Souvenir de Mao

Georges G.-Toudouze (1921), p. 199

La Presse du 21 octobre comportait un cahier «Journée maritime québécoise 2013». On y trouvait notamment des portraits, dont un intitulé «Des communications à la navigation. Karine Racine femme de roue» (p. 6).

«Femme de roue» ? «Timonier si vous préférez.»

Oui, on préfère — mais on préférerait «timonière». (Merci à @Hortensia68.)

Illustration : G. Dutriac, dans Georges G.-Toudouze, Paris sur l’eau. Ouvrage couronné par l’Académie française, Tours, Maison Alfred Mame et fils, 1921, 304 p., p. 199.

Les mettre s’impose(rait)

Le gouvernement du Québec dévoilera plus tard aujourd’hui son projet de Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement. (L’Oreille tendue a analysé le document qui a servi à préparer ce projet de loi : «Document d’orientation. Orientations gouvernementales en matière d’encadrement des demandes d’accommodement religieux, d’affirmation des valeurs de la société québécoise ainsi que du caractère laïque des institutions de l’État.» C’est ici.)

Une chose est sûre : le gouvernement du Parti québécois sera ferme. La preuve ? «On met nos culottes», a déclaré une «source gouvernementale» au journal le Devoir (6 novembre 2013, p. A1).

L’expression mettre ses culottes marque, au Québec, une volonté d’affirmation. Qui les met prend ses responsabilités. Mieux : c’est le signe qu’on serait proactif.

Autres exemples

Avril 2004, dans la Presse du 29 avril : «“Le conseil de Nortel a mis ses culottes”» (cahier Affaires, p. 4).

Avril 2013, Assemblée nationale du Québec, question de Nathalie Roy, de la Coalition avenir Québec, à la ministre de l’Éducation, Marie Malavoy : «Alors, quand la ministre va-t-elle mettre ses culottes et cesser de sous-traiter aux commissions scolaires des augmentations de taxes ?» (Réponse de la ministre ici.)

 

[Complément du 29 août 2019]

Variation sur le même thème dans la Presse+ du jour : «Des maires des municipalités où sont publiés les journaux de Groupe Capitales Médias ont quant à eux fait la route vers l’hôtel du Parlement, hier, pour lancer un message aux politiciens : “Portez vos culottes” et taxez les géants du web.» Porter et mettre, même combat.

De l’inégalité des langues

Westmount était une ville sur l’île de Montréal. Brièvement, elle en a été un arrondissement. Elle est aujourd’hui une de ces villes que l’on dit défusionnées.

Des élections s’y tiendront le 3 novembre.

Philip A. Cutler est candidat. Voici une de ses publicités.

Philip A. Cutler, Westmount

On notera la symétrie linguistique : «Votez» / «Vote», «Conseil Municipal» / «City Council».

On notera aussi qu’elle n’est pas complète : la date est présentée à l’anglo-saxonne («Nov. 3 2013») et le nom du groupe Facebook est en anglais (facebook.com/VoteCutler), à moins que le candidat n’ait choisi de s’adresser à ses électeurs à la deuxième personne du singulier.

Le slogan est encore plus intéressant : «Everyone gets a say in OUR city !» Tout le monde a le droit de se prononcer à Westmount. En anglais seulement ?

Le Québec et le ROC

De temps en fois, l’Oreille tendue rassemble des titres d’articles commençant par «Les Québécois». (Voir les entrées du 25 avril 2011, du 31 mars 2012 et le 27 juillet 2012.)

Nouvelle livraison, histoire de distinguer le Québec du Rest of Canada (ROC).

Les Québécois…

…«sont moins inquiets que les Canadiens» (le Devoir, 9 août 2011, p. B1).

…«sont moins généreux que les autres Canadiens parce que leur revenu disponible est moins élevé» (la Presse, 22 décembre 2011, p. A25).

…«ont le taux d’imposition le plus élevé en Amérique du Nord» (la Presse, 4 août 2012, cahier Affaires, p. 6).

…«se sentent plus à l’aise que les Canadiens» (le Devoir, 7 septembre 2012, p. A7).

…«plus ouverts que les Ontariens» (la Presse, 8 septembre 2012, p. A24).

…«restent malgré tout moins nantis que les Canadiens» (le Devoir, 11 octobre 2012, p. A1).

…«ont le régime [d’assurance médicaments] le plus généreux du Canada» (la Presse, 12 février 2013, cahier Affaires, p. 1).

…«moins inquiets que les autres Canadiens» (la Presse, 15 avril 2013, p. A14).

…«moins filous que les Canadiens ? » (la Presse, 4 mai 2013, cahier Voyage, p. 3).

…«seraient aussi à droite que les Canadiens» (le Devoir, 17 octobre 2013, p. A4).

Quand on se compare, on se console, dit-on.

P.-S. — «De temps en fois» ? Idiosyncrasie familiale.

Langues prêtes à porter

Jean-Philippe Toussaint, la Salle de bain, éd. de 2005, couverture

Langue de bois, langue de coton, langue de verveine, langue de margarine : les langues toutes faites, écholaliques, ne manquent pas.

Exemple, évidemment ironique, chez Jean-Philippe Toussaint, dans la Salle de bain (1985) :

Des débats ont été engagés, dirait l’ambassadeur, des suggestions émises, des conclusions tirées et des programmes adoptés. Ces projets, qui ont été élaborés dans le sens de l’harmonisation des textes, visent, à travers une définition précise des études préalables, à renforcer la mise en œuvre des dispositions établies lors de la précédente réunion. Les mêmes dispositions tendent, du reste, à inspirer aux participants une programmation plus rigoureuse de leurs activités d’étude pour une meilleure maîtrise des projets, de manière à mettre en œuvre les modalités d’une amélioration de l’efficacité pratique des capacités. Compte tenu des grands espoirs nourris par les participants, ils se sont entendus pour conjuguer leurs efforts dans les domaines de la responsabilité, de la fidélité et de la cohésion. Davantage. Ils attendent — et l’expression est de la bouche même du président de séance — une multiplication des efforts en vue de réaliser les principaux objectifs assignés. Vous avez un saladier ? demanda Kabrowinski. Pardon ? Un saladier, répéta-t-il en mimant approximativement un saladier (éd. de 2005, p. 34-35).

C’est ce qui s’appelle être sauvé par le saladier.

 

Référence

Toussaint, Jean-Philippe, la Salle de bain suivi de Le jour où j’ai rencontré Jérôme Lindon, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 32, 2005, 139 p. Édition originale : 1985.