Curiosité voltairienne (et jazzée)

Mauricio Segura, Oscar, 2016, couverture

«Les habitants du quartier étaient condamnés à se livrer au jeu des suppositions, puisqu’à cause de ses incessants voyages presque plus personne ne le fréquentait. Assurément, la blessure était toujours béante, voire infectée, mais apparemment il faisait de grands efforts pour feindre que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes : il louait volontiers en entrevue la qualité de la musique d’Art T. pour aussitôt faire dévier la conversation sur son univers musical à lui, ses propres ambitions.»

Mauricio Segura, Oscar. Roman, Montréal, Boréal, 2016, 231 p., p. 125.

 

Au cinquième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, on lit : «Je demande très humblement pardon à Votre Excellence, répondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de l’homme et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des mondes possibles.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Accouplements 272

L’Inconvénient, numéro 101, automne 2025 couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

D’abord la question.

Béland, Martine, «Le triptyque du collectionneur», l’Inconvénient, 101, automne 2025, p. 10-15.

«Les messages des biscuits chinois n’ont pas été fabriqués par un artisan qui peut y reconnaître le fruit de son labeur. Qui, au juste, les a produits ?» (p. 12)

Ensuite, la réponse.

Gionet, Simon et Clara Lacasse, «Incursion inédite dans l’usine de biscuits chinois de Montréal», le Devoir, 15 novembre 2025.

«Près des installations, une imposante pile de messages emballés repose sur une table. C’est peut-être là l’un des autres mystères entourant ces biscuits : l’origine de leurs messages, parfois simples ou énigmatiques, qui invitent au jeu prophétique de deviner l’avenir.

“La plupart ont été imaginés par mon père, révèle M. Lee. Certains sont des vœux de bonne fortune, d’autres sont des vœux de bonne santé. Ça dépendait aussi de son humeur”, explique-t-il. Certains messages étaient directement inspirés de son expérience : “Parfois, disons que quelqu’un lui avait fait du tort, alors mon père écrivait : ’S’il te plaît, ne fais pas ça.’ S’il était heureux, par exemple si l’un de ses enfants se mariait, il était d’humeur joyeuse. C’était très personnel”, raconte-t-il.

Depuis le décès de son père, Arthur Lee, en 2002, Garnet indique que lui et certains membres de la famille se sont mis à créer quelques messages. Au fil des années, la compagnie a aussi adapté certains textes aux réalités technologiques d’aujourd’hui ou, encore, changé certains messages en fonction de l’évolution des mœurs.»

À votre service.

L’oreille tendue de… Jean-Christophe Réhel

Jean-Christophe Réhel, «Les ciseaux près des yeux», 2025, illustration

«Depuis, je vis à la goutte près. J’ai développé une oreille fine : je reconnais le son d’un robinet mal fermé à travers deux murs et une porte. Je tends l’oreille avant de me coucher, juste pour être certain qu’aucune fuite ne siffle quelque part dans la tuyauterie. Je rêve parfois que je marche dans un désert de porcelaine, entouré de lavabos vides et de douches desséchées. Je me réveille la gorge sèche, et je me verse un fond d’eau tiède, comme un alcoolique qui rationne son dernier verre. Prendre une douche pendant que quelqu’un rince une assiette, c’est devenu de la pure folie. Je chronomètre mes douches : trois minutes trente, pas plus. Les cheveux restent parfois pleins de savon, mais au moins, la pompe ne rugit plus. J’ai appris à aimer le bruit du silence. Le bruit de ne pas manquer d’eau.»

Jean-Christophe Réhel, «Les ciseaux près des yeux», le Devoir, le D magazine, «Le feuilleton de Jean-Christophe», 22-23 novembre 2025, p. 29.

Accouplements 270

Jean-François Chassay, la Forme d’une ville, le cœur d’une littérature, 2025, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Gendreau, Vickie, Testament. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 60, 2012, 156 p.

«Dans la marée étudiante en révolte, il n’y a pas de pancartes avec des fautes» (p. 32).

Biz, la Chaleur des mammifères, Montréal, Leméac, 2017, 160 p.

«C’est vrai qu’ils écrivent bien. Y a même pas de fautes sur leurs pancartes» (p. 132).

 

P.-S.—L’Oreille tendue emprunte cet accouplement au plus récent livre de son ami Jean-François Chassay, la Forme d’une ville, le cœur d’une littérature (2025, p. 97 et p. 101-102).

P.-P.-S.—Les pancartes dont il est question sont celles des manifestations étudiantes de 2012. L’Oreille en a rassemblé quelques exemples ici et elle en a causé .

 

Référence

Chassay, Jean-François, la Forme d’une ville, le cœur d’une littérature, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Champ libre», 2025, 219 p.

Bernard Dupriez (1933-2025)

Portrait de Bernard Dupriez (1933-2025)

Étudiante à l’Université de Montréal, l’Oreille tendue avait acheté le Gradus des mains de son auteur, Bernard Dupriez. Elle a aussi surveillé des examens dans le cadre du Cours autodidactique de français écrit (CAFÉ) qu’il avait créé.

Jeune professeure à la même université, elle a été sa collègue pendant quelques années.

Blogueuse, elle a beaucoup utilisé le Gradus, notamment pour son «Dictionnaire personnel de rhétorique».

Né en Belgique, Bernard Dupriez était stylisticien. Il est mort le 14 novembre 2025.

 

[Complément du 5 décembre]

Micheline Cambron rend hommage à Bernard Dupriez sur le site du Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal.

 

Référence

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.