Langue de campagne (28) : vocabulaire libéral

Compressions. Budgétaires. Toujours inévitables.

«Les compressions de Jean Charest» (le Devoir, 1er juin 2003).

Énoncé économique. Variante, prononcée à haute voix, de la feuille de route ou du plan de match.

«Charest exige un énoncé économique» (le Devoir, 10 octobre 2001).

Guichet unique. Tous les paliers gouvernementaux en rêvent : rassembler en un seul lieu l’ensemble des ressources insuffisantes.

«Les jeunes libéraux réclament la création d’un guichet unique de services à la jeunesse» (le Devoir, 13 août 2003).

Inclusif. À l’intérieur dedans.

«[Bernard] Landry tient un discours “moins inclusif”, dit [Jean] Charest» (le Devoir, 5 mars 2001).

Modèle québécois. Plusieurs ne l’aiment pas / plus.

«Charest annonce un tout nouveau modèle québécois» (la Presse, 30 avril 2003).

«Les libéraux réviseront le modèle québécois» (le Devoir, 17-18 mai 2003).

Ou. Règne de l’alternative.

«La souveraineté ou la santé» (slogan électoral, 2003).

450. Unité de mesure politique. Les élections se jouent dans le 450.

«Les libéraux raflent presque tout dans le 450» (la Presse, 15 avril 2003).

Les citations qui précèdent sont toutes tirées du Dictionnaire québécois instantané, paru en 2004. Il n’a pas été nécessaire de les actualiser.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Langue de campagne (27) : vocabulaire péquiste

Aile radicale. Seul le parti Québécois en aurait eu une, et depuis longtemps.

«[Lucien] Bouchard démissionne. L’incessant affrontement avec l’aile radicale du PQ et ses obligations familiales motiveraient sa décision» (la Presse, 11 janvier 2001).

Commission. Elle doit nécessairement précéder le grand soir.

«Une commission spéciale devrait être créée à l’initiative [du Parti québécois] avec pour mandat de baliser les contours de la souveraineté, d’en révéler les avantages et d’en identifier les retombées concrètes» (la Presse, 5 mai 2000).

Conditions gagnantes. Comme la musique : avant toute chose.

«Même l’horizon de 2005 [que le premier ministre] évoque, alors qu’un Québec souverain participerait au prochain Sommet des Amériques, est incertain puisqu’un référendum n’aura lieu que si les conditions gagnantes sont réunies» (le Devoir, 25-26 août 2001).

Défi. Les rechercher, les relever, le dire, en beurrer épais.

«Un nouveau défi pour l’unité de la gauche québécoise» (le Devoir, 25 novembre 2003)

Inclusif. À l’intérieur dedans.

«Le discours du PQ se veut pourtant inclusif et intégrateur» (le Nouvelliste, 19 avril 2001).

«Jamais plus il ne faut tolérer ici ou ailleurs que l’on assimile le projet québécois qui est totalement inclusif à quelque dessein ethnique que ce soit» (Bernard Landry, la Presse, 22 janvier 2001).

Purs et durs. Défenseurs de l’indépendance, elle aussi pure et dure, et du modèle québécois.

«Les “purs et durs” aiguisaient leurs couteaux pour déloger [Pierre-Marc] Johnson et favoriser Jacques Parizeau» (la Presse, 12 janvier 2001).

Les citations qui précèdent sont toutes tirées du Dictionnaire québécois instantané, paru en 2004. Il n’a pas été nécessaire de les actualiser.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Affaire de registre

La Presse+, 6 janvier 2014

Soit la phrase suivante : «On ne chantera jamais assez les louanges de la grande patinoire internationale de hockey qui accroît la fluidité du jeu et en accélère le rythme, où l’on n’est pas sans cesse en train de se colletailler et d’avoir maille à partir dans les coins» (le Devoir, 17 février 2014, p. A1).

Qui, au Québec, se colletaille (verbe toujours réfléchi) est aux prises avec quelqu’un ou quelque chose. Selon toute vraisemblance, ce mot, attesté depuis le XIXe siècle, vient de se colleter.

En matière de préposition, se colletailler se construit avec avec, avec à («Après s’être colletaillées […] à une économie chancelante», écrivait la Presse+ le 6 janvier 2014) ou avec sur (le dictionnaire en ligne Usito donne l’exemple suivant : «Québec et Ottawa se colletaillent sur la réforme du Sénat», le Devoir, 2007).

Le verbe s’emploie itou absolument («l’on n’est pas sans cesse en train de se colletailler»).

Ou il ne s’emploie pas, du moins dans certains registres. Tout le monde n’a pas à se colletailler avec lui.

Langue de campagne (26)

Quatre déclarations électorales :

«C’est bien connu, la technologie est la locomotive de la nouvelle économie, mais le capital humain en est incontestablement la force motrice»;

le candidat et son parti «s’engagent à […] renouveler la gouvernance du développement économique de [X] pour catalyser les efforts de tous les intervenants et créer des synergies importantes»;

«Le bien-être des citoyens de [X] sera au centre de la démarche qui se voudra inclusive de toutes les composantes de la communauté»;

«La qualité de la gouvernance économique des villes-régions est un facteur clé de leur compétitivité. La capacité de la ville à orienter son développement stratégiquement, à travailler pro-activement pour concrétiser des opportunités économiques et à livrer des services de qualité compte parmi les compétences clés des villes agissantes.»

Est-ce tiré des textes de la campagne électorale actuelle ? Non : cela vient du programme électoral de l’équipe de Gérald Tremblay à la mairie de Montréal en 2001.

Plus ça change, moins c’est pas pareil, en quelque répétitive sorte.

Langue de campagne (25)

Deux des principaux partis politiques provinciaux québécois, par le choix de leur slogan de campagne, viennent d’en faire la démonstration : le sens de la langue leur échappe totalement.

Le Parti libéral du Québec affirme vouloir s’occuper des «vraies affaires», quoi que soient les «vraies affaires». La Coalition avenir Québec fait pire : «On se donne Legault». (Le chef de la CAQ est François Legault.)

Puisque leurs équipes politiques ne sont pas douées, pourquoi ces partis politiques n’utiliseraient-ils des machines pour les aider ? Ça ne pourrait pas être pire que leur propre prose.

La RAO (rédaction assistée par ordinateur) offre en effet de nombreuses ressources en ligne. Deux exemples :

Générateur de phrases creuses

Leo Ipsum

Aux partis d’en profiter.