Néologing

Camping, sans glamping, avec caniche royal

La néologie semble apprécier les mots en -ing. Exemples, parmi tant d’autres.

Canyoning : «Le canyoning est une drôle d’activité qui consiste à suivre un cours d’eau en montagne et à descendre ses différentes cascades à l’aide de cordes» (la Presse+, 9 septembre 2023).

Curating : «Faire de sa vie une œuvre d’art : le mot d’ordre était cher aux avant-gardes. A défaut, il semblerait que l’on puisse aujourd’hui faire de sa vie une expo. C’est du moins le constat que l’on pourrait induire de l’infiltration du mot “curating” à tous les étages de notre quotidien, un terme que l’on croyait pourtant réservé à la conception des expos d’art contemporain» (les Inrocks, 11 décembre 2015).

Glamping : Camping, mais haut de gamme (glam). «“Glamping” à l’écossaise» (la Presse+, 4 juin 2014).

Plogging : «Originaire de la Suède, le terme plogging est formé de la contraction de plocka upp (ramasser, en suédois) et de jogging» (la Presse+, 2 juillet 2023). Autrement dit : faire le ménage extérieur en courant. À Radio-Canada, on lui préfère écojogging.

Sharenting : Partager (share) des photos de ses marmots sur les réseaux sociaux (la Presse+, 16 septembre 2018).

Voguing : «Plus qu’une danse, le voguing est un acte politique, performatif, une affirmation de soi.» C’est France Culture qui le dit.

P.-S.—En effet, nous avons déjà croisé des néologismes en -ing. C’est par là.

Quelques ajouts au lexique numérique

Boîte de câbles informatiques

Les GAFAM ne vous plaisent pas ? Tournez-vous vers l’alternumérisme (radical).

Dans quel monde vivons-nous ? Réponse d’Adrien Tallent : «Formé de algo, apocope d’algorithme, et du suffixe -cratie (qui vient du grec kratos, le pouvoir), algocratie est un terme qui émerge depuis quelques années pour désigner le nouveau système politique dans lequel nous serions entrés.»

Vous souhaitez pimenter vos ébats ? Les choix ne manquent pas : érobotique («Agents conversationnels, robots sexuels, réalité virtuelle : l’érobotique se manifeste à travers une variété d’interfaces et de relations, de la simple amitié à l’amour profond», dixit la Presse+ du 14 mai 2023), botsexualité («L’avantage d’une relation “botsexuelle” est qu’elle tient dans la poche de son pantalon et qu’on peut lui donner la forme de son choix», avance coquinement le Devoir du 15 avril 2023), swouple («on nous promet que ce nouveau mot qui est une contraction de “swiping” et “couple” va entrer dans l’imaginaire collectif pour désigner “les couples qui ont fait connaissance par l’intermédiaire d’une application de rencontre”, écrit Olivier Niquet, qui a cependant «des doutes là-dessus»).

Vous voulez que vos enfants, qu’ils le sachent ou non, soient le plus rapidement possible sur le Web ? Vous êtes un adepte du sharenting.

Vous préférez cultiver la terre ? France Culture a repéré, et décrie, les termes ageekulteur et de digiferme.

Internet, au contraire, vous rend malade ? Peut-être êtes-vous seulement cybercondriaque.

Ça se soigne.

Une petite laine policière ?

Portrait de Michael Jackson sur la neige

Durant les années 1980, l’Oreille tendue a lu quelques ouvrages de Michel Lebrun consacrés au roman policier, par exemple dans sa série l’Année du polar. Lebrun était aussi du comité de rédaction de la revue Polar. On le surnommait parfois «le pape du roman policier», voire «le grand pape du polar». (Question, au passage : est-il de petits papes ?)

Michel Lebrun était un des pseudonymes de Michel Cade (1930-1996). Selon la Bibliothèque nationale de France, il a aussi signé des œuvres — romans d’espionnage, policiers, érotiques — sous les noms de Pierre Anduze, Lou Blanc, Oliver King, Laurence Nelson, Michel Lenoir et Michel Lecler. Il était encore traducteur.

Ce fan de roman noir s’est un jour demandé comment traduire le mot anglais thriller. Sa suggestion ? Frileur, car ce genre doit faire frissonner.

Joli.

P.-S.—Le mot thriller est «déconseillé» par l’Office québécois de la langue française. Le Petit Robert le considère comme un anglicisme : «Film (policier, fantastique), roman, récit qui provoque des sensations fortes.»

P.-P.-S.—L’Oreille est volontiers lectrice de polar; voir ici.

Fil de presse 045

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

La canicule n’empêche pas de publier des livres sur la langue. Récolte récente ci-dessous.

Amaya Dal Bó, Gisèle, Martín Macías Sorondo, Sabrina Morán, Natalia Prunes et Agostina Weler (édit.), les Langues de l’émancipation. Quelles traductions pour la démocratie ?, Paris, L’Harmattan, coll. «La philosophie en commun», 2023, 190 p.

Cahiers de lexicologie, 122, 2023, 293 p. Dossier «Dictionnaires, ressources lexicales et didactique des langues», sous la direction d’Ophélie Tremblay et Paolo Frassi.

Cassin, Barbara, Plus d’une langue, Paris, Bayard, coll. «Les petites conférences», 2023, 80 p. Réédition.

Durand, Émeline, le Temps de la langue. Sur l’œuvre de Franz Rosenzweig, Paris, Vrin, coll. «Bibliothèque d’histoire de la philosophie», 2023, 296 p.

Galleron, Ioana et Geoffrey Williams (édit.), Dictionnaires et réseaux des lexicographes aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica Mots et dictionnaires», 42, 2023, 270 p.

GLAD ! Revue sur le langage, le genre, les sexualités, 14, 2023. Dossier «Varia».

Goasmat, Grégory, Langue des signes et malaise du sujet, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023, 410 p. Préface de Jean-Claude Quentel.

Goux, Mathieu et Pascale Mounier (édit.), la Corrélation en diachronie longue (1450-1800). Phrase, texte et discours, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 16, 2023, 356 p.

La Ramée, Pierre de, Grammaire (1572), Paris, Classiques Garnier, coll. «Textes de la Renaissance», 40, série «Traités sur la langue française», 3, 2023, 167 p. Édition de Colette Demaizière. Réimpression de l’édition de 2001.

Marcilhac, David et Miguel Rodriguez (édit.), À l’origine des études aréales. Langues et cultures étrangères en Sorbonne, Paris, Sorbonne université presses, 2023, 350 p.

Marouzeau, Jules, la Phrase à verbe être en latin, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 72, 2023, 514 p. Édition par Jorge Juan Vega y Vega, avec la participation de Jean-Paul Brachet . Suivi de Genèse linguistique du verbe être. Une approche cognitive, par Jorge Juan Vega y Vega.

Minon, Sophie (édit.), Lexonyme. Dictionnaire étymologique et sémantique des anthroponymes grecs antiques. Volume 1. A-E, Genève, Droz, coll. «Hautes études du monde gréco-romain», 2023, 496 p.

Nahon, Peter, les Parlers français des israélites du Midi, Strasbourg, Éditions de linguistique et de philologie, 2023, xii/476 p.

Neologica, 17, 2023, 190 p. Dossier «Néologie et langues régionales», sous la direction de Pascale Erhart et Christophe Rey.

Ponsonnet, Aurore, le Français pour adultes consentants. Un livre aussi instructif que délirant pour réviser les bases du français, Paris, First éditions, 2023, 288 p. Illustrations de Rodolphe Urbs. Préface d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron.

Rapport annuel 2022 de la Commission d’enrichissement de la langue française, Paris, ministère de la Culture, Délégation générale à la langue française et aux langues de France, 2023, 171 p.

Sylvius, Jacques Dubois dit, Introduction à la langue française suivie d’une grammaire (1531), Paris, Classiques Garnier, coll. «Textes de la Renaissance», 22, série «Traités sur la langue française», 1, 2023, 443 p. Traduction et édition critique par Colette Demaizière. Réimpression de l’édition de 1998.

Verhaart, Floris et Laurence Brockliss (édit.), The Latin Language and the Enlightenment, Liverpool, Liverpool University Press, coll. «Oxford University Studies in the Enlightenment», 2023, 440 p. Ill.

Wagner, Jacques, Parler des livres, changer la langue au XVIIIe siècle d’après le Journal encyclopédique de Pierre Rousseau (1756-1785) et le Journal littéraire, des sciences et des arts de l’abbé Grosier (1756-1785), Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2023, 266 p.

Xiyin, Zhou, Philosopher en chinois. À la croisée de la linguistique et de la philosophie avec Chen Jiaying, Paris, Hémisphères / Maisonneuve & Larose, 2023, 464 p.

Retour en néologie

«Amassons des matériaux», vignette publicitaire, première moitié du XXe siècle

À une époque, l’Oreille tendue proposait périodiquement des néologismes. Depuis trop longtemps, elle a failli à sa tâche. Revenons-y.

Vous passez vos vacances dans votre pays plutôt qu’à l’étranger ? En anglais, on parle maintenant de staycation — ou pas : «He called it a staycation. I told him to never use that word in my presence again» (Revenge Tour, p. 109). Google Translate propose, en français, séjour; ça ne va pas le faire.

Vous mêlez travail et vacances ? Il y a tracances et worliday pour cela — même si ce n’est pas recommandé. Vous vous contentez de chercher des agréments dans vos voyages d’affaires ? Parlez de bleisure.

Vous vous intéressez aux astres morts ? La nécroplanétologie est pour vous.

Vous croyez que le capitalisme fait mourir ? Ce serait la faute du nécrocapitalisme.

Comme toujours, le suffixe -ion est riche : défrancisation (vous pensez que Montréal serait de moins en moins une ville française), duraflation (vous trouvez des produits défraîchis sur les rayons), réduflation (vous en avez moins pour le même prix à l’épicerie), giletjaunisation (vous vous radicalisez).

Terminons en parlant d’argent. Les bénéfices financiers du vélo vous paraissent nombreux ? C’est normal : il existe désormais une véloconomie. Sera-t-elle étudiée par l’éconophysique ? Cela reste à voir.

 

Illustration : J.-F., F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951 (deuxième édition), 143 p., p. 65.

 

Référence

Lupica, Mike, Robert B. Parker’s Revenge Tour. A Sunny Randall Novel, New York, G.P. Putnam’s Sons, 2022, 321 p.