Le caractère et la saveur

Le Québec raffole de l’expression à saveur (voir, entre autres entrées de ce blogue, ici). Elle est tellement populaire qu’on en vient à s’étonner quand elle n’est pas utilisée : «Le Festival international du film sur l’art propose cette année une importante sélection d’œuvres à caractère social ou politique» (le Devoir, 14-15 mars 2015, p. E3).

C’est la rançon de la gloire.

 

[Complément du 14 juin 2015]

Autre cas semblable : «Point chaud – Des coupes aux relents de censure à la santé publique. Texte de @jessicanadeau http://bit.ly/1zs4Sti» (@LeDevoir).

Conte de saison

 

Avenue Marlowe, 25 décembre 2014

 

C’était le matin de Noël. Le vent avait soufflé fort sur Notre-Dame-de-Grâce. Une avenue de ce quartier montréalais était devenue impraticable : de nombreuses branches arrachées recouvraient la chaussée.

Dans un de ces élans de générosité que l’on dit si rares dans les grandes villes, des voisins se sont alors rassemblés, venus de quatre maisons, pour nettoyer la rue et les trottoirs.

En quelques minutes, on pouvait de nouveau circuler librement. Les branches de toutes tailles avaient été regroupées en un tas bien impressionnant. Les quatre voisins se congratulèrent avant de rentrer chez eux.

Ce tas bouchait complètement une allée et empêchait un cinquième voisin de prendre sa voiture. Voilà de quoi rendre grâce et chanter l’esprit de Noël.

Citation euphémique du jour

«Ils concluront aussi que nous avions un penchant marqué pour l’euphémisme. Rien de ce qui méritait d’être nommé ne méritait pas aussi qu’on lui trouve un autre nom, plus drabe, moins significatif, qui permettait de ne rien dire du tout tout en faisant en sorte que tout le monde fût d’accord. Nous adorions que tout le monde fût d’accord, fût-ce au prix de ne pas avoir la moindre idée de ce sur quoi nous nous entendions» (Jean Dion, le Devoir, 17-18 mai 2003).

Citation métalinguistique du jour

Jean-François Chassay, les Taches solaires, 2006, couverture

 

«Mais putain de marde, y a pas plus Québécoise que moi, tu vois pas que là, juste là, se trouve l’enfant de chienne de fondement à mon problème ?? J’ai honte de ne pas parler 12 langues, seulement une et demie ! J’ai l’impression de ne jamais avoir de bâtard de vocabulaire quand j’ouvre la bouche pis pas une ostie d’idée quand j’ouvre mon cerveau ! Je ferme ma gueule quand je me trouve devant le moindre péquenot européen que je rencontre, convaincue qu’il sait plus de choses que moi et qu’il parle mieux que moi, même si en même temps je suis parfaitement convaincue du contraire ! […] J’ai honte de ne pas parler parfaitement anglais et j’ai honte de cette honte, parce que pourquoi je ne parlerais pas plutôt d’abord slovaque si le cœur m’en dit, est-ce du racisme inconscient à l’égard des Slovaques ou, tiens, pourquoi pas, le swahili ? Et pourquoi au Canada anglais ils ne parlent que l’anglais et n’ont ni honte, ni remords et trouvent ça normal ?»

P.-S. — Le lecteur curieux pourra lire en parallèle cette déclaration d’un personnage du roman les Taches solaires de Jean-François Chassay (2006) et tel passage du roman la Folle de Warshaw de Danielle Phaneuf (2004).

Jean-François Chassay, les Taches solaires. Roman, Montréal, Boréal, 2006, 366 p., p. 288-289.

Tristesse de l’Oreille

L’ami @fbon, samedi dernier, est passé chez le poissonnier. L’Oreille tendue ne sait pas s’il en a rapporté du poisson, mais un tweet, ça, oui, elle en est sûre :

«de l’expression “il s’est rasé avec une biscotte” #poissonnier cadeau pour @benoitmelancon» (premier tweet).

Ne connaissant pas l’expression, l’Oreille a demandé une traduction.

Réponse :

«réponse sur ton profil !» (second tweet)

Dès lors, elle a craint le pire — et le pire s’est confirmé :

«L’expression se comprend aisément : mal rasé, avec des pousses de poils qui restent, mais aussi avec des rougeurs. Il y a en fait un transfert de métaphore : la peau des joues est comparée aussi à une biscotte rugueuse, la biscotte n’est pas simplement un mauvais rasoir» (le Petit Champignacien illustré, 29 juin 2006).

@fbon a donc à redire sur la barbe de l’Oreille. Cela l’attriste.