Continue à me faire vibrer

En mai 2012, l’Oreille tendue s’ouvrait au vibrant. Depuis ?

Un festival : «Les Francofolies vous font vibrer ? Nous aussi» (la Presse, 22 mai 2013, p. A16, publicité).

Un roman : «Empois […] boucle la boucle d’une saga vibrante comme son auteure» (la Presse+, 10 novembre 2013).

Un film : «Un hymne vibrant» (la Presse, 21 septembre 2013, cahier Cinéma, p. 9).

Une ville : «Vibrer au rythme du cœur battant de la ville» (la Presse, 21 septembre 2013, cahier Arts, p. 19, publicité).

De la musique : «Koriass, le rappeur paradoxal. Son nouveau disque vibre au rythme de ses contradictions et de ses remises en question» (le Devoir, 2-3 novembre 2013, p. E3).

L’Oreille en tremble de tous ses membres.

P.-S. — Sur Twitter, @Lucie Bourassa se demande si inspirant ne se pointe pas tout juste derrière vibrant. À suivre.

 

[Complément du jour]

Histoire de rebondir sur le commentaire de @LucieBourassa, une image :

Vibrer au rythme de la ville

H comme hockey et comme histoire

En 2006, la campagne publicitaire des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — mêlait le passé (architectural) de la ville et un des joueurs de l’équipe. (Voir l’analyse de Jonathan Cha.)

Canadiens de Montréal, campagne de publicité, 2006

Un peu plus tard, au moment de l’interminable centenaire de l’équipe, on superposait à un joueur du passé (en noir et blanc) un joueur du présent (en couleurs). Thème ? «L’histoire se joue ici.» (Voir l’analyse de Fannie Valois-Nadeau.)

Canadiens de Montréal, campagne de publicité, 2009

Cette année, le slogan est «Le club du hockey». Une des affiches de cette campagne mêle deux photos de joueurs du présent, Brandon Prust et Max Pacioretty, à celle d’une légende du passé, Jean Béliveau.

Morale de cette histoire ? Elle est double.

Le club lui-même crée et vend son histoire.

Les succès du passé sont plus sûrs que ceux du présent.

 

Références

Cha, Jonathan, «“La ville est hockey”. De la hockeyisation de la ville à la représentation architecturale : une quête urbaine», Journal of the Society for the Study of Architecture in Canada / Journal de la Société pour l’étude de l’architecture au Canada [JSSAC | JSÉAC], 34, 1, 2009, p. 3-18.

Valois-Nadeau, Fannie, «Quand “l’histoire se joue ici”», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 6, 2013, p. 93-108.

De l’inégalité des langues

Westmount était une ville sur l’île de Montréal. Brièvement, elle en a été un arrondissement. Elle est aujourd’hui une de ces villes que l’on dit défusionnées.

Des élections s’y tiendront le 3 novembre.

Philip A. Cutler est candidat. Voici une de ses publicités.

Philip A. Cutler, Westmount

On notera la symétrie linguistique : «Votez» / «Vote», «Conseil Municipal» / «City Council».

On notera aussi qu’elle n’est pas complète : la date est présentée à l’anglo-saxonne («Nov. 3 2013») et le nom du groupe Facebook est en anglais (facebook.com/VoteCutler), à moins que le candidat n’ait choisi de s’adresser à ses électeurs à la deuxième personne du singulier.

Le slogan est encore plus intéressant : «Everyone gets a say in OUR city !» Tout le monde a le droit de se prononcer à Westmount. En anglais seulement ?

Le mépris de Bell

I.

Bell est un des géants des télécommunications au Canada. On ne s’étonnera pas que l’entreprise multiplie les campagnes publicitaires : la compétition est féroce dans ce secteur de l’économie.

Dans un de ses plus récents messages télévisés, une femme interroge une de ses amies au sujet d’un groupe d’hommes enfermés dans le garage de celle-ci : «Ça leur dérange pas […] ?»

La faute est grossière : déranger est un verbe transitif direct (Ça les dérange pas […] ?).

On pourrait penser qu’il s’agit d’une faute involontaire.

Quand on compare cette publicité à d’autres de Bell, certaines commentées par l’Oreille tendue, une autre par le chroniqueur Pierre Foglia dans la Presse, on est plutôt porté à penser qu’il s’agit d’un choix délibéré des concepteurs de ses publicités : mal parler pour vendre.

II.

Sur un plan différent, on notera que ce message télévisé peint, une fois de plus, les hommes québécois comme de joviales andouilles.

Ils s’enferment dans un garage pour regarder un match de hockey et tonitruer quand leur équipe marque un but. Leur décor ? Fauteuils, tête d’animal empaillée au mur, vélos, moto. La maîtresse de maison explique à son interlocutrice, celle qui dit «leur dérange», que ce lieu serait, selon ses occupants, le «temple de la testostérone».

Il y avait les hommes des cavernes. Il y a maintenant les Québécois des garages.

III.

La femme qui pose la question est Noire. Elle parle mal. Elle est donc parfaitement intégrée à la société québécoise.

IV.

Cela s’appelle du mépris.

 

[Complément du 26 octobre 2013]

Le commentateur Pierre Foglia, dans la Presse du jour, partage la position de l’Oreille tendue sur cette nouvelle publicité.

 

[Complément du 19 mai 2014]

On recommence à rediffuser cette publicité. Si les oreilles de l’Oreille ne la trompent pas, la faute a été corrigée. Merci.

De l’importance de la majuscule et, donc, de la minuscule

L’Oreille tendue a pris soin, le 20 avril 2011, de rappeler qu’il ne faut pas confondre la Japonaise et la japonaise, le Français et le français, le Danois et le danois. Quelques semaines plus tôt, c’était d’Américaine et d’américaine qu’il s’agissait.

Pourquoi revenir là-dessus aujourd’hui ? À cause de deux phrases lues récemment.

L’une, tirée de la Presse, fait un usage correct de la minuscule : «Quatre canadiennes parmi les plus gros pollueurs» (13 septembre 2013, cahier Affaires, p. 5). Il s’agit, heureusement, d’entreprises (canadiennes), pas de personnes.

En revanche, la citation suivante, tirée d’une lettre de 1830 de Wilhelm von Humboldt à Abel-Rémusat, est fautive, du moins selon les normes du XXIe siècle : «Je puis naturellement moins juger de ses connaissances en Chinois, et je ne disconviens pas qu’il met parfois plus de confiance que je ne le ferois, dans des connaissances rapidement acquises.» S’y connaître «en Chinois», ce n’est pas du tout la même chose que s’y connaître «en chinois», à moins, bien sûr, que la connaissance dont parle Humboldt ne soit la connaissance dite biblique, ce qui ne paraît pas être le cas. (Merci à @LucieBourassa pour la citation.)

P.-S. — On notera avec plaisir l’utilisation par Humboldt de «ne pas disconvenir que», expression trop peu employée.

 

[Complément du 1er décembre 2014]

Sur les écrans qui diffusent de l’information continue dans le métro de Montréal, ceci, vu tout à l’heure : «INTEL ACHÈTE UNE MONTRÉALAISE.»

On peut espérer qu’il s’agit d’une (société) montréalaise, et non d’une Montréalaise.

 

[Complément du 12 août 2015]

Donc, oui : l’adjectif prend la minuscule. (Merci à la Librairie Monet pour cette publicité parue dans le quotidien le Devoir aujourd’hui.)

Usage correct de la minuscule

Donc, non : l’adjectif ne prend pas la majuscule. (Et le substantif non plus, d’ailleurs.)

Usage incorrect de la majuscule

C’est comme ça.

 

[Complément du 6 août 2018]

Il y a Belge (l’habitant de la Belgique) et belge (la bière) : «Une fois abandonné par Caroline et relégué aux deux et demie pas chers de Verdun, je me suis contenté d’entretenir ma solitude, un film, un livre, une belge à la fois, mais j’ai maintenant dépassé la trentaine et il commence à faire sombre certains soirs par chez nous» (les Noyades secondaires, p. 181).

 

[Complément du 22 novembre 2021]

Soit la phrase suivante, tirée de Libération : «Reste que le Français “a besoin de normes, de grammaires et de dictionnaires, explique la sociolinguiste Maria Candea. Mais cette fonction revient plutôt aujourd’hui aux dictionnaires privés (Larousse et Robert), qui eux-mêmes entérinent l’usage observé dans la population”.» Langue ou citoyen ? Français (sans majuscule) ou Français (avec majuscule) ? Faudrait préciser.

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, les Noyades secondaires. Histoires, Montréal, Le Cheval d’août, 2017, 369 p.