Chronique bibliographique du Nouvel An

D. T. Max, Every Love Story Is a Ghost Story, 2012, couverture

[Les remarques qui suivent n’intéresseront que les mordus de notes et de références bibliographiques (il y en a).]

Soit Every Love Story Is a Ghost Story, la biographie de David Foster Wallace écrite par D.T. Max. Au fil du texte, on trouve des appels de note; les notes elles-mêmes — commentaires, prolongements, etc. — sont placées en fin d’ouvrage. On sait donc qu’elles existent.

Puis, à la suite de ces premières notes, d’autres apparaissent, dont l’existence n’est nulle part annoncée (aucun appel de note n’y renvoie). Elles donnent les sources de toutes les citations du texte.

Les premières s’adressent à tous les lecteurs. Les secondes, aux spécialistes. Avantage incontestable : cela allège considérablement le texte.

(Question : comment cela est-il mis en pages dans la version numérique du livre ?)

Soit Diderot ou le bonheur de penser, la biographie de Denis Diderot rédigée par Jacques Attali. L’appareil des notes est pléthorique. Exemple :

L’abus de l’appel de note chez Jacques Attali

Pléthorique ? C’est un euphémisme : comme s’il avait peur de se faire accuser de plagiat, Attali empile les appels de notes les uns sur les autres, jusqu’au ridicule. L’exemple ci-dessus est un parmi des centaines.

L’appareil des notes est donc pléthorique, mais largement inutile. Pourquoi ? Parce que les appels ne renvoient pas à proprement parler à une note, mais à un numéro de la bibliographie (par exemple, le numéro 450 est une édition de 1899 [?!] des Confessions de Jean-Jacques Rousseau). On ne sait pas à quelle page, à quelle partie, à quel chapitre, à quel article, cela devrait mener. Vous voulez savoir à quel(s) passage(s) des Confessions Jacques Attali fait allusion ? Allez les lire. L’auteur n’est pas là pour vous.

[Si si, l’Oreille tendue vous l’assure : il y a des gens que cela intéresse.]

P.-S. — Pour entendre l’Oreille tendue commenter le livre de Jacques Attali à la radio de Radio-Canada, on clique ici.

 

[Complément du 3 janvier 2013]

Un collègue de l’Oreille lui a raconté avoir assisté jadis à un colloque où une communication était présentée par deux personnes : l’une faisait le texte, l’autre les notes. L’Oreille regrette tous les jours de ne pas avoir été là.

 

[Complément du 30 mai 2016]

Pour entendre l’Oreille tendue commenter le livre de D.T. Max à la radio de Radio-Canada, on clique ici.

 

Références

Attali, Jacques, Diderot ou le bonheur de penser. Biographie, Paris, Fayard, coll. «Biographie», 2012, 512 p. Ill.

Max, D.T., Every Love Story Is a Ghost Story. A Life of David Foster Wallace, New York, Viking, 2012, 309 p.

Autopromotion 049

Jacques Attali, Diderot ou le bonheur de penser, 2012, couverture

L’Oreille tendue sera aujourd’hui, de 13 h à 14 h, à l’émission Plus on est de fous, plus on lit ! de la radio de Radio-Canada pour parler de la biographie de Diderot par Jacques Attali (2012). Rediffusion ce soir entre 20 h et 21 h.

 

[Complément du 20 décembre 2012]

On peut (ré)entendre l’entretien ici [lien corrigé].

 

Référence

Attali, Jacques, Diderot ou le bonheur de penser. Biographie, Paris, Fayard, coll. «Biographie», 2012, 512 p. Ill.

La terminaison du jour

Jean-François Vilar, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, 1993, couverture

Ce ne sont pourtant pas les mots en -ade qui manquent en français. Le Petit Robert (édition numérique de 2010) en donne plus de 200.

On en invente néanmoins de nouveaux, et depuis longtemps.

Il neige ? @rdimatin parle de floconade.

Pour désigner les série télévisées américaines, Tonino Benacquista invente américanade (la Commedia des ratés, p. 98).

Les revues théâtrales de Gratien Gélinas mettaient en scène le personnage de Fridolin, d’où leur intitulé (Fridolinades).

En 1753, Morelly publie Naufrage des isles flottantes, ou Basiliade du célèbre Pilpai.

Dans un registre un brin différent, l’excellent Jean-François Vilar propose enculade (Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, p. 157 et p. 283).

Il faut de tout pour faire un monde.

P.-S. — Au moment de mettre ce texte en ligne, l’Oreille tendue découvre l’existence du compte Twitter @wikinade.

 

Références

Benacquista, Tonino, la Commedia des ratés, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 2263, 1991, 242 p.

Vilar, Jean-François, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués. Roman noir, Paris, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 1993, 475 p.

Non, pas quelque part

L’Oreille tendue est linguistiquement commune : il y a des choses qu’elle n’aime pas parce qu’elle ne les aime pas. Ce sentiment est largement partagé autour d’elle.

L’Oreille tendue est bibliographe : elle aime, d’amour, les notices bibliographiques bien torchées. Ce sentiment n’est pas aussi largement partagé qu’il le devrait, même autour d’elle.

L’Oreille tendue n’aime pas l’expression X écrit quelque part. Exemple : «note-t-il quelque part» (la Presse, 11 décembre 2012, p. A5). Cela blesse, par manque de précision, sa fibre bibliographique.

Si l’on sait où se trouve ce que l’on veut citer, on le dit. Si on ne le sait pas, on ne dit rien (on ne dit pas quelque part).

C’est comme ça.

P.-S. — Rappelons-le : employer à ou en devant quelque part est un crime passible des plus lourdes peines. Ça aussi, c’est comme ça.

 

[Complément du 3 novembre 2020]

Jean-Jacques Rousseau dans sa Lettre à d’Alembert en 1758 ? «J’ai lu quelque part […]» (éd. de 1967, p. 159).

 

Référence

Rousseau, Jean-Jacques, Lettre à M. d’Alembert sur son article Genève, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «GF», 160, 1967, 250 p. Chronologie et introduction par Michel Launay. Édition originale : 1758.

Souvenir du printemps

Durant les grèves étudiantes québécoises de 2012, l’Oreille tendue a porté son regard vers les pancartes des manifestants (en imagesen motsen paroles).

Plus récemment, ici et , elle s’est interrogée sur la place du latin dans la culture qui l’entoure.

Un texte de deux de ses collègues dix-huitiémistes lie ces choses :

Au refus de négocier que leur signifie le gouvernement, les associations étudiantes des collèges et des universités opposent, le 22 mars, 200 000 protestataires défilant dans les rues de Montréal : «Une espèce menacée : Alumni quebecenses», écrit-on plaisamment sur certaines affiches.

Voilà de futurs diplômés québécois menacés mais cultivés.

 

Référence

Bernier, Marc André et Geneviève Lafrance, «Printemps érable au Québec : les cent jours du mouvement étudiant», Bulletin de la Société française d’étude du dix-huitième siècle, troisième série, 85, juillet 2012, p. 1-2.