Portrait cruel du jour

Dennis Lehane, Moonlight Mile, éd. de 2011, couverture

«The blond woman was Donna, I assumed. She was attractive the way sports bar hostesses and pharmaceutical reps are — hair the color of rum and lots of it, teeth as bright as Bermuda. She had the look of a woman who kept her plastic surgeon on speed dial. Her breasts were prominently displayed in most of the photos and looked like perfect softballs made of flesh. Her forehead was unlined in the way of the recently embalmed and her smile resembled that of someone undergoing electroshock.»

Dennis Lehane, Moonlight Mile. A Kenzie and Gennaro Novel, New York, Harper, 2011, 348 p., p. 132. Édition originale : 2010.

Portrait en jouisseur

Marie d’Agoult, Premières années (1806-1827), éd. de 2009, couverture

«Chasseur paresseux, indolent joueur de whist, dormeur inéveillable, amateur de longs repas et de plaisirs commodes, volontiers loin de sa femme dont l’esprit vif et piquant fatiguait son flegme, [le prince Louis de La Trémoïlle] était attiré chez nous par les petits bois giboyeux, par la partie de whist établie en permanence au salon dans les jours de pluie, par les talents d’Adelheid [la cuisinière viennoise], et peut-être aussi par le mien qu’il mettait à contribution chaque soir après dîner en me demandant de lui jouer sur le piano ce qu’il appelait un joli petit air qui l’empêchait de s’endormir avant l’heure d’aller se coucher.»

Marie d’Agoult, Premières années (1806-1827), Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», série «Femmes de lettres», 4875, 2009, 140 p., p. 57. Édition établie et présentée par Martine Reid.

Curriculum vitæ itératif

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

On l’a vu : Gérard Fulmard est un des narrateurs de Vie de Gérard Fulmard. Mais de qui s’agit-il ? On l’apprend par touches successives.

Page 16 : «Revenons à moi qui me nomme Fulmard, me prénomme Gérard et suis né le 13 mai 1974 à Gisors (Eure). Taille : 1,68 m. Poids : 89 kg. Couleur des yeux : marron. Profession : steward. Domicilié rue Erlanger, Paris XVIe, où je vis seul.»

Pages 16-17 : «cette profession de steward, je ne l’exerce plus. Mon vrai statut actuel est celui de demandeur d’emploi en passe de se reconvertir, mais je vais développer ce point.»

Page 19 : «Mais pourquoi, direz-vous, ne suis-je donc plus steward, pourquoi n’exercé-je plus une si enviable profession ? Eh bien, sans évoquer le handicap de mon surpoids toujours mal vu dans le milieu aérien, disons que je l’ai pratiquée pendant six ans avant d’être licencié pour faute. Je ne tiens pas à m’étendre sur cette faute, si ce n’est qu’elle m’a valu une peine avec sursis assortie d’une obligation de soins.»

Page 175 : «Arrêtez-moi si je me trompe mais vos empreintes avaient été relevées, me semble-t-il au moment de votre histoire sur le vol Paris-Zurich, non ? Je pense qu’ils ont dû les conserver dans leurs fichiers. Il a encore souri. J’ai marqué le coup.»

Page 177 : «Il m’est revenu qu’en effet, dans un moment de faiblesse, prenant Bardot pour un praticien normal tenu par le secret professionnel, je m’étais assez déballonné à propos de ce vol pour Zurich, de ses conséquences douloureuses ayant abouti à mon renvoi ainsi qu’à l’inscription de mon nom sur une liste noire.»

Page 211 : «Puis ils avaient eu beau me déchoir de mes droits civiques après l’histoire du Paris-Zurich, ils m’avaient quand même laissé mon permis de conduire.»

Ce sera tout. Merci de votre intérêt.

 

Référence

Echenoz, Jean, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

Portrait psychotique du jour

 

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

«Francis Delahouère, assistant de Joël Chanelle : aspect sphéroïdal voisin de celui-ci mais en version effilochée, imprécise, mal rangée. Sa cravate dépasse derrière le col de sa chemise, ses cheveux sont rétifs et ses vêtements, même neufs, paraissent élimés aux extrémités, il ressemble au portrait de Chanelle exécuté par un enfant psychotique.»

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p., p. 65-66.

L’art du portrait de surface

Philip Roth, American Pastoral, 1997, couverture

«I was impressed, as the meal wore on, by how assured he seemed of everything commonplace he said, and how everything he said was suffused by his good nature. I kept waiting for him to lay bare something more than his pointed unobjectionableness, but all that rose to the surface was more surface. What he has instead of a being, I thought, is blandness — the guy’s radiant with it. He has devised for himself an incognito, and the incognito has become him.»

Philip Roth, American Pastoral, New York, Vintage Books, 1997, 423 p., p. 23.