euchariste ont la merveilleuse idée de joindre l’utile à l’agréable et de se mettre en boisson. Hank sort alors de son pick-up un vieux gallon de vinaigre blanc contenant un liquide qui s’évapore quand on se le verse sur la main. Un moonshine que le père Huot dédaigne parce qu’il sent trop le gaz à briquet pour être potable. Ils se placent en ligne en tenant des flasques métalliques, des vieux bidons d’huile à moteur plus ou moins nettoyés, des tasses à café ornées de gravures des chutes du Niagara ou encore des bouteilles de Coke en vitre — parce que celles qui sont en plastique risquent de fondre au seul contact du liquide — et il faut que Hank fasse passer sa mixture dans un tamis pour y recueillir les branches d’épinette, les pétales de fleurs, les boulons, les sous noirs et autres piles neuf volts qui donnent au breuvage sa saveur unique» (p. 54).

P.-S. — Pour une recette plus détaillée, en dix points, de cet alcool maison (moonshine), on consultera avec grand profit les p. 84-87.

 

[Complément du 13 novembre 2019]

Les personnages du roman Cercles de feu, de Thierry Dimanche (2019, p. 399), ont leur propre recette (saguenéenne) :

— Moonshine des monts Valin. Au moins soixante-douze pour cent d’alcool. Distillé avec le maïs familial et d’autres ingrédients secrets.

— On peut pas tout révéler, est intervenu Réjean avec un sourire de loup-garou. Ça fait des années que nos voisins essayent de deviner. Blé d’Inde, dattes, compost…

— Acide à batterie, shiitake, habanero, a continué Roger.

En bouche : Pine-Sol, réglisse, fruits secs, «décapant au clou de girogle».

À votre santé.

 

Références

Dimanche, Thierry, Cercles de feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 138, 2019, 438 p.

William S. Messier, Dixie. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2013, 157 p. Ill.

Y toucher ou pas

Pour la chroniqueuse gastronomique de la Presse

Dans notre Dictionnaire québécois instantané de 2004, respecter avait droit à deux définitions (p. 193).

1. Ne pas faire ça. Céline, ce soir, je vais te respecter.

(Faire ça ? «Forniquer», p. 87.)

2. Laisser quelqu’un croupir dans son cheminement. Je respecte ta décision.

Il faut aujourd’hui en ajouter une nouvelle.

3. Se soumettre au bon vouloir d’un aliment. Un vrai chef sait respecter son produit.

P.-S. — La nécessité impérieuse de cette troisième définition est venue à l’Oreille tendue à la lecture d’un tweet de @reneaudet. Merci.

 

[Complément du 5 décembre 2013]

Sur Twitter, @nicolasdickner écrit : «Ah oui, mais il faut “respecter *le* produit”, pas “respecter son produit”. L’article est capital.» Juste.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture