Il ne manquait que lui

François Bon, l’Incendie du Hilton, 2009, couverture

En 2004, l’Oreille tendue signait un Dictionnaire québécois instantané avec son collègue Pierre Popovic.

S’agissant de la langue médiatique, elle avait dû se pencher sur un des mots les plus à la mode au Québec : salon.

Variante toujours commerciale et souvent non estivale des audiences, du carrefour, du chantier, du comité, de la commission, de la consultation, des états généraux, du forum, du groupe-conseil, du groupe de discussion, du groupe de travail, de la rencontre, du sommet, de la table d’aménagement, de la table de concertation, de la table de convergence, de la table de prévention, de la table de suivi et de la table ronde. «Les salons et foires se portent bien au Québec» (la Presse, 5 décembre 2001). Agroalimentaire du Suroît, de l’aménagement extérieur, de l’emploi-formation, de l’épargne, de l’érotisme, de la féminité, de la maternité et de la paternité, de l’automobile, des aînés de Montréal, des métiers d’art du Québec, des organisateurs d’événements, Domicilia, du livre anarchiste, du printemps des artistes des Cantons-de-l’Est, Informatique / Affaires de Québec, international de l’ésotérisme de Montréal, Marions-nous, national de l’habitation, Pepsi-Jeunesse. Voir coalition, concertation, consensus, festival, partenaires sociaux et suivi.

La liste s’est allongée depuis : des tendances ameublement, des vins et spiritueux de Montréal, de la passion médiévale.

Dans l’Incendie du Hilton (2009, p. 181-182), François Bon recensait, pour la seule place Bonaventure de Montréal, douze salons, dont celui du livre.

Il ne manquait, au Québec, qu’un événement de ce type. Ce sera incessamment réglé : «Le Salon Plan Nord débute ce week-end» (le Devoir, 16 avril 2012, p. A4). Si le Plan Nord promu par le gouvernement provincial de Jean Charest est bel et bien la panacée promise, la moindre des choses est qu’il ait, lui aussi, son salon. Sinon, on aurait dû s’inquiéter.

P.-S. — Aucune des listes qu’on vient de lire n’est bien sûr exhaustive.

 

Références

Bon, François, l’Incendie du Hilton. Roman, Paris, Albin Michel, 2009, 182 p.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Ricardo au Dollarama

Nicolas Dickner, le Romancier portatif, 2011, couverture

À compter du 26 avril, Ricardo, l’homme privé de patronyme, animera, à la télévision de Radio-Canada, une nouvelle émission, le Fermier urbain. Le voilà donc «gentleman-farmer urbain» (la Presse, 18 avril 2012, cahier Arts, p. 3).

Urbain ?

Lisons Nicolas Dickner : «Pourtant, le concept même de “valeur” est volatil. Prenez le mot “urbain”, un terme bien coté depuis trois ou quatre ans. D’abord avant-gardiste, il est vite devenu commun, avant de tomber dans l’utilisation à outrance, puis dans l’impropriété excessive. En ce moment, il se trouve quelque part dans le Dollarama du langage, à côté des napperons en bambou et des potiches pseudo-asiatiques» (éd. de 2011, p. 82).

Le décor de l’émission est déjà tout trouvé.

 

Référence

Dickner, Nicolas, «Vaut mieux rester calme», Voir, 19 mars 2008, repris dans le Romancier portatif. 52 chroniques à emporter, Québec, Alto, 2011, p. 81-84, p. 82.

Les zeugmes des lecteurs et du dimanche matin

L’Oreille tendue a de fidèles lecteurs, qui sont aussi amateurs de zeugmes. Par Twitter, ils lui font des suggestions. Merci à…

@MlleAinee : «“Où ils sont accueillis avec l’enthousiasme et le banquet habituels” #AsterixCleopatre.»

@fbon : «“ça c’est très important”, dit le type de dos et de loin dans le brouhaha du café wifi.»

@desrosiers_j : «“il venait juste de se dépêcher de rentrer dans son manteau de cuir et en taxi”. Limonov J raté.»

@beloamig_ : «“À défaut du coupable, j’ai déjà arrêté certaines dispositions” (San-A.).»

@PimpetteDunoyer : «“Il faisait sa sauce avec beaucoup d’ail et une pointe d’inquiétude” R. Mosner, Papous http://t.co/yJDvaP1i»; «“Ses jouets sont engloutis, ses espoirs aussi” Faustine et le père Noël, I. Wilsdorf #ZeugmeDeNoel.»

…@ljodoin, sur Twitter et sur son blogue : «Il eut beau lui faire l’amour et des œufs au plat, elle le laissa pour approfondir la génétique et son mal d’être.»

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le plaisir, c’est dans la tête

Loco Locass, «Hymne à Québec», 2010, illustration

Soit, d’abord, les vers suivants, tirés d’une chanson de Loco Locass, «Hymne à Québec» (2010) :

Stadaconé, Kabak, Québec
Fortifiée depuis Frontenac
Assiégée, bombardée, détruite au mortier, mortifiée
Reconstruite, incendiée
Quatre mois par année dans les glaces prise et protégée
Pour l’historien ou le topographe
De pied en cap, Québec est toute sauf plate
Carnaval, festival, fête nationale
Hiver comme été les nuits sont malades mentales !

Soit, ensuite, ce tweet de @NieDesrochers :

Philippe Mollé a préparé de la pintade pour l’équipe. Mental. Je meurs ! #miam

Malade mental, ou simplement mental, donc, dans certains cas, au Québec, peut être un mélioratif. Qu’on se le dise.

P.-S. — Grammaticalement, il s’agit d’un cas compliqué : faut-il accorder malade mental en genre et en nombre, comme l’Oreille l’a fait (les nuits de Québec seraient «malades mentales») ? Ça se discute.