Citations ponctuationnelles du jour

Pour Danielle Laurin,
qui n’aime que le point
.

 

L’Oreille tendue — cela ne devrait étonner personne — est sensible à la ponctuation. Elle a même commencé une modeste collection de citations sur le sujet. Première fournée, de dix, ci-dessous.

@david_turgeon

«j’imagine un roman qui ne serait ponctué que de deux-points: ce serait comme ouvrir des boîtes dans des boîtes dans des boîtes, à l’infini.»

Jean Echenoz

«[Je] hais les points de suspension — et les signes expressifs, en général.»

@endretteligne

«L’Association provinciale pour la ponctuation désire remercier Richard Martineau pour ses efforts de promotion du point d’exclamation.»

Francis Scott Fitzgerald (via @PaulJournet)

«An exclamation mark is like laughing at your own joke

Alexandre Vialatte (via @didierfaubert)

«La ponctuation, ce n’est pas de l’orthographe, c’est de la pensée.»

Quatorzième des «15 règles du snobisme sur Twitter», les Inrocks, 29 octobre 2012

«Et il n’y a rien de pire que les gens qui mettent des points d’exclamation partout.»

Georges Simenon, Maigret chez le ministre

«Il était Corse et en avait le type. Petit et mince, il portait des souliers à talons hauts pour se grandir et des moustaches brunes en virgules» (p. 117).

Kyle Wiens (via @KarineBergeron)

«If you think an apostrophe was one of the 12 disciples of Jesus, you will never work for me. If you think a semicolon is a regular colon with an identity crisis, I will not hire you. If you scatter commas into a sentence with all the discrimination of a shotgun, you might make it to the foyer before we politely escort you from the building

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

«Impossible, monsieur; mon sang se coagule
En pensant qu’on y peut changer une virgule» (II, VII)

Charles Baudelaire (via @Didi_1713)

«Je tiens absolument à cette virgule.»

 

Référence

Simenon, Georges, Maigret chez le ministre, Genève, Édito-Service S. A., 1974, 167 p. Édition originale : 1955.

Disparaître

Un jour du printemps 2011, le fils aîné de l’Oreille tendue rentra à la maison avec un nouveau mot : swag. Elle en fit une entrée de blogue (ici), qui n’attira pas particulièrement l’attention.

Puis, pour des raisons encore inexpliquées, ce fut le boom. Il y eut des centaines, parfois des milliers, de visites quotidiennement. Au moment de la rédaction de ces lignes, l’article a été vu 411 153 fois (!!!). Il y eut même une époque où l’internaute qui tapait «swag» dans un moteur de recherche francophone tombait tout de suite sur l’Oreille. Il est d’ailleurs arrivé un temps où il a fallu fermer les commentaires sur cette page : trop, c’était trop.

Puis, soudain, avant-hier, krach. Presque plus personne : quatre pelés et un tondu. Que s’est-il passé ?

Inquiète, l’Oreille alla regarder sous le capot de son blogue. Une extension WordPress, Popular Posts, faisait des siennes : au lieu de renvoyer aux textes les plus consultés du blogue, les liens retenus par Popular Posts pointait vers des sites extérieurs, pas tous fréquentables.

Coïncidence ou pas, c’est le même jour que l’article consacré au swag par l’Oreille disparut de Google. Oui : il a disparu; malgré des formulations de recherche multiples, plus moyen de l’y retrouver.

On est bien peu de chose : en quelques heures, l’Oreille a perdu tout son swag. Elle ne sait pas si elle pourra s’en remettre.

 

[Complément du 4 novembre 2012]

On s’en réjouira (ou pas) : sur Google, pour l’Oreille et le swag, les choses sont revenues à la normale, façon de parler, durant les premiers jours de novembre.

Une semaine dans les mots et dans les médias

Cette semaine, entre autres choses, l’Oreille tendue a appris quelques nouveaux mots.

20 octobre

Anacoluthe du jour

«Même si âgé et fragile, l’entraînement physique reste bénéfique» (la Presse, 20 octobre 2012, cahier publicitaire «Chez soi 55+»).

Donc, si l’on se fie à la syntaxe de cette phrase, un «entraînement physique» pourrait être «âgé et fragile». C’est toujours bon à savoir.

(Quelques jours plus tôt, sur Twitter, @LeDevoir avait, lui aussi, son anacoluthe : «Véronique Hivon renonce à ses fonctions ministérielles. Enceinte, son médecin lui a recommandé un repos complet.» On est heureux d’apprendre que le médecin de Mme Hivon est enceinte.)

22 octobre

L’Oreille tendue connaissait déjà les mobigoinfres et les mobinautes. Grâce à la Presse, elle découvre la mobilographie, cette «écriture de la mobilité» rendue possible par les téléphones dits «intelligents» (22 octobre 2012, cahier Arts, p. 5).

Vous pratiquez cette «écriture» avec un iProduit ? Vous faites alors de liphonographie.

(Intermède publicitaire : les Trottoirs de Montréal, que diffuse l’Oreille sur Tumblr, ne relèvent-ils pas de cette mobilographie ?)

22 octobre

Vous faites dans la bibliothèque et dans le blogue ? Vous faites partie de la biblioblogosphère. C’est Daniel Bourrion qui le dit.

23 octobre

Les yeux de beaucoup de Québécois sont tournés, depuis le début septembre, vers la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction, dite Commission Charbonneau. (Un des témoins y a donné un sens inédit au mot redevances.)

Comme il est très souvent question de collusion durant les audiences de la commission, le mot collusionnaire est devenu populaire.

«Appris un nouveau mot grâce à la #ceic : COLLUSIONNAIRE. Sonne comme le stade dégénératif d’une maladie grave. Et c’est exactement ça…» (@MFBazzo)

24 octobre

Une liste de livres ? Une bibliographie. Une liste de disques ? Une discographie. Une liste de films ? Une filmographie. Une liste de ressources sur le Web ? Une webographie. Une liste de sites ?

«BIBS, besoin d’infos ! Connaissez-vous des sitographies recensant les sites sur le cinéma utiles pour le travail des vidéothécaires ?» (@PoivertGBF)

24 octobre

On connaissait l’«angoisse fiscale». Voilà que se manifestent les premiers symptômes de la «détresse hypothécaire» (la Presse, 24 octobre 2012, cahier Affaires, p. 10). La psychopathologie du pognon a un bel avenir.

24 octobre

L’organisme Culture Montréal organisait ce matin une «Table ronde sur la participation culturelle des jeunes à Montréal». Si l’on se fie à Twitter (#JeunesetCulture), l’inventivité lexicale était au rendez-vous. L’Oreille tendue, en tout cas, a étendu son vocabulaire.

Prosommateur : «un profil mixte entre “producteur” et “consommateur”» (@CultureMontreal).

Tricograffiti : «Du tricot dans l’espace urbain» (@CultureMontreal).

Museogeeks : «On s’organise, on aime aussi la spontanéité, on aime le contact» (@CultureMontreal).

25 octobre

Tous les (dé)goûts sont dans la nature.

«Je suis sapiosexuelle #jeudiconfession» (@MadameChos).

Sapiosexuelle ? Une personne, dit Internet, «chez qui l’intelligence de l’autre provoque une excitation sexuelle».

25 octobre

Le plus grand poème sur le joueur de hockey Maurice Richard s’intitule «Homage to Ree-shard», il date de 1976 et il est signé Al Purdy. Son premier vers — «Frog music in the night» — est une allusion à une insulte classique adressée aux Canadiens français, devenus Québécois : ce seraient des «frogs», des «grenouilles».

L’Oreille est toujours étonnée du fait que cette insulte soit encore pratiquée de nos jours. Ce serait le cas dans le monde du sport.

L’exemple le plus récent vient du football canadien. Un joueur (anglophone) des Alouettes de Montréal aurait traité de «frog» un joueur (francophone) des Rough Riders de Regina (la Presse, 25 octobre 2012, cahier Sports, p. 5).

En 2012 ?

25 octobre

La philosophie ne connaît pas de limites. La preuve ? L’«apiphilosophie» («happy philosophie» ?) vient de naître.

De quoi s’agit-il ? Pour un dentiste de la clinique Groupe Api, «la plus importante de Laval et l’une des plus importantes au Québec», il suffit d’être «à l’écoute» de ses clients (la Presse, 25 octobre 2012, dossier publicitaire «Santé dentaire»).

Voilà une doctrine facile à respecter, non ?

26 octobre

Scène de la vie radiophonique

«“S’emmieuter” a dit RHR à #CBMLM “Voyons, je dis même plus ça, moi” MlleCadette» (@PimpetteDunoyer).

N’oublions pas cependant qu’il existe un cas où s’emmieuter est acceptable : quand il est utilisé avec rempirer. Exemple : Les choses vont rempirer avant de s’emmieuter.

(Triple) Autopromotion 046

Wikipédia, logo, 9 juin 2021

L’Oreille tendue écrit. Il lui arrive aussi de parler. Des preuves ?

Le 26 octobre, à Montréal, elle livrera ses «Confessions d’un optimiste (numérique)» à l’invitation de l’Académie des lettres du Québec. Information ici (en PDF).

Dans le cadre des Belles soirées de l’Université de Montréal, elle prononcera, le 29 octobre, à Laval, une conférence intitulée «Diderot : de l’Encyclopédie à Wikipédia». Renseignements .

Bienvenue à tous.

P.-S. — Une liste plus complète des activités publiques de l’Oreille se trouve sur son site professionnel.

Une semaine dans les médias et dans les mots

13 octobre

Non seulement épique est en train de passer dans le langage quotidien, mais ce mot désignerait une génération au complet.

«La génération Y (gén. épique) aide beaucoup la névrose de la génération X, pas capable de se révolter. (N. Lévesque) @plusonlit #notabene» (@Ed_Notabene).

On le sait : l’urbain, c’est bien. Y compris dans la cuisine.

«Fabbrica propose une cuisine plutôt sage dans le registre patrimonial italo-urbain» (la Presse, 13 octobre 2012, cahier Gourmand, p. 8).

14 octobre

À nouvelles réalités, mots nouveaux.

«Se nourrir dans les poubelles. Savoureux portrait du déchétarien Tristram Stuart | L’homme qui n’a rien à gâcher http://www.lemonde.fr/style/article/2012/10/12/l-homme-qui-n-a-rien-a-gacher_1773650_1575563.html» (@NieDesrochers).

La typographie s’enseigne désormais en chantant.

«RT @Christianrit: Voici Alinéa, ma chanson éducative sur la structure du paragraphe. http://youtu.be/5uIfoRnlRko #redaction» (@JoseeMarcotte).

15 octobre

Dans un département d’études littéraires, les cafetières choisissent leurs mots avec soin.

Nespresso et prosopopée

Nouvel exemple de la loi du «Tout et son contraire» : pourquoi n’annonce-t-on jamais que l’on a «posé les bases» d’un «partenariat déstructurant» ?

«L’Université de Nantes et l’Université Laval posent les bases d’un partenariat structurant sur le numérique : http ://www.univ-nantes.fr/1350285498227/0/fiche___actualite/&RH=INSTITUTIONNEL_FR» (@GIENS09).

16 octobre

Même une construction peut être «prise en otage».

«La construction d’un pièce-maîtresse du World Trade Center “prise en otage” par une entreprise de Terrebonne: http://natpo.st/SYUDKd» (@rdimatin).

On connaissait le suicide numérique et l’angoisse fiscale. On fait dorénavant dans…

«Le suicide fiscal… http://blogs.lexpress.fr/attali/2012/10/15/le-suicide-fiscal/» (@jattali).

17 octobre

Doug Saunders a publié Arrival City en 2010. De quoi s’agit-il ?

«un polaroïd des slums, bidonvilles, favelas, banlieues et autres cités où transitent les nouveaux arrivants en provenance des campagnes de la Chine, de l’Inde, du Bangladesh, du Brésil…» (la Presse, 17 octobre 2012, cahier Arts, p. 6)

18 octobre

Il existe des phrases parfaitement logiques, qui étonnent néanmoins.

«La croissance de la Chine poursuit son ralentissement http://bit.ly/WDu5ns» (@rdimatin).

Une croissance qui cesse de croître, est-ce encore de la croissance ?

18-19 octobre

À Montréal, la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction, dite Commission Charbonneau, vient de révéler l’existence du «cartel des égouts» (la Presse, 19 octobre 2012, p. A1). Gilles Surprenant, un ingénieur maintenant à la retraite, y reconnaît avoir reçu des «redevances» du temps où il était associé à l’octroi de contrats publics. En clair, mais en moins moderne : des pots-de-vin. (Au Canada, il existe une taxe sur les produits et services, la TPS. Dans l’industrie de la construction montréalaise, il y avait aussi un Monsieur TPS : il touchait la Taxe pour Surprenant.)