Quiz (facile) du jour

Les phrases qui suivent sont toutes tirées du même ouvrage. Où cet ouvrage a-t-il écrit ?

Les jeunes «ne demandent pas mieux que de s’asseoir et de bâtir des projets».

Les «rencontres de discussions» pouvaient «durer jusqu’à quatre heures sans que personne ne quitte».

Nul doute «que l’exercice nous permettra de prendre conscience de l’ampleur de la problématique».

On avait «eu raison de faire en sorte que l’Église ne fasse plus partie de la sphère politique au début des années 60».

«Les valeurs de la Révolution tranquille se voulaient, sans aucun doute, collectives […].»

«Plusieurs groupes d’intérêts ont leur propre stratégie et s’efforcent de la communiquer aux autres groupes qui, souvent, ont malheureusement déjà un agenda différent.»

Il serait bon «de cheminer au niveau des opinions politiques et de s’engager à titre de citoyen».

«Dans tous les cas, il est essentiel pour les jeunes, si l’on ne veut pas voir le rêve de la Révolution tranquille sombrer, de se rassembler pour déterminer notre plan de match […].»

La néologIE du mercredi matin

Poétocratie, couvertureAthlétométrie : méthode d’analyse statistico-sportive défendue par Philippe Navarro (2014).

Cauchemarologie : étude cauchemardeuse (@franceculture).

Dette-cratie : la soumission par la dette (en vidéo).

Éphébophilie : est aux adolescents ce qu’est aux enfants la pédophilie.

Exomusicologie : «Qu’est-ce que l’exomusicologie ?» (@dcdb) La question se pose, en effet.

Extrêmophilie : «De + en +, on doit tenir compte que nos sondes pourraient contaminer les planètes qu’elles visitent : extrêmophiles. http://news.nationalgeographic.com/2016/09/mars-journey-nasa-alien-life-protection-humans-planets-space/» (@MatthieuDugal).

Ludothérapie : jouer pour guérir (@franceculture).

Nanarophilie : la passion du navet, pour Antonio D. Leiva et Simon Laperrière (2015). Pas le légume.

Néomanie : l’amour du nouveau (@franceculture).

Poétocratie : les poètes au pouvoir, chez Fabula.

Sociocratie : «un mode de gouvernance inventé par l’ingénieur Gerard Endenburg aux Pays-Bas, [qui] existe depuis les années 70. Tout comme l’holacratie, la sociocratie fonctionne selon des cercles de concertation et rejette la pyramide hiérarchique pour les prises de décision» (la Presse, 20 juin 2015, cahier Affaires, p. 9).

Teutomanie : l’amour de l’Allemagne, selon Victor Klemperer (1996, p. 307).

Tocophobie : la peur d’accoucher, dixit la Presse+ du 7 février 2017.

 

Références

Dominguez Leiva, Antonio et Simon Laperrière, Éloge de la nanarophilie, Neuilly-lès-Dijon, Le murmure, coll. «Borderline», 2015, 75 p.

Klemperer, Victor, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, coll. «Agora», 202, 1996, 372 p. Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat.

Navarro, Philippe, La puck roulait pas pour nous autres… 44 saisons de la LNH décortiquées, Québec, Sylvain Harvey, 2014, 191 p. Préface de Mathias Brunet.

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Affiche de J.J. Rousseau vêtements

L’Oreille tendue, qu’on se le dise, n’a strictement rien contre l’hiver. Elle ira néanmoins bientôt causer de Jean-Jacques Rousseau sous le soleil californien. Ce sera dans le cadre du colloque «Rousseau’s Relevance : Politics , Ethics, and (Self-)Care in Jean-Jacques Rousseau’s Works», à Santa Barbara, à l’invitation de Flora Amann et Renan Larue. Programme ici.

Une nation ou deux ?

Dimanche soir, dans une mosquée de la ville de Québec, six hommes ont été assassinés. Comment les désigner ?

On a parlé de «musulmans». Beaucoup ont préféré dire qu’il s’agissait de «Québécois» ou de «Canadiens». Le premier ministre du Québec, à juste titre, évoque les «Québécois de confession musulmane» (la Presse+, 31 janvier 2017).

L’Agence France-Presse (AFP) utilise, elle, une expression inattendue : «Les six personnes tuées étaient toutes des Canadiens binationaux, a indiqué Mohamed Labidi, vice-président du Centre culturel islamique de Québec.» Sa dépêche a été reprise par plusieurs publications françaises et québécoises.

«Binationaux» ? L’adjectif étonne, vu du Québec : si l’on en croit la banque de données médiatique Eureka.cc, aucun média du Canada français n’a utilisé le mot pour désigner les victimes de l’attentat de Québec (sauf pour reprendre la dépêche de l’AFP).

On peut légitimement s’interroger sur son sens. Azzedine Soufiane vivait au Québec depuis près de trente ans. Khaled Belkacemi a obtenu deux diplômes de l’Université de Sherbrooke, l’un en 1986, l’autre en 1990, et il était professeur à l’Université Laval. Que voudrait dire «binationaux» dans leur cas ?

Voilà un adjectif qui en dit long sur la conception que l’on se fait, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, de la citoyenneté.

P.-S. — Merci à Clément Laberge et à Mélika Abdelmoumen d’avoir attiré l’attention de l’Oreille tendue là-dessus.

Le français conservateur

Annonce du débat du Parti conservateur du 17 janvier 2017

 

Le Parti conservateur du Canada, à la suite du départ de Stephen Harper, se cherche un nouveau chef. Hier soir, treize (!) candidats à ce poste ont été réunis à Québec pour présenter leurs positions en français. (Il aurait pu y en avoir quatorze si l’unilingue anglophone Kevin O’Leary n’avait pas été aussi «chicken», dixit le journaliste Yves Boisvert dans la Presse+.)

À la demande du Journal de Québec, l’Oreille tendue était devant son ordinateur pour suivre cette activité et offrir ses réflexions sur la qualité du français des candidats. (Merci de l’invitation. L’article est ici. Non, bien sûr, l’Oreille n’est pas linguiste.)

Ci-dessous, quelques ajouts à ce qui a paru dans le journal.

La formule

On ne peut pas parler de débat. À tour de rôle, les participants répondaient, en cinquante secondes, à des questions soumises par la direction du parti ou par des membres; pour plusieurs, il s’agissait de lire, approximativement, un court texte. (Une personne citée hier par le quotidien le Devoir laissait entendre que les candidats connaissaient les questions à l’avance.) Ils pouvaient également réagir brièvement à une déclaration d’un de leurs opposants. Il n’y avait donc aucune interaction réelle entre les candidats. On peut, sans risque de se tromper, avancer que la majorité des intervenants aurait été incapable de pareille interaction. La formule retenue, cette succession de monologues, les a donc protégés.

Le palmarès

Maxime Bernier et Steven Blainey sont francophones; ils étaient clairement avantagés hier soir. Le premier, qui aime l’anglicisme «vocal», a livré le pléonasme de la soirée : il faut «se lever debout».

Parmi les anglophones, Chris Alexander, Michael Chong et Rick Peterson ont été les seuls à faire la démonstration qu’ils sont bilingues. Alexander, qui a dit avoir déjà habité près de Québec, s’est permis un québécisme : «en pleine face». Chong hésitait entre «le job» et «la job». Le léger accent de Peterson et deux de ses choix lexicaux («sympa», «messieurs-dames») laissaient entendre qu’il avait appris son français dans l’Hexagone : en effet, selon son site Web, il a joué au hockey en France et il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Les trois faisaient des fautes, mais cela ne les empêchait pas de s’exprimer.

Aucun autre candidat n’a fait la démonstration de sa maîtrise du français. Deepak Obhrai était incompréhensible; sa présence était parfaitement inutile et souvent risible. Les problèmes de prononciation de Kellie Leitch («J’aurai besoin de vous pour pratiquer» mon français, a-t-elle avoué d’entrée de jeu), Brad Trost et Lisa Raitt étaient considérables. Pierre Lemieux ne paraît pas avoir compris qu’on lui posait une question sur les Premières nations; il a répondu sur un tout autre sujet. Erin O’Toole et Andrew Saxton avaient (un peu) mieux travaillé que les autres, mais pas au point de faire la preuve qu’ils sont capables de converser en français. (Lisa Raitt a-t-elle bien dit qu’il y a «60 milliards» de Canadiens qui travaillent dans la forêt ? Ça fait beaucoup de monde.)

Andrew Scheer est probablement le plus grand perdant de la soirée. La semaine dernière, à la surprise de plusieurs, il a annoncé qu’il avait l’appui de quatre députés québécois francophones de son parti dans la course à la chefferie. La soirée a plutôt bien commencé pour lui, mais ça s’est détérioré par la suite. Il n’était à l’aise ni quand il lisait ses réponses préparées ni quand il improvisait. Son poste de président de la Chambre des communes, à Ottawa, à partir de 2011, ne supposait-il pas une connaissance correcte du français ?

Ni le Parti conservateur ni le français ne sortent grandis de cette affaire.

P.-S. — Les choses n’avaient pas très bien commencé, la modératrice, Pascale Déry, ayant ouvert le bal en confondant le conditionnel et le futur («Je serais la modératrice») et en utilisant un anglicisme (il allait y avoir des «questions articulées autour de […] deux termes»).