Ne pas sacrer dans le poste

En 1968, à Montréal, le Théâtre de Quat’sous, que dirigeait Paul Buissonneau, présente l’Osstidcho. Il rassemble Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Louise Forestier, Mouffe.

Pour parler de ce spectacle, les annonceurs de Radio-Canada sont bien embêtés. À cette époque-là, les jurons (osti) ne sont pas acceptables en ondes. Solution ? Dire de show ou un show, sans son osti («une expression bien de chez nous que je n’ose vous répéter ici à une heure d’écoute familiale»).

On peut (ré)entendre ces formules pudiques dans la série radiophonique consacrée à Robert Charlebois par Francis Legault et diffusée actuellement par la radio de Radio-Canada (quatrième épisode, «Chanter en joual l’affirmation d’une collectivité», 20e minute).

 

[Complément du 9 janvier 2017]

Ces annonceurs auraient-ils encore du mal aujourd’hui s’il leur fallait décrire l’Osti d’jeu ou donner l’itinéraire de l’Osstidtour ?

L’Osti d’jeu présenté par la Presse+

Exercice du jour

Jean-Claude Germain, Diguidi, diguidi, ha ! ha ! ha !, 1972, couverture

Soit le riche texte suivant :

Premier comédien, à l’éclairagiste — Ossti d’tabarnacque de saint cibouère de calvaire de câlisse de chrisse, BRANCHE-TOUÉ SACRAMENT… T’es pas dans une discothèque icite, viarge, t’es dans un théâtre… UN THÉÂTRE SIMONACQUE

Vous devez :

1. trouver quel(s) juron(s) québécois d’inspiration religieuse manque(nt) à ce texte;

2. remplacer un(des) juron(s) du texte par le(s) juron(s) que vous aurez découvert(s).

 

[Complément du juin 2015]

 

Référence

Germain, Jean-Claude, Diguidi, diguidi, ha ! ha ! ha ! [suivi de] Si les Sansoucis s’en soucient, ces Sansoucis-ci s’en soucieront-ils ? Bien parler, c’est se respecter !, Montréal, Leméac, coll. «Théâtre québécois», 24, 1972, 194 p. Ill. Introduction de Robert Spickler. Citation : p. 33.

Le kliss de morceau de bravoure du jour

Jean-François Chassay, les Taches solaires, 2006, couverture

Quiconque, comme l’Oreille tendue, aime sacrer ne pourra qu’apprécier ce passage du roman les Taches solaires (2006) de Jean-François Chassay :

Mon canal ! Mon canal ! Mon c-a-n-a-l, à créyé de kessé que j’avâs toutte prévu, kliss de porkioupïne, orignal de mon caleçon de bâsteurde ! Les écluses entre Saint-Louis pis Saint-François, 30 mètres sur 6, caltâsse de simonac ! Eul’ corridor dans sa largeur, pis eul’ canal dans toutte sa sôdite longueur de vinyenne ! Les sas pis les biefs, pis yousse qu’on met la porte en amont, pis touttes les sôdits calculs hydrauliques de base, géribouaîre ! Les débits, les pentes, la vélocité, asprit, j’ai même pensé au saint-libouére de bassin Wellington de mon darrière, pis y aura même pâs de bateaux là avant 60 clisses d’années, verrat de chien puant ‘à marde ! Touttes les shôgun de bassins, han ?! Han ?! Ben sontaient toutes là dans ma tête pis drette là su’ mes métempsychoses de plan ! J’ai même vu les bâsteurdes de ponts ferroviaires de kessé que j’sais pas de kessé que ça veut dire que j’lé cré même pas quand y’s ploguent dans ma tête, non mais ça tzu d’la maudite allure, ça là, non mais ça prend-tzu des crétaques d’hostos de tabaslak de voleurs d’enfants de nananes pourris ! Aye, Marie, t’aimes ça les orignals, han, t’aimes ça les orignals, géribouaîre ? Ben m’a t’en trouver un caltâsse, m’a l’amener en plein cœur de Montréal, pis les bâsteurdes de sépulcres blanchis d’enfant d’chienne, m’a les enculer avec ‘eul panache ! (p. 243-244)

À lire à haute voix.

 

[Complément du 3 janvier 2022]

En matière de chapelets de sacres, quelques accessits, en ordre chronologique.

«par ces maudits tabarnaques
de cinciboires de cincrèmes
de jériboires d’hosties toastées
de sacraments d’étoles
de crucifix de calvaires
de trous-de-cul
j’ai mal à mon pays
jusqu’à la fin des temps» (Gérald Godin, Libertés surveillées).

On peut entendre Gérald Godin lire une version légèrement différente de ce texte ici.

«Mastaï hurlait des “tabarnane de cibolaque de câline de binne d’hoston de calvinusse de chrysantème”, qui faisaient pâlir les sœurs et rougir les religieux» (Michel Tremblay, La grosse femme d’à côté est enceinte, p. 162).

«Criss de tabarnak d’hostie de calice de ciboire d’étole de viarge, oussé kié le sacramant de calice de morceau de casse-tête du tabarnak !» (François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, p. 124)

«Y aiment crissement ça, tabarnak. Si j’fais pas ça, stie d’tabarnak, quessé m’as faire, crisse ? C’est mon ostie d’job d’être la tabarnaque de chef-cook, câlisse. On sert à d’quoi, icitte, crisse de tabarnak. On pourrait pas m’laisser tranquille une crisse de fois d’estie d’tabarnak ? Ça s’pourrait tu ça, câlisse de crisse ?» (Simon Boudreault, Sauce brune, p. 81)

«Et et et si on s’éteignait demain. Je veux dire, en tant que que que race humaine. Ou ou ou ou je veux dire, en tant que généalogie pensante. Ou je veux dire, faux prophètes, ou je veux dire menteurs de tabarnak du crisse d’estie de viarge de crisse de fuck qu’on est menteurs, ou je veux dire, plantes basiques dont l’oxygène est l’hypocrisie calme et généreuse. Je je je me regarde et je je je comprends ce que tu veux dire» (Emmanuel Schwartz, p. 36).

«Ben voyons donc… mais ça a pas d’ostie d’câlice de trou d’cul d’marde de saint-ciboire de tabarnac de bon sens ! (Chienne(s), p. 110)

 

Références

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Boudreault, Simon, Sauce brune, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2010, 137 p.

Chassay, Jean-François, les Taches solaires. Roman, Montréal, Boréal, 2006, 366 p. Ill.

Godin, Gérald, Libertés surveillées, Montréal, Éditions Parti pris, coll. «Paroles», 38, 1975, 50 p.

Milot, Marie-Ève et Marie-Claude St-Laurent, Chienne(s), Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 25, 2020, 155 p. Ill. Suivi de «Contrepoint. Cachez ce cerveau que je ne saurais voir» par Catherine Lord.

Schwartz, Emmanuel, dans Et si on s’éteignait demain ? Collectif dirigé par Marie-Élaine Guay, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, p. 32-41.

Tremblay, Michel, La grosse femme d’à côté est enceinte, Montréal, Leméac, 1978, 329 p.