Néologismes négatifs du jour

«Solidarité féministe contre le violarcat», graffiti, 2016

Tout va mal ? Les néologues sont d’accord avec vous, en anglais comme en français.

Le gouvernement états-unien est dominé par des potes oligarques ? Parlez de broligarchy.

La pollution s’associe au pouvoir ? Dénoncez les pollutocrates.

Le harcèlement des femmes noires fait rage ? Méfiez-vous du misogynoir.

Le déni climatique épouse la misogynie ? Fuyez la pétromasculinité.

La violence sexuelle rejoint le patriarcat ? Vous devez vous en prendre au violarcat et à la manosphère, voire à la raposphere.

Les frontières entre le travail et la vie personnelle s’effacent ? Prémunissez-vous contre le blurring.

Un richard explique à un pauvre comment sortir de la pauvreté ? Ne le laissez pas richespliquer.

Le travail que vous pratiquez vous déplaît ? Peut-être souffrez-vous de ressentéisme.

Certaines personnalités politiques mésusent des réseaux sociaux ? Désabonnez-vous des trolliticiens.

À votre service.

Tout recommencer, ou pas

«Lane Hutson, nouveau contremaître de la reconstruction», site RDS.ca, 13 octobre 2024

Les équipes sportives ne peuvent pas toujours être au sommet du classement année après année. Il arrive des moments où elles doivent se transformer. Comment appeler cette transformation ?

Prenons l’exemple des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. On y a entendu plusieurs expressions au fil des ans. D’autres sont possibles.

Reset (dans la langue de Marc Bergevin) ou réinitialisation (en français).

Retool (bis) ou rééquipement (bis). Dans le même esprit : réoutillage.

Réingénierie, mot importé du vocabulaire de la pédagogie, en passant par la politique, auquel certains préfèrent reconfiguration des processus.

Reconstruction (rebuild). En bonne logique entrepreneuriale, celle-ci nécessiterait un contremaître (voir l’image ci-dessus, tirée du site de RDS du 13 octobre 2024) ou un reconstructeur, voire, au besoin, des vacances de la reconstruction.

Refondation. Le terme existe dans le système de santé québécois, mais il ne paraît pas avoir migré à l’aréna.

Rajeunissement. Si c’était aussi facile que cela, ça se saurait !

Pour faire plus simple, on peut parler de mot en r-. C’est imprécis mais inclusif.

P.-S.—Comme on le sait, à un certain moment, histoire d’être dans le mix, il faut cesser de se contenter du mot en r-.

P.-P.-S.—Oui, bien sûr, c’est de la langue de puck.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Du bon usage des coins

Soit la phrase suivante, dans un entretien donné par René Homier-Roy :

«Quand je me suis mis à faire des entrevues, j’avais tendance à tourner les coins ronds dans l’écoute, à faire mine d’écouter sans vraiment y mettre l’intensité nécessaire» (p. 33).

Au Québec, qui va trop vite en affaires est réputé couper / tourner les coins ronds. Exemples ici et .

Conséquence ?

«En France, M. Legault est suivi par l’immigration à cause de ses déclarations faites avant son départ. Les journalistes lui demandent de clarifier ses idées. Un certain brouillard demeure. Ses solutions se démarquent encore par la rondeur de leurs coins» (la Presse+, 4 octobre 2024).

Joli.

P.-S.—Couper / tourner les coins ronds, ce n’est pas bien. Travailler fort dans les coins, c’est le contraire. Oui, c’est de la langue de puck.

 

Références

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso.

«Les principes qui guident René Homier-Roy. Propos recueillis par Catherine Genest», Nouveau projet, 26, printemps-été 2024, p. 32-33.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Révolution à la Presse+

«Le calendrier républicain illustré», «Ventôse», illustration de 1794

Prenons, au hasard, un quotidien montréalais : la Presse+.

Toujours au hasard, consultons une édition : celle du 17 septembre 2024.

Posons-nous enfin, sans quitter le monde de l’aléatoire, une seule question : y est-il fait mention de la Révolution française ?

Triple réponse.

Aux sports, on a recours au calendrier révolutionnaire : «Depuis trois ans, le mois de ventôse — à partir de la fin de février, pour les adeptes du calendrier grégorien — est synonyme d’adieux pour les joueurs du Tricolore

En politique états-unienne, on se sert de la Révolution deux fois.

La première pour parler des déclarations de Donald Trump au sujet des médias : «Sous la Terreur en France, [les journalistes] étaient guillotinés, en Union soviétique, ils étaient fusillés.» (Ils ne furent pas les seuls ni dans un cas, ni dans l’autre.)

La seconde à propos des fans de l’ancien président : «L’armée de partisans qui se présente aux rassemblements de Donald Trump pourrait parfois ressembler aux ruées de “sans-culottes” lors de la Révolution française.» (On ne voit pas exactement sur quoi cela serait fondé.)

Le hasard fait parfois bien les choses.

P.-S.—Oui, c’est bien à cela que pense l’Oreille tendue quand elle s’intéresse aux classiques «au jour le jour».

 

Référence

Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

Benoît Melançon, Nos Lumières, 2020, couverture

Une société bilingue ?

Deux messages de la STM sur Twitter, 25 mai 2024

Depuis quelques décennies, un métro roule à Montréal. L’Oreille tendue l’utilise fréquemment.

Il arrive que des pannes nuisent au service. Comment connaître leur existence ? En suivant la Société de transport de Montréal (la STM) sur Twitter (que certains appellent X). Cela peut être utile.

Pourtant, il y a un problème, et de taille. La STM envoie tous ses messages en double, l’un en français, l’autre en anglais. Cette pratique contrevient évidemment à l’esprit de la Charte de la langue française, dont le premier article est clair : «Le français est la langue officielle du Québec. Seule cette langue a ce statut.»

La STM n’a que faire de l’esprit de la loi. C’est ennuyeux, pour le dire poliment.

P.-S.—Oui : l’Oreille continue à taper sur le même clou depuis plus de dix ans.