Quiz du lundi matin

L’Oreille tendue a parlé, le 25 août 2009, des PQ (les périphrases québécoises).

Pourriez-vous reconnaître…

…le maître de Saint-Hilaire ?

…le kid de la Grande-Allée ?

…l’ogre de Redmond ?

…le toffe de La Malbaie ?

…la lionne de Bourget ?

…le père de l’assurance-maladie du Québec ?

…le cheik aux yeux bleus ?

…le lion du Sénat ?

P.-S. — En effet : toutes ces périphrases ne sont pas québécoises. C’est comme ça.

Chargé (de sens)

Pierre Szalowski, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, 2012, couverture

La mère de l’Oreille tendue n’est pas très souvent présente en ces lieux. Elle n’a guère été évoquée que pour l’expression «rare comme de la marde de pape».

Corrigeons cela.

Elle aime le mot barda. Pas «L’équipement du soldat» dont parle le Petit Robert, mais plutôt un «Chargement encombrant, [un] bagage» (édition numérique de 2010), les choses, en assez grand nombre, que quelqu’un porte.

Et Sim, pourquoi ne courait-il pas ? Peut-être parce qu’il ne pouvait tout simplement pas aller plus vite, avec tout son barda sur le dos ? (l’Enfant du cimetière, p. 133)

L’Oreille a pensé à elle en lisant l’étude que vient de consacrer Jonathan Livernois à l’essayiste Pierre Vadeboncoeur (2012). L’auteur y utilise le mot barda de façon inattendue :

Il reste à savoir si Vadeboncoeur est conscient du poids de son barda moderne dans son périple au cœur du passé […] (p. 130).

Parce qu’ils sont des explorateurs qui transportent un barda nécessaire, […] Miron et Lévesque sont plus grands qu’eux-mêmes; c’est en ce sens qu’ils sont extraordinaires (p. 206).

Chose certaine, quoi qu’il fasse, il traînera toujours avec lui son barda moderne, même en jouant avec son fils (p. 257).

Ni l’Oreille ni sa mère ne connaissaient cet usage métaphorique de barda. C’est chose faite.

P.-S. — Dans Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Pierre Szalowski fait dire ceci à un de ses personnages : «Je vous laisse tout seul dans mon hôtel et je reviens, pis c’est le barda» (p. 316). On se demande si ce personnage n’a pas confondu barda et bordel, ou euphémisé le second en ayant recours au premier.

 

Références

Livernois, Jonathan, Un moderne à rebours. Biographie intellectuelle et artistique de Pierre Vadeboncoeur, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Cultures québécoises», 2012, x/355 p. Ill.

MacGregor, Roy, l’Enfant du cimetière, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 13, 2009, 164 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.

Szalowski, Pierre, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Montréal, Hurtubise, 2012, 360 p.

Tout tout proche

L’Oreille tendue ne manque jamais une occasion de le dire : ses lecteurs ont l’oreille tendue.

L’un d’eux, lisant Pierre Foglia dans la Presse, remarque l’expression de proximité.

Il se passe quelque chose et je ne parle plus ici d’édition. Je parle d’un changement qui va pas mal plus loin que le bio. Un intérêt, les 10 000 exemplaires en témoignent, pour une agriculture différente, de proximité, notamment dans la grande couronne de Montréal, sur des petites surfaces, sans machinerie lourde, une autre idée d’envisager le territoire, même une autre façon de remuer le sol, en surface sans en bouleverser la structure chaque fois… (1er juin 2013).

Ce lecteur ne s’arrête pas en chemin et il multiplie les exemples :

De quoi s’occupent donc les municipalités ? De questions bien concrètes et terre-à-terre comme la circulation, le transport public, le déneigement, la cueillette des ordures, les services de proximité sportifs et culturels (la Presse, 28 mai 2013, p. A17).

Le maire «fait le trottoir» régulièrement et pratique une politique de proximité. Lui-même locataire — pas les moyens d’acheter dans son propre fief —, il vit sur le Plateau depuis une quinzaine d’années et y pédale dix mois par année (le Devoir, 3 mai 2013, p. B10).

Les deux équipes ont joué un hockey de proximité en 2e période, avec comme résultat que chacune marque une fois, de telle sorte que la situation au tableau principal ne change pas, les locaux gardant leur priorité de deux buts après 40 minutes de jeu (l’Avantage, 3 décembre 2010).

Bruno [Roy] s’est créé des parents après les avoir trouvés… une mère d’amour de proximité, un père qu’il a choisi et à partir duquel il a façonné son destin d’écrivain (le Devoir, 18 janvier 2010, p. A7).

Il serait également nécessaire de favoriser une médecine de proximité en offrant davantage de services à domicile (le Devoir, 5 novembre 2007, p. A3).

Le milieu est d’autant plus convivial que les aînés et les enfants ont le loisir de profiter des lieux et des rues sans limite et avec l’usage, un urbanisme de proximité s’installe pour assurer une meilleure sécurité (la Tribune, 26 septembre 2005, p. A10).

Tout cela est probant. Danger : cliché.

P.-S. — Ce n’est pas pour se vanter, mais l’Oreille avait déjà un exemple dans sa sébile : «Vers un terrorisme de proximité ?» (le Devoir, 25-26 mai 2013, p. B1). On n’est jamais mieux servi que par ses proches.

L’art du titre sans poulet

Les révélations entendues à la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, la Commission Charbonneau, du nom de la juge qui la préside, ont coûté son poste à Gilles Vaillancourt, le maire, que l’on croyait inamovible, de Laval.

Rebelote, en quelque sorte, avec son remplaçant, Alexandre Duplessis, qui vient de demander au gouvernement du Québec de mettre sa ville en tutelle.

Le 31 mai, au moment où l’on a appris la nouvelle, le journaliste Patrick Lagacé twittait ceci :

Alexandre Duplessis, chicken

Dans son journal, la Presse, le lendemain, il écrivait plutôt : «Alexandre Duplessis, dégonflé» (p. A5). Dans le corps de l’article que coiffe ce titre, il y a aussi «pissou».

Alexandre Duplessis serait donc un «chicken», un «dégonflé» ou un «pissou»; ça veut dire la même chose.

La Presse a choisi un mot au lieu des deux autres. Quelqu’un y serait-il chicken linguistiquement ?

 

[Complément du 26 décembre 2021]

Exemple littéraire, tiré des Noyades secondaires (2017) de Maxime Raymond Bock :

— À l’odeur, doit y avoir un animal mort là-dedans, certain.
— Chicken (p. 223).

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, les Noyades secondaires. Histoires, Montréal, Le Cheval d’août, 2017, 369 p.

Rire dans son assiette

En janvier 2012, Alain Dubuc, dans le journal la Presse, s’en prenait au «néo-jovialisme» supposé de Jean-François Lisée.

Dans le même journal, le même Dubuc, le 24 mai, parle de la «Politique de souveraineté alimentaire» du gouvernement du Québec. Son titre ? «L’agrojovialisme» (p. A22).

On ne le dit pas assez : Alain Dubuc fait beaucoup pour le jovialisme au Québec.