Dans la Presse+d’hier, cette phrase : «Vivre avec une étiquette. Jonathan Sénécal connaît le tabac.» (Sénécal joue au football pour les Carabins de l’Université de Montréal.)
Au Québec, qui connaît le tabac est réputé avoir de l’expérience et tirer des leçons de celle-ci.
Autre exemple, chez Michel Tremblay : «C’est alors que Santuzza fit son entrée. Vêtue, elle, de noir, des pieds à la tête. La special guest connaissait le tabac !» (p. 84)
On l’aura compris : ce tabac est de même nature que la musique dans connaître la musique.
La néologie semble apprécier les mots en -ing. Exemples, parmi tant d’autres.
Canyoning : «Le canyoning est une drôle d’activité qui consiste à suivre un cours d’eau en montagne et à descendre ses différentes cascades à l’aide de cordes» (la Presse+, 9 septembre 2023).
Curating : «Faire de sa vie une œuvre d’art : le mot d’ordre était cher aux avant-gardes. A défaut, il semblerait que l’on puisse aujourd’hui faire de sa vie une expo. C’est du moins le constat que l’on pourrait induire de l’infiltration du mot “curating” à tous les étages de notre quotidien, un terme que l’on croyait pourtant réservé à la conception des expos d’art contemporain» (les Inrocks, 11 décembre 2015).
Glamping : Camping, mais haut de gamme (glam). «“Glamping” à l’écossaise» (la Presse+, 4 juin 2014).
Plogging : «Originaire de la Suède, le terme plogging est formé de la contraction de plocka upp (ramasser, en suédois) et de jogging» (la Presse+, 2 juillet 2023). Autrement dit : faire le ménage extérieur en courant. À Radio-Canada, on lui préfère écojogging.
Sharenting : Partager (share) des photos de ses marmots sur les réseaux sociaux (la Presse+, 16 septembre 2018).
Voguing : «Plus qu’une danse, le voguing est un acte politique, performatif, une affirmation de soi.» C’est France Culture qui le dit.
P.-S.—En effet, nous avons déjà croisé des néologismes en -ing. C’est par là.
«D’abord, cela [le baseball] se joue en pyjama. Bien sûr, avec les années, la mode est passée au collant, pour le plus grand plaisir des voyeurs et des voyeuses qui ne tarissent pas d’éloges sur les fesses des frappeurs ou sur les cuisses des voltigeurs. Mais qu’à cela ne tienne, l’uniforme de ces athlètes n’a rien à voir avec les accoutrements guerriers des joueurs de football ou de hockey. C’est le chandail léger de la détente où rien, hormis la tradition, ne saurait vous intimider. Les Yankees, en effet, revêtent un pyjama sacré qui transcende les saisons ainsi que les mentalités.»
Serge Bouchard, dans Bernard Arcand et Serge Bouchard, «Le sport», dans Quinze lieux communs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1993, p. 11-22, p. 20.
«Une quantité considérable d’Américains persistent à croire que le cœur de la nation bat à un rythme qui est plus rural qu’urbain. Le baseball s’inscrit dans cette croyance, et il est facile de projeter une sentimentalité pastorale sur le diamant verdoyant et impeccable au centre de nos villes postindustrielles de verre et de béton et d’espoirs déçus.»
Andrew Forbes, De l’utilité de l’ennui. Textes de balle, Montréal, Éditions de Ta Mère, 2017, 196 p. Édition originale : 2016. Traduction de Daniel Grenier et William S. Messier. Édition numérique.
(En 2013, l’Oreille tendue a proposé ici un «Dictionnaire des séries»; elle en a par la suite tiré un livre, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Elle a aussi réfléchi à la langue du football américain, et donc canadien, et vice versa; c’est là. Qu’en est-il du vocabulaire du baseball, de la langue de balle ? Sixième texte d’une série.)
Les lanceurs et les frappeurss’affrontent, certes, mais ils ne sont pas seuls sur le losange et au champ extérieur; des joueurs en défensive sont là, à attendre le moment d’intervenir.
Les voltigeurs patrouillent le champ extérieur. Ils sont trois, à gauche, au centre et à droite. En français populaire du Québec, on dira volontiers qu’on joue à la vache pour désigner cette partie du terrain, située entre la clôture, elle-même annoncée par une piste d’avertissement, et le champ intérieur ou avant-champ.
Les voltigeurs de centre ont souvent beaucoup de terrain à couvrir; voilà pourquoi ce sont des marchands de vitesse. Pour des raisons assez peu claires, c’est au champ gauche que naîtraient les idées les plus inattendues. Pendant longtemps — l’Oreille tendue n’est pas allée vérifier récemment —, les voltigeurs de droite avaient assez mauvaise réputation; ce n’était pas toujours les meilleurs éléments en défensive de l’équipe.
Qu’attend-on de ces joueurs ? Qu’ils jugent bien les balles, qu’ils fassent de bons relais — ce qui exige d’avoir un bon bras —, qu’ils ne ratent pas l’intercepteur (quand il y a des coureurs sur les sentiers), qu’il coupent le coureur sur un but ou au marbre (ce qui n’est pas très fréquent). On félicitera un joueur qui plonge pour attraper une balle basse pour son vol au sol. Les attrapés ou catchs les plus difficiles sont ceux que l’on fait dos au marbre.
À l’avant-champ, on trouve de gauche à droite, du point du vue du frappeur, le troisième but, l’arrêt-court, le deuxième but et le premier but. Au Québec, le but peut-être un coussin; en France, une base. On appelle parfois l’arrêt-court, au Québec, l’inter; on peut même, à l’occasion, le dire diminutif. Sur l’échelle de la valeur défensive, le joueur de premier but est l’équivalent du voltigeur de droite : indispensable, mais ce ne sont pas toujours les meilleurs athlètes. (Il a été question du receveurlà.)
Les doubles jeux sont l’ami des lanceurs : faire d’une pierre deux retraits. Certains sont automatiques; d’autres demandent plus d’efforts pour réussir à bien les tourner. Meilleur encore, mais beaucoup plus rare, il y a le triple jeu : le triple retrait vaut bien sûr mieux que le double. Dans le doute, il est plus sûr de s’abstenir : un retrait sûr, sur un choix de l’intérieur, c’est un retrait; ce n’est pas à dédaigner.
Dans la mesure du possible, les joueurs en défensive devraient éviter de jongler avec la balle ou de l’attraper du bout du gant; cela pourrait donner des sueurs froides à leur entraîneur, voire mener à une erreur. Ils sont appelés à capter des ballons, des chandelles ou des flèches, mais aussi à intercepter, saisir ou gober des roulants, ces balles que l’abbé Étienne Blanchard a suggéré de nommer des lapins et la Société du parler français, des coups rasants. Sur leur revers, c’est un peu plus compliqué, surtout si la balle fait un bond capricieux ou si elle a des yeux. Ils doivent réagir rapidement, que la balle soit en jeu ou dans le territoire des fausses balles. Si, par extraordinaire, ils volent un coup sûr, un double, un triple ou un circuit, on les louange (à juste titre). Les joueurs retirés par leurs bons offices constituent des retraits; on Québec, on les dit morts. Chaque année, les meilleurs joueurs défensifs reçoivent un gant doré.
Les stratégies varient selon le nombre de coureurs et leur position. On ne joue pas de la même façon avec des coureurs aux extrémités (le premier et le troisième but), les buts remplis, les sentiers déserts, etc. Les entraîneurs conservateurs jouent le livre; ils fondent leurs décisions sur la tradition que ce livre (imaginaire) contiendrait.
De la même façon qu’il y des civilisations de l’oral, il y a des sports du livre.
Illustration : Ozzie Smith préparant un double jeu