Langue de balle

Canicule ou pas, il faut ce qu’il faut : l’Oreille tendue est allée au parc l’autre jour avec son fils cadet, histoire de jouer au football (le canadien, donc l’américain). Cela aurait pu être le baseball.

Quand elle était petite, cela avait un nom : se pitcher, sans complément d’objet direct. On va se pitcher au parc.

C’était comme ça.

Culture commune

Éric Plamondon, Ristigouche, 2013, couverture

Pour comprendre la Ballade de Nicolas Jones (2010) de Patrick Roy, il faut maîtriser plusieurs idiomes sportifs : du hockey (surtout), du baseball et du football. L’Oreille tendue en parlait, exemples à l’appui, le 2 mars 2011.

Rebelote, s’agissant du Ristigouche (2013) d’Éric Plamondon, l’auteur de la trilogie 1984 (voir ici et ). On y trouve les phrases suivantes :

La guerre de Sept Ans est un match entre Sa Majesté britannique George II, roi d’Angleterre, et Sa Majesté très Chrétienne Louis XV, roi de France. George III sera choisi comme releveur en 1760, et c’est lui qui terminera la partie, avec une excellente moyenne (p. 17).

Pour saisir le sens de ces phrases, il faut connaître la langue du baseball : le «releveur» est celui dont la tâche est de mettre fin au «match» (à la «partie»), en relève au lanceur qui l’a entrepris(e); souvent, il a une «excellente moyenne»; il est là pour assurer la victoire de son camp.

Yapadkoi.

P.-S. — Dans la même collection que Ristigouche, Patrick Roy fait paraître un excellent récit de voyage, les Singes de Gandhi (2013).

 

Références

Plamondon, Éric, Ristigouche, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 7, 2013, 52 p.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Roy, Patrick, les Singes de Gandhi, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 8, 2013, 68 p.

Un trou dans son élan

John Grisham, Calico Joe, 2012, couverture

«Baseball is only dull to dull minds» (Red Smith).

Comme tout un chacun, l’Oreille tendue consacre une partie de son temps de lecture, surtout estivale, aux livres sur le baseball.

Il y a les livres savants (The Meaning of Nolan Ryan, Double jeu), les livres de journalistes (Moneyball, Men at Work), les recueils d’articles (Triumph and Tragedy in Mudville), les romans (You Know Me Al, The Art of Fielding ou, sommet indépassé, The Great American Novel).

Voilà pourquoi l’Oreille vient de lire Calico Joe de John Grisham. Elle avait déjà lu des romans policiers de cet auteur — aucun ne lui laissant de profonds souvenirs, ni en bien ni en mal — et son roman sur le football, Playing for Pizza — aucun souvenir non plus. De Calico Joe, elle se souviendra, car c’est un texte particulièrement mauvais.

Un père va mourir. Cela ne touche personne, car c’est une ordure : violent, alcoolique, égocentrique. Lanceur pour les Mets de New York, Warren Tracey n’existe plus, dans la mémoire populaire inventée par le romancier, que comme celui qui a mis un terme à la carrière d’un joueur phénoménal, Joe Castle (Calico Joe). Comment ? En lui lançant volontairement une balle rapide à la tête. Ce geste, en langage de baseball, est appelé beaning. (Sur un sujet semblable, il vaut mieux lire Rat Palms de David Homel.) Le fils de Warren raconte la rencontre improbable, en 2003, trente ans après les faits, de son père et de Joe Castle. C’est lacrymal, inécrit, sans aucun intérêt.

En lisant, l’Oreille est cependant retombée sur une de ces étranges expressions propres au baseball : «Every rookie’s got a hole in his swing» (p. 57). Dans l’élan (swing) de toute recrue (rookie), il y aurait un trou (hole). Qu’est-ce à dire ? Qu’un joueur n’arriverait pas à frapper la balle si elle était placée à un endroit bien précis, qui n’est pas le même pour tous, et que les lanceurs essaieraient d’exploiter cette faiblesse. Voilà qui vous épargnera la lecture de Calico Joe.

P.-S. — Et il y a bien sûr les livres sur Jackie Robinson.

 

Références

Gould, Stephen Jay, Triumph and Tragedy in Mudville. A Lifelong Passion for Baseball, New York et Londres, W.W. Norton, 2003, 342 p. Ill. Foreword by David Halberstam.

Grisham, John, Calico Joe. A Novel, New York, Dell, 2013, 262 p. Édition originale : 2012.

Grisham, John, Playing for Pizza. A Novel, New York, Doubleday, 2007, 262 p.

Harbach, Chad, The Art of Fielding. A Novel, New York, Boston et Londres, Little, Brown and Company, 2012. Édition numérique. Édition originale : 2011.

Homel, David, Rat Palms, Toronto, HarperCollins, coll. «HarperPerennial», 1993, 276 p. Édition originale : 1992.

Lardner, Ring, You Know Me Al, Kessinger Publishing, [s.d.], 119 p. Reprint. Édition originale : 1916.

Lewis, Michael, Moneyball. The Art of Winning an Unfair Game, New York et Londres, W.W. Norton, 2003, xv/288 p.

Nareau, Michel, Double jeu. Baseball et littératures américaines, Montréal, Le Quartanier, coll. «Erres Essais», 2012, 395 p.

Roth, Philip, The Great American Novel, New York, Farrar, Straus & Giroux, 1980, 382 p. Édition originale : 1973.

Trujillo, Nick, The Meaning of Nolan Ryan, College Station (TX), Texas A & M University Press, 1994, x/163 p. Ill.

Will, George F., Men at Work. The Craft of Baseball, New York, HarperPerennial, 1991, ix/353 p. Ill. Édition originale : 1990.

Autopromotion 037

L’Oreille tendue en pleine gloire adolescente
L’Oreille tendue en pleine gloire adolescente

Tout à l’heure, entre 9 h et 10 h, au micro de Franco Nuovo (Dessine-moi un dimanche), à la radio de Radio-Canada, l’Oreille tendue causera langue et baseball.

Il sera question de ceci.

Il ne devrait pas être question de la photo ci-dessus.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien et l’Oreille s’emmêler les pinceaux en latin ici.

Exercice de traduction du mardi matin

Chad Harbach, The Art of Fielding, 2011, couverture

Henry Skrimshander, l’arrêt-court des Harpooners du collège Westish, dont on disait qu’il était destiné à une brillante carrière, devient incapable, du jour au lendemain, de lancer correctement la balle. C’est du baseball, et ça se passe dans le roman, déjà évoqué ici, The Art of Fielding de Chad Harbach (2011).

Skrimshander souffrirait de la «Steve Blass disease». Cette maladie, à laquelle un lanceur des Pirates de Pittsburgh a donné son nom, touche des gens, notamment des sportifs, qui, pour une raison inconnue, ne parviennent plus à faire ce à quoi ils excellaient.

Le joueur des Harpooners prend progressivement conscience de son mal. Il en arrivera à ne plus du tout lancer la balle, mais, au départ, il commet surtout des erreurs : ses lancers sont trop faibles ou trop puissants, trop hauts ou trop bas.

Un jour, il oblige son joueur de premier but à sauter dans les airs pour attraper un lancer imprécis : Rick O’Shea — qui ne commettra heureusement pas de ricochet — «snow-coned the ball with the fringe of his extra-long mitt».

Traduction littérale : il attrape la balle à l’extrémité («the fringe») de son gant allongé de premier but («his extra-long mitt»); la balle, blanche, se détache du bout du gant, comme une boule de glace de son cornet («snow-coned»).

Quelqu’un veut se risquer à une traduction moins littérale ?

P.-S. — Une autre occurrence ? «He snow-coned the near half of the ball […].»

 

Référence

Harbach, Chad, The Art of Fielding. A Novel, New York, Boston et Londres, Little, Brown and Company, 2012. Édition numérique. Édition originale : 2011.