Six W (et un H)

Gidén, Houda et Martel, On the Origin of Hockey, 2014, couverture

En 2014, Carl Gidén, Patrick Houda et Jean-Patrice Martel publiaient un livre sur les premiers temps d’un des sports nationaux du Canada, On the Origin of Hockey. Soumettons-le à une lecture (faussement) journalistique en répondant aux questions d’usage.

What ? Where ? When ?

Les auteurs ont voulu reconsidérer quelques vérités admises sur le hockey au Canada. Prenons deux exemples : la naissance du sport; l’origine du mot hockey.

Où le hockey est-il né ? En mai 2008, l’International Ice Hockey Federation décrétait que le premier match de hockey «organisé» («the first organized hockey game») avait eu lieu à Montréal, au Victoria Skating Rink, le 3 mars 1875 (p. 23). D’autres villes canadiennes revendiquent le même honneur (p. 2-21). Les auteurs réfutent les affirmations des uns et des autres : «Ice hockey […] was played in England for several decades before it was played in Canada» (p. 257). L’origine du hockey est anglaise et remonte au moins au début du XIXe siècle, qu’on l’appelle de son nom moderne ou d’un autre (bandy, ricket, hurly, shinny, etc.).

D’où vient le mot hockey ? Selon la plupart des gens qui ont écrit sur la question, le mot évoquerait la forme du bâton des joueurs : hooked en anglais; hocquet ou hoquet (bâton de berger) en français. Et si on s’était trompé jusqu’à maintenant ? Et si hockey, au lieu de renvoyer au bâton, renvoyait à l’objet sur lequel on tape avec celui-ci ? Cet objet, en anglais, dans les témoignages anciens, est nommé bung, puis hockey; c’est la bonde ou le bouchon, souvent en liège, dont on se sert pour fermer les barils, notamment ceux de bière. À l’origine du hockey, il y aurait donc… la bière. Les auteurs restent cependant prudents :

While the authors don’t pretend that this theory on the origin of the word hockey has been proven beyond a reasonable doubt, they do believe it appears more plausible than the other currently existing theories (p. 240).

Who ?

Gidén, Houda et Martel ne sont pas des historiens professionnels. Le premier est médecin. Le second, journaliste. Le troisième, consultant en informatique (et président de la Society for International Hockey Research). Gidén et Houda sont suédois; Martel est québécois.

How ? Why ?

Comment ont-ils procédé ? En épluchant des tonnes de journaux, en dépouillant des correspondances (publiées ou inédites), en lisant des romans et des recueils de poésie, en fouillant les recoins du Web, en revoyant un à un les arguments des textes sur l’histoire du hockey, en scrutant à la loupe des images anciennes, dont celle de la couverture, qui date de la toute fin du XVIIIe siècle. Leur érudition et leur précision bibliographique donnent le vertige (et beaucoup de plaisir à une bibliographe comme l’Oreille tendue). Nombre des textes cités le sont très longuement. Cela ralentit parfois la lecture; en revanche, cela confère une valeur archivistique indéniable à l’ouvrage : on appréciera, ou pas. Les auteurs proposent des hypothèses et font preuve de la plus grande prudence quand ils essaient de les valider. Leur doute est systématique. Bref, c’est du sérieux. La vérité, si tant est qu’elle existe en ces matières, est à ce prix, d’où la dédicace : «To all people searching for the truth

Wit.

On peut être sérieux et avoir de l’esprit. Gidén, Houda et Martel le montrent dès leur page de couverture et son allusion à Darwin (On the Origin of Species), lequel Darwin — le titre n’est pas gratuit — ayant parlé de hockey dans sa correspondance en 1853 (p. 48-49). Leur esprit se manifeste dans les intitulés de chapitres («The Expansion Years» précède «The Original Six») et par des jeux de mots. On se bat depuis longtemps, au Canada, pour savoir sur quel étang on aurait d’abord joué au hockey. Or les auteurs démontrent que tout cela a commencé de l’autre côté de l’océan. En une formule : «the question no longer involves which pond the game was first played on, but how it crossed The Pond» (p. 246). Le hockey, après tout, est un jeu.

 

Référence

Gidén, Carl, Patrick Houda et Jean-Patrice Martel, On the Origin of Hockey, Stockholm et Chambly, Hockey Origin Publishing, 2014, xv/269 p. Ill.

Proposition de moratoire du mercredi matin

L’Oreille tendue, ces jours-ci, travaille sur l’image contemporaine du XVIIIe siècle. Que représentent les Lumières au XXe et au XXIe siècle ?

Par ailleurs, l’Oreille a déjà proposé de mettre un terme à l’utilisation de certains titres (c’est ici).

Or elle tombe, dans ses dossiers sur l’Ancien Régime, sur les titres suivants :

«Grèce. Les liaisons dangereuses entre oligarques et politiques» (le Devoir, 11 juillet 2015, p. B2).

«FTQ-PQ : Les liaisons dangereuses» (la Presse, 27 janvier 2014, p. A6).

«Les liaisons dangereuses de François Hollande» (le Devoir, 20 janvier 2014, p. B6).

«Liaisons dangereuses dans la construction» (le Devoir, 26 septembre 2012, p. A1).

Et si on laissait Laclos tranquille ?

 

[Complément du jour]

En première page de Libération du jour, ceci !

Libération, 19 août 2015, en une

 

[Complément du 2 novembre 2016]

Nouvelle récolte :

«Crime organisé. Les liaisons dangereuses entre criminalistes et criminels» (la Presse+, 20 novembre 2015).

«Dopage. Les liaisons dangereuses», le Devoir, 11 novembre 2015, p. B6.

«Exhibition | Dangerous Liaisons : The Art of the French Rococo», blogue Enfilade, 6 novembre 2015.

Le Coq-Heron, 222, 2015 : «Psychanalyse et Science, les liaisons dangereuses.»

«Police et médias : les liaisons dangereuses» (la Presse+, 2 novembre 2016).

 

[Complément du 13 juillet 2017]

Au singulier, ce n’est guère mieux, quoi qu’en pense la Presse+ du 13 juillet 2017.

«Liaison dangereuse», la Presse+, 13 juillet 2017

 

[Complément du 3 février 2018]

Continuons la récolte.

 

Titre de la Presse+, 3 février 2018

Com & politique. Les liaisons dangereuses ? 10 questions pour comprendre la communication politique, Paris, Éditions Arkhê, coll. «Tête chercheuse», 2017, 202 p.

«Plateformes vs. éditeurs : les liaisons dangereuses», site Méta-média, 4 avril 2017.

«Les liaisons dangereuses», le Devoir, 27 avril 2017, p. A3.

 

Titre de la Presse+, 1er juin 2017

 

[Complément du 5 février 2019]

Au singulier comme au pluriel, le Journal de Montréal s’y met à son tour.

Liaison(s) dangereuse(s) dans le Journal de Montréal

 

[Complément du 15 février 2019]

Merci qui ? Merci la Presse+ du jour.

«Les liaisons dangereuses de Bernier», la Presse+, 15 février 2019

 

[Complément du 18 février 2020]

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

«Etats-Unis. Liaisons dangereuses. Les relations de Donald Trump avec les Russes deviennent indéniables», le Devoir, 11 décembre 2018, p. B2.

«Liaisons dangereuses au Vénézuela» (le Blogue de Richard Hétu).

«Liaisons dangereuses» (la Presse+, 6 juillet 2018), sur des allégations d’inconduite sexuelle à l’Université McGill.

«Liaisons dangereuses entre industriels et hôpitaux» (Twitter).

«Démocratie et populisme. Des liaisons dangereuses ?»

Félicitons, en revanche, ceux qui reprennent le titre avec humour.

Les Lésions dangereuses

 

[Complément du 22 juin 2022]

Je vous en remets une petite louche ?

«Démocratie et populisme : des liaisons dangereuses ?» (Twitter)

«Presse et élections. Les liaisons dangereuses» (Rétro News, 2, janvier 2022)

Alain Brossat et Daniele Lorenzini (édit.), Foucault et… Les liaisons dangereuses de Michel Foucault, Paris, Vrin, 2021, 256 p.

«Les amitiés dangereuses» (le Devoir, le D magazine, 29 février-mars 2020, p. 40)

«“Un parrain à la Maison-Blanche” : comme des liaisons dangereuses» (le Devoir, 13 juillet 2020)

«Zoonoses ou les liaisons dangereuses : la rage» (le Blog Gallica, 23 avril 2021)

Laurent Tigrane Tovmassian et Christophe Janssen (édit.), Cadre clinique et tendresse. Des liaisons dangeureuses ?, Paris, Éditions In Press, coll. «Ouvertures psy», 2022, 256 p.