Opérer une rupture ? Rompre.
Effectuer un déplacement ? Se déplacer.
Constituer un récit ? Raconter.
En venir à dire ? Dire.
Apparaître comme ? Être.
Accomplir un parcours ? Parcourir.
(Merci. Ça va mieux.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Opérer une rupture ? Rompre.
Effectuer un déplacement ? Se déplacer.
Constituer un récit ? Raconter.
En venir à dire ? Dire.
Apparaître comme ? Être.
Accomplir un parcours ? Parcourir.
(Merci. Ça va mieux.)
Non, non, non : ces bélugas sont morts.
Décéder : «Mourir* (personnes). Il est décédé depuis dix ans. […] Employé surtout dans l’Administration ou par euphémisme, au passé composé et au participe passé» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).
Répétons-le une fois encore (ce ne sera pas la dernière) : laissez-les mourir.
[Complément du 7 juin 2017]
Tout à l’heure, à la radio de Radio-Canada : «19 des 21 caribous sont décédés.» Les caribous sont des bélugas : ils ne décèdent pas; ils meurent.
[Complément du 19 juin 2017]
Les buses sont des bélugas : elles ne décèdent pas; elles meurent.
[Complément du 4 avril 2018]
Sur les ondes de la radio de Radio-Canada, le 6 août 2012 : le cheval d’Éric Lamaze est «décédé». Non : ce cheval est une buse.
Dans un cabinet de vétérinaire :
«Elle décédera en deux ou trois jours.»
Était-il question d’une chatte ? D’une chienne ? D’une femelle iguane ?
Non. L’experte parlait d’une mite.
La mite est un cheval.
[Complément du 2 février 2023]
Les marmottes sont des bélugas.
Jour de la marmotte: le célèbre rongeur de Val-d’Espoir, Fred, est décédé cette nuit. Il a été remplacé par un enfant, qui prédit que l’hiver continue https://t.co/KtHN2bsUE6
— Le Journal de Québec (@JdeQuebec) February 2, 2023
[Complément du 13 avril 2023]
Entendu à la radio le 6 avril : «Mon lilas est décédé.» Si les animaux ne peuvent pas décéder, les arbres encore moins !
Il y a quelques semaines paraissait à Montréal l’ouvrage intitulé le Code Québec. Les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde. On notera le nous du sous-titre, qui, malgré ce que semblent croire les auteurs, ne va pas du tout de soi (voir ici).
Ne faisons pas durer le suspense : les sept «traits identitaires» (p. 221) qui définiraient «la personnalité québécoise» (quatrième de couverture), «la psyché québécoise» (p. 87, p. 223) ou l’«âme des Québécois» (p. 9) tiendraient dans les mots heureux, consensuel, détaché, victime, villageois, créatif et fier.
Le choix de ces mots et les liaisons qui les unissent sont le fruit d’un travail dont il est répété à plusieurs reprises qu’il est «objectif et scientifique» (p. 237). Histoire d’arrêter leurs choix, les auteurs se seraient notamment appuyés sur une approche relevant de la «sémiométrie» ou de la «sémiologie» (les deux mots sont utilisés indistinctement, alors qu’ils ne renvoient pourtant pas à la même chose).
Le ton de l’ouvrage est nationaliste et triomphaliste, l’hyperbole (notamment autopublicitaire chez Jean-Marc Léger) règne, les lieux communs ne manquent pas, les jugements sont tranchants, particulièrement dans le septième chapitre, «Victime. La peur de l’échec» (en économie, les Québécois ne fonceraient pas assez), plus proche de l’éditorial que de l’analyse. C’est sur un plan différent que l’Oreille voudrait livrer quatre brèves remarques.
Il est difficile de s’affirmer scientifique et, dans le même temps, de parler de la «langue québécoise» (p. 39, p. 93) — cette chose n’existe pas —, pire : en appuyant sa démonstration sur les propos de Denise Bombardier (les auteurs ont un faible pour les commentateurs du Journal de Montréal). Cela n’est pas sérieux.
Ça ne va pas mieux quand il s’agit de comparer le Québec à la France ou aux États-Unis. Ce qui concerne le Québec est appuyé sur des données de toutes sortes; on sera d’accord ou pas, mais elles sont accessibles. Pour la France ou les États-Unis, rien de tel. On se contente d’impressions et de clichés. Sur quoi une phrase comme «Les gens de Québec sont tout simplement plus français que les Français eux-mêmes» (p. 156) peut-elle s’appuyer ? On ne le saura pas.
Le problème est le même quand Léger, Nantel et Duhamel ajoutent aux résultats de leurs enquêtes des bribes d’entretiens. On tombe alors dans des propos de tribunes téléphoniques ou de tavernes :
Plusieurs des personnes que nous avons interviewées ont souligné le détachement des Québécois face à leur réussite ou à leur accomplissement. «L’effort à l’école a disparu et les parents s’en lavent trop souvent les mains», soutient l’animateur de radio Gilles Parent, du 99,3 FM à Québec. Le professeur Jean-Jacques Stréliski parle quant à lui de manque d’ambition, de défaitisme, voire de fatalisme (p. 96).
En quoi ce genre d’opinions peut-il nourrir la réflexion ?
On notera pour terminer que la conception de la culture de l’ouvrage renvoie essentiellement à la culture populaire (festival, chanson, télévision, humour, jeu vidéo, cirque) ou folklorique (Fred Pellerin). La peinture (inexistante), la musique sérieuse et le théâtre (ramenés à Yannick Nézet-Séguin et à Robert Lepage), rien de cela ne ferait partie de l’identité québécoise. Pour avoir droit de cité dans le Code Québec, les créateurs doivent être des vedettes, si possible encensées à l’étranger, et attirer les foules. Le cas de la littérature est révélateur : Pierre Vadeboncoeur est cité, mais comme «avocat syndicaliste et écrivain québécois» (p. 93); Alice Parizeau est «auteure et femme de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau» (p. 209). Si on compte le poète Gaston Miron (p. 209), cela fait trois écrivains.
Née native, l’Oreille tendue ne se reconnaît guère dans le portrait brossé par Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, ce qui n’a aucune importance. Il est vrai qu’elle n’a pas d’âme.
P.-S. — Si on se fie aux illustrations de l’ouvrage, l’«Homo quebecensis» (p. 11, p. 23), homme ou femme, est blanc. De souche, bref.
P.-P.-S. — Des hyperboles ? Deux exemples : Céline Dion est «la plus grande interprète francophone de tous les temps» (p. 174); «Il n’y a pas un Québécois qui ne soit pas fier de voir un Aldo là où s’y attendait le moins» (p. 212) — Cher Jacques Nantel, l’Oreille peut vous en nommer quelques-uns.
P.-P.-P.-S. de pion. — Utiliser «versus», parfois plusieurs fois par page ? L’Office québécois de la langue française et l’Oreille itou sont contre. La construction «pourquoi sommes-nous si semblables et si différents de nos compatriotes canadiens ?» (p. 19) ? Non. Confondre mise à jour et mise au jour (p. 19) ? Non. Les Québécois sont «épicuriens» (p. 35, p. 58, p. 66) ? Non. Quitter sans complément d’objet direct (p. 104, p. 107, p. 150) ? Non. Du jargon comme «il a créé Coveo, qui conçoit des engins de consolidation de l’information destinée aux entreprises» (p. 154) ? Non. Internet date du début des années 1990 (p. 185) ? Non. La «génération silencieuse», «née entre 1925 et 1945», «s’est urbanisée» (p. 223) ? Non, le Québec était déjà majoritairement urbain dès le recensement de 1921. «Imager» ? Non (p. 236).
Référence
Léger, Jean-Marc, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, le Code Québec. Les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde, Montréal, Éditions de L’Homme, 2016, 237 p. Ill.
Je dois avouer que Twitter est parfois pour moi un espace de thérapie : mettre des limites à l’acribie philologique !
— Aurélien Berra (@aurelberra) November 26, 2016
L’Oreille tendue peut à l’occasion — elle ne s’en cache pas — se transformer en pion : ses lecteurs, ses étudiants, sa famille et les auteurs qu’elle a édités peuvent l’attester.
Le mot pion a cependant une connotation négative. Grâce à Aurélien Berra (@aurelberra) — merci —, elle vient de découvrir un mot qui lui convient mieux, du moins elle l’espère.
L’acribie, selon le Wiktionnaire, est la «qualité de celui qui travaille avec le soin le plus scrupuleux, avec une grande précision».
L’Oreille adopte officiellement ce mot.
Dans le Devoir des 30 et 31 janvier 2016, ceci : «Les messages qui émergeront sur les réseaux sociaux, mélange d’attaques violentes, d’affligeantes banalités et de syntaxe à faire pleurer un Bescherelle, ne feront que cimenter ce [que le personnage de Thomas Bernedi du roman Étoiles tombantes de Ghislain Taschereau (2015)] supposait de plus dégueulasse ou décourageant chez ses semblables.»
Bescherelle comme modèle de syntaxe ? C’est peu plausible. (Un guide de conjugaison, si, puisque c’est pour cela que Bescherelle est passé à la postérité.)
Est pris qui croyait prendre.