Soit les tweets suivants. Le premier est de l’excellent @cynocephale : «Les femelles macaques se gardent une petite gêne lorsque leurs enfants les regardent s’ébattre.» L’autre est du non moins excellent @Ant_Robitaille : «Charest lance que opposition à croissance est position d’A. Khadir “des souverainistes”. Marois rétorque : “garde-toi une petite gêne !”».
En temps normal, l’Oreille tendue n’aurait pas accordé une attention excessive à leur contenu, la sexualité des macaques, même en famille, et les débats à l’Assemblée nationale du Québec n’occupant pas une grande place dans ses pensées.
C’est l’expression se garder une petite gêne qui a mis la puce à l’oreille de l’Oreille. Pour elle, jusqu’à tout récemment, cette expression allait de soi. Or deux lecteurs de ce blogue — appelons-les l’Oreille québecquoise et l’Acéricultrice — lui ont écrit pour lui soumettre leurs réflexions sur cette petite gêne, voire leur gêne devant icelle.
Que signifie-t-elle ? Faire preuve de retenue, ou de pudeur, notamment en public. Deux exemples tirés de la Presse, le premier portant sur le hockey, le second sur le rugby : «il serait si facile de parler de jeu d’impuissance, mais on va se garder une petite gêne pour l’instant» (19 octobre 2011, cahier Sports, p. 1); «Pour demain, il nous reste à espérer que les All Blacks vont se garder une petite gêne et ne nous infligeront pas un 68-3, comme ils le font parfois» (30 septembre 2011, cahier Sports, p. 7). Exemple proposé par l’Oreille québecquoise : «À propos de ses enfants, Céline se garde une petite gêne.»
Comment se prononce-t-elle ? L’Acéricultrice suggère une p’tite gêne. Il faut la suivre.
Pourquoi pas simplement se garder une gêne ? Car les Québécois aiment gros l’adjectif petit. Ils n’hésitent jamais, par exemple, à prendre un petit café et un petit dessert dans un petit restaurant avec leur petite famille avant de faire un petit bout de chemin.
D’où vient l’expression ? Mystère.
Est-elle récente ? Encore là, mystère, mais aucun des lexiques ou dictionnaires que l’Oreille a sous la main ne la connaît.
[Complément du 24 novembre 2011]
Monique Cormier consacre sa chronique du jour à l’émission Médium large de la radio de Radio-Canada à cette expression et à son origine (voir les commentaires ci-dessous). On peut l’entendre ici.
[Complément du 26 novembre 2011]
Entendu à France Culture le 21 novembre dans «La chronique de Jean-Louis Ézine» : «une petite gêne subsiste».
[Complément du 7 juin 2015]
Peut-on évaluer la popularité de l’expression au Québec ? Des publicitaires l’utilisent. C’est un signe qui ne saurait mentir.