L’oreille tendue de… Simenon

Georges Simenon, Félicie est là, éd. de 2011, couverture

«Elle tend l’oreille. Qu’est-ce que c’est ? Il y a quelqu’un dans la cuisine. Elle reconnaît le bruit familier du moulin à café. Elle rêve. Il n’est pas possible que quelqu’un soit occupé à moudre du café.»

Georges Simenon, Félicie est là, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 563-646, p. 641. Édition originale : 1944.

L’oreille (très) tendue de… Simenon

Georges Simenon, l’Inspecteur Cadavre, édition de 1948, dans Lisez-moi (43, 61), couverture

«Sa montre, qu’il avait posée sur la table de nuit, marquait cinq heures et demie. Il tendit l’oreille et eut l’impression que la pluie avait cessé ou alors, s’il pleuvait encore, c’était une pluie fine et silencieuse» (p. 478).

«Couché comme il l’était, il ne pouvait même pas la regarder en face. Elle semblait attendre un instant l’effet de ses paroles, puis elle se levait, tendait l’oreille et, au moment de sortir de la chambre, ajoutait : — Faites ce que vous voudrez. Je m’en remets à vous» (p. 478-479).

«Puis elle redressait le buste, tendait l’oreille» (p. 516).

«— D’ailleurs… (Elle tendit l’oreille.)» (p. 517).

«Pourtant, Maigret n’écoutait pas. Louis le Grêlé, qui croyait avoir découvert la cause de son immobilité, tendait consciencieusement l’oreille» (p. 530).

«Maigret ne bougeait plus, tendait l’oreille» (p. 533).

«Sa femme, là-haut, ne devait pas dormir, mais tendre l’oreille, inquiète de ne pas entendre monter les deux hommes» (p. 543).

«Qui aurait pu deviner, en voyant Maigret, lourd et buté, qu’il avait aussi chaud que sa victime ? La chemise lui collait au dos. Il tendant l’oreille. Et, la vérité, c’est qu’il avait peur» (p. 555).

Georges Simenon, l’Inspecteur Cadavre, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 465-562. Édition originale : 1944.

Simenon et (les bustes de) Voltaire

Voltaire, buste

Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue — croyez-le ou non — se constitue une collection d’évocations de bustes de Voltaire. Cela lui permet de réfléchir aux mécanismes de la célébrité au XVIIIe siècle. En 2021, elle a même publié un texte sur le sujet, «Voltaire, “tête pensante”».

Sur quoi tombe-t-elle en lisant l’Inspecteur Cadavre, le roman de 1944 de Georges Simenon ? «Ainsi, c’était là cette Clémentine Bréjon, née La Noue, que tout le monde appelait familièrement Tine. Petite et vive, avec un visage grimaçant qui faisait penser aux bustes de Voltaire, elle se levait et questionnait d’une étrange voix de fausset […]» (éd. de 1992, p. 510).

C’est noté.

 

Références

Melançon, Benoît, «Voltaire, “tête pensante”», dans Fabrice Brandli et Marco Cicchini (édit.), Pages d’histoire. Autour de Michel Porret, Chêne-Bourg (Suisse), Georg éditeur, 2021, p. 73-89. https://doi.org/1866/28557

Simenon, Georges, l’Inspecteur Cadavre, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 465-562. Édition originale : 1944.

Ivrogne toponymique

Georges Simenon, Signé Picpus, 1944, couverture

Au début de Signé Picpus (1944), de Georges Simenon, le commissaire Maigret et son équipe sont rassemblés dans l’attente d’un crime : on le lui a annoncé. Cela commence par une série de fausses alertes. Parmi celles-ci : «Un Bercy ! Ce qui, en terme de métier, signifie un ivrogne» (éd. de 1992, p. 379). Plus tard, quand un deuxième cas se manifeste, on apprend que le Bercy sévit à l’envi le samedi (p. 381).

Pourquoi avoir choisi ce toponyme ? «Les entrepôts de Bercy étaient un ensemble réservé aux négociants en vin situé dans le quartier de Bercy en périphérie du 12e arrondissement. Situé le long de la Seine, cette zone recevait, stockait et redistribuait vins et spiritueux» (Wikipédia, 25 mars 2023).

À votre service.

P.-S.—Cela relève indubitablement du vocabulaire de l’imbibition, mais pas de celui du Québec.

 

Référence

Simenon, Georges, Signé Picpus, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 377-464. Édition originale : 1944.

Retour en néologie

«Amassons des matériaux», vignette publicitaire, première moitié du XXe siècle

À une époque, l’Oreille tendue proposait périodiquement des néologismes. Depuis trop longtemps, elle a failli à sa tâche. Revenons-y.

Vous passez vos vacances dans votre pays plutôt qu’à l’étranger ? En anglais, on parle maintenant de staycation — ou pas : «He called it a staycation. I told him to never use that word in my presence again» (Revenge Tour, p. 109). Google Translate propose, en français, séjour; ça ne va pas le faire.

Vous mêlez travail et vacances ? Il y a tracances et worliday pour cela — même si ce n’est pas recommandé. Vous vous contentez de chercher des agréments dans vos voyages d’affaires ? Parlez de bleisure.

Vous vous intéressez aux astres morts ? La nécroplanétologie est pour vous.

Vous croyez que le capitalisme fait mourir ? Ce serait la faute du nécrocapitalisme.

Comme toujours, le suffixe -ion est riche : défrancisation (vous pensez que Montréal serait de moins en moins une ville française), duraflation (vous trouvez des produits défraîchis sur les rayons), réduflation (vous en avez moins pour le même prix à l’épicerie), giletjaunisation (vous vous radicalisez).

Terminons en parlant d’argent. Les bénéfices financiers du vélo vous paraissent nombreux ? C’est normal : il existe désormais une véloconomie. Sera-t-elle étudiée par l’éconophysique ? Cela reste à voir.

 

Illustration : J.-F., F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951, 143 p., p. 65. Deuxième édition.

 

Référence

Lupica, Mike, Robert B. Parker’s Revenge Tour. A Sunny Randall Novel, New York, G.P. Putnam’s Sons, 2022, 321 p.