Jurons mou

Duchateau et Denayer, les Casseurs, 1988

On a eu maintes fois l’occasion de le constater : au Québec, plusieurs jurons (tabarnak) ont une forme euphémisée (tabarnan[ne]).

Il en va de même avec crisse dont on connaît une variante en crime, voire en crimepoff(e).

Exemple publicitaire. La brasserie Sleeman, à la télévision, aime bien mettre en scène son passé trouble, voire criminel. Son slogan ? Sa bière est «bonne en crime.»

P.-S. — L’illustration ci-dessus est tirée de la bande dessinée les Casseurs (éd. de 1988, p. 17).

 

[Complément du 29 août 2016]

Crimepoff(e) a vraisemblablement transité par l’anglais (cream puffs, choux à la crème).

 

[Complément du 25 août 2019]

Un personnage de la pièce Lignes de fuite (2019) de Catherine Chabot lance ceci : «Je suis peut-être vieux jeu, mais crime-pof !» (p. 31) Dire «crime-pof» est la preuve que l’on est «vieux jeu».

 

[Complément du 11 décembre 2021]

Dans la Presse+ du jour, une pub jouant de l’homophonie crime / crème.

«Crème qu’on aime les Fêtes», publicité, la Presse+, 11 décembre 2021

 

Références

Chabot, Catherine, Lignes de fuite, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 20, 2019, 130 p. Ill. Suivi d’Aurélie Lanctôt, «Une génération dans le miroir».

Duchateau, André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, Bruxelles et Paris, Éditions du Lombard, coll. «Les casseurs», 15, 1988, 48 p. Repris dans Denayer & Dûchateau, les Casseurs. L’intégrale, Bruxelles, Le Lombard, 2010, vol. 5.

Une image vaut mille sacres

Motel Galactic est une bande dessinée québécoise de science-fiction — plus précisément de «science-fiction du terroir» (t. 1, rabat) — en trois tomes (2011, 2012, 2013). S’y mêlent «la grande fresque épique et le feuillet paroissial de Saint-Jean-de-Lotbinière» (t. 2, rabat). Les auteurs auraient pour objectif, autrement dit, de «joindre l’infiniment grand et l’infiniment québécois» (t. 2, rabat).

Au XXVIe siècle, «la culture québécoise […] s’est imposée dans toute [sic] l’Univers» et la langue commune est le «spatio-joual» (t. 2, p. 11), ce «nouvel anglais» (t. 2, p. 10). Cela va de soi : on sacre beaucoup.

Prenons l’image suivante (t. 2, p. 86).

Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, p. 86

On y trouve de nombreux jurons, des formes euphémisées de ceux-ci et des interjections : crimepoff, barnak, simonak, ostie, batinsse, cibole, soda, ayoye, crisse, viarge, mothafucka, bâtard, gériboire, sacrament, etc.

Ailleurs, il y a (au moins) calvâsse, cibolak, crime, cristie, estifi, étolle, géritole, shit, tabarslak.

Le spatio-joual est une langue riche.

P.-S. — Le crimepoffe du premier tome (p. 64) devient un crimepoff (sans e) dans le deuxième (p. 86). Ça fait désordre.

 

Références

Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic, Montréal, Éditions Pow Pow, 2011, 107 p.

Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, Montréal, Éditions Pow Pow, 2012, 101 p.

Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 3. Comme dans le temps, Montréal, Éditions Pow Pow, 2013, 107 p.

Dictionnaire des séries 48

Le gardien de but, tantôt cerbère, tantôt portier, défend son filet ou sa cage.

On entend aussi net.

Pis i s’en va t’la t’la crisser dans’l net
(Vincent Vallières, «1986», chanson, 2003).

Et goals.

Les goals seront bien gardés
(Denise Émond, «La chanson des étoiles du hockey», 1956)

Quand sur une passe de Butch Bouchard i prenait le puck derrière ses goals
(Pierre Létourneau, «Maurice Richard», chanson, 1971)

C’est donc un goaler (à prononcer gôleur).

Pour c’qui concerne nos «Goalers»,
Ce sont tous de très bons joueurs
(J. Roméo Guay, «Le Sorelois, 1924», chanson, dans le Passe-temps, vol. 30, no 748, 26 janvier 1924, p. 31)

I mesure six pieds et demi
I va vite comme une souris
Du Chicago pis du Ranger
Déjoue ben tous les goalers
(Les Jérolas, «La chanson du hockey», 1960)

Si on veut gagner la coupe Stanley
Sont bien mieux d’changer de goaler
(Louis Bérubé, «La game de hockey», chanson, 2009)

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

Dictionnaire des séries 42

Bâton et ruban gommé

Un passe bien réussie doit se retrouver sur la palette du bâton de celui qui la reçoit.

Osti qu’c’est beau passe su’a palette
(Les Dales Hawerchuk, «Dale Hawerchuk», chanson, 2005).

Mieux encore : drette sur la palette.

Un gardien alerte
Des bonnes mises en échec
Des passes drette sur la palette
Pis des lancers précis et secs
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2008)

 

[Complément du 20 décembre 2022]

L’expression peut être utilisée métaphoriquement : «Ma mère n’a jamais attendu que la vie lui fasse une passe sur la palette. Elle s’est toujours créé l’opportunité de scorer sans bâton ni rondelle» (Montréal-Nord, p. 139).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Mazza, Mariana, Montréal-Nord, Montréal, Québec Amérique, coll. «QA récit», 2022, 204 p.

Dictionnaire des séries 39

Patin

 

«Baptême ! Je vais voir les Canadiens
de Montréal en chair et en patins !»
(Roch Carrier, Il est par là, le soleil, 1970)

«Celui que j’avais si souvent observé à la télévision
allait s’exécuter devant moi en chair et en patins.»
(Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012)

 

Pour jouer au hockey, il est indispensable de chausser les patins. (Un jour, il faut malheureusement les accrocher.)

Les habitués de l’Oreille tendue le savent : au sens littéral, elle n’est pas vite sur ses patins. Au contraire, le professionnel doit l’être.

Il ne peut pas patiner sur la bottine; ses lames sont faites pour ça.

Patinez-vous sur la bottine
Comme madame Églantine ?
(Commission des écoles catholiques de Montréal, École Saint-François d’Assise, 4e année, «Le hockey, c’est la santé», chanson, 1979)

Seuls trois ou quatre joueurs étaient aussi à l’aise que les Carcajous sur la glace. Quelques-uns patinaient complètement sur la bottine […] (Dragons en danger, p. 33).

S’il n’a pas un bon coup de patin, il lui faut travailler plus que les autres, notamment dans les coins.

Quand ils sont v’nus l’contrat d’ins mains
J’jouais pour les juniors de Rouyn
J’avais pas l’meilleur coup d’patin
Mais j’travaillais fort dans les coins
J’tais jeune pis j’avais peur de rien
J’ai signé pour les Canadiens
(Pierre Bertrand, «Hockey», chanson, dans Beau dommage, Passagers, 1978)

Qu’il soit rapide ou pas, que son style soit, ou non, élégant, il doit toujours patiner la tête haute. Sinon, il peut finir à l’hôpital.

Faut jamais baisser la tête, faut toujours jouer la tête haute. Comme dans la vie. Tu comprends ce que je dis, mon homme ? La tête haute, toujours la tête haute ! (Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, p. 91)

Le hockey est un sport de contact.

 

[Complément du 11 octobre 2017]

Joli titre dans le Devoir du jour : «Parler français sur la bottine» (p. A1-A8). L’article porte sur le récent livre d’Olivier Niquet, Dans mon livre à moi (Montréal, Duchesne et du Rêve, 2017, 296 p.), dans lequel l’auteur s’amuse à recenser les fautes de langue des sportifs et joueurnalistes. Mal parler, ce serait parler sur la bottine.

 

[Complément du 25 décembre 2021]

Par conséquent, il existe une catégorie d’humains qu’on appellera, à la suite de Maxime Raymond Bock, le «patineur sur la bottine» (Morel, 2021, p. 249).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Carrier, Roch, Il est par là, le soleil. Roman, Montréal, Éditions du jour, coll. «Romanciers du jour», R-65, 1970, 142 p. Rééditions : Montréal, Stanké, coll. «10/10», 35, 1981, 160 p.; dans Presque tout Roch Carrier, Montréal, Stanké, 1996, 431 p.; Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 206, 2009, 89 p.

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

MacGregor, Roy, Dragons en danger, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 14, 2010, 159 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Szalowski, Pierre, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Montréal, Hurtubise, 2012, 360 p.