À tu et à vous et à toi et à vous et à tu

Jeudi soir dernier, dans un centre commercial de l’île de Montréal :

Carrefour Angrignon, 23 juillet 2009

Pourquoi ce passage du tu au vous dans la publicité ?

Si l’on était dans un roman épistolaire classique, on y verrait un effet d’insistance amoureuse, comme dans l’incipit de la lettre CXLVIII des Liaisons dangereuses de Laclos, quand le chevalier Danceny écrit à la marquise de Merteuil : «Ô vous, que j’aime ! ô toi, que j’adore ! ô vous, qui avez commencé mon bonheur ! ô toi, qui l’as comblé» (éd. de 1964, p. 333).

Dans une chanson, ce pourrait être un exercice de style, comme dans «Rendez-vous courtois» de Jérémie Kisling, sur l’album le Ours en 2006. Tous les vers y mêlent tutoiement et vouvoiement. Cela donne lieu à des phrases déjantées : «Allez viens vous asseoir, il faut pas que vous te barre / Sous mon toit, vous serez à ton aise / Donne-moi votre main, couchez-moi contre ton sein / Je t’avoue que je vous aime bien.»

Les intentions des propriétaires de la boutique de jeux électroniques EBGames sont un peu moins claires.

(L’absence de s à «usagé» fait désordre.)

 

Référence

Laclos, Pierre Choderlos de, les Liaisons dangereuses, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «G-F», 13, 1964, 379 p. Chronologie et préface par René Pomeau. Édition originale : 1782.

Citation islandaise du jour

Arnaldur Indridason, la Voix, 2007, couverture

«— Vous connaissez des gens avec qui il aurait eu des contacts en dehors de l’hôtel ?
— Je ne sais rien de cet homme et j’en ai vu plus de lui que ce que j’ai envie.
— Que ce dont j’ai envie, corrigea Erlendur.
— Hein ?
— Il faut dire : ce dont j’ai envie et pas ce que j’ai envie.
Elle le regarda comme s’il était malade.
— Et vous trouvez que ça a de l’importance ?
— Oui, répondit Erlendur.
Elle secoua la tête avec une expression rêveuse.
— Et vous n’avez pas non plus remarqué de visites ? demanda Erlendur afin d’aborder un autre sujet que l’usage grammatical. Il se présenta brusquement à son esprit un centre de rééducation où les infirmes grammaticaux déprimés déambulaient en uniforme et en pantoufles en confessant leur faute : je m’appelle Finnur et je dis “ce que j’ai envie”.»

Arnaldur Indridason, la Voix, Paris, Métailié, 2007, 329 p., p. 23-24. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2002.